01 février 2006

La Harpe d'herbes - Truman Capote

(photo : Jack Mitchell)

Éditions L'Imaginaire Gallimard, 1952 (paru pour la première fois en 1951, aux États-Unis), 222 pages, traduction de M.-E. Coindreau.

Lu du 27 au 31 janvier 2006.
Extrait :
«À la sortie de la ville, quand on prend la route de l'église, on ne tarde pas à atteindre une colline tout éblouissante de dalles blanches et de fleurs bronzées : c'est le cimetière baptiste. Tous les nôtres y sont enterrés : les Talbo, les Fenwick ; ma mère repose à côté de mon père, et les tombes des parents, une bonne vingtaine, sont disposées autour comme les racines d'un arbre de pierre. Au pied de la colline il y a un champ de hautes herbes indiennes qui change de couleurs avec les saisons : allez le voir en automne, à la fin de septembre, quand il a pris la couleur rouge d'un coucher de soleil, quand les ombres écarlates y soufflent comme des lueurs de feu et que les vents d'automne tirent des feuilles sèches une musique de soupirs humains, une harpe de voix.» (p. 7-8)
Biographie de l'auteur (merci www.evene.fr !) :
Abandonné à cinq ans par sa mère, le jeune Truman Capote est élevé par ses tantes à La Nouvelle Orléans. Il commence à écrire à l'âge de dix ans et publie sa première nouvelle, Miriam, à vingt ans. Cultivé, homosexuel et souvent provocateur, il se fait connaître dès son premier roman Les Domaines hantés, paru en 1948. Il fréquente Tennessee Williams et Gore Vidal, avec qui il se brouillera. Après le succès de Petit Déjeuner chez Tiffany, portrait aigre-doux d'une marginale, il marque un changement de style radical. Capote consacre six années à l'écriture de De sang-froid, une enquête très réaliste tirée d'un fait divers sanglant. C'est là le manifeste du «non fiction novel» (roman de non-fiction) par l'enfant terrible de la littérature américaine. Au sommet de sa gloire, mondain, alcoolique, il est aussi célèbre pour ses propos corrosifs. Son roman inachevé Prières exaucées, offre une peinture sans fard des milieux huppés qu'il fréquente (de Marilyn Monroe à Andy Warhol), et fait scandale avant même d'être publié. Il meurt à soixante ans, en 1984, rongé par une vie d'excès.
Quelques anecdotes :
Il participe à l'élaboration de plusieurs films : en 1953, il écrit les dialogues de Station terminus de Vittorio De Sica, puis, un an plus tard, le scénario original de Plus fort que le diable de John Huston. Il signe également l'adaptation des Innocents de Jack Clayton. Richard Brooks porte à l'écran son oeuvre De sang-froid en 1967.
Il tient même au cinéma le rôle de Lionel Twain dans le film Un cadavre au dessert de Robert Moore en 1976, aux côtés de Peter Sellers, Alec Guinness et Peter Falk. Twain, un riche excentrique, invite les cinq plus grands détectives du monde à dîner et les défie de trouver l'auteur du meurtre qui sera commis à minuit.
La découverte de Truman Capote
Comme beaucoup de monde, j'ai découvert Truman Capote grâce au film Capote de Bennett Miller (qui, en passant, a été tourné à Winnipeg, Manitoba. Ce qui fait deux films sélectionnés pour les Oscars qui ont été tournés au Canada, avec Brokeback Mountain !).
Ce film raconte le processus de création littéraire de la célèbre oeuvre In Cold Blood, que Capote a mis six ans à achever. À la suite du meurtre d'une famille dans un petit village du Kansas, Capote est envoyé pour rédiger un article pour son journal, le New York Times, et il réussit à rencontrer les deux tueurs, qui ont entre-temps été arrêtés. Il développe alors une véritable fascination pour l'un des deux meurtriers, Perry Smith, ce qui le pousse à écrire son roman de non-fiction.
Le rôle de Truman Capote dans ce film est tenu par un Philip Seymour Hoffman époustouflant et qui mérite l'Oscar du meilleur acteur...
Mais ne nous égarons pas...
Avant de publier In Cold Blood, en 1966, Truman Capote avait comme thème de prédilection l'exploration de l'enfance, thème qu'il aborde une nouvelle fois avec La Harpe d'herbes, publié en 1951.
L'analogie avec sa propre vie est rapide : le livre raconte l'histoire de Collin Fenwick, un jeune garçon de 16 ans, qui vit avec Verena et Dolly Talbo, qui sont deux vieilles filles, deux soeurs qui vivent ensemble mais ne s'entendent pas, et qui ont recueilli le jeune Collin après la mort de ses parents. Verena est sévère et égoïste, tandis que Dolly est d'une nature plus rêveuse, plus extravertie. Dolly fabrique une potion à base d'herbes qu'elle vend par correspondance. À ces personnages s'ajoute Catherine, la domestique noire (n'oublions pas que nous sommes aux États-Unis dans les années 50), qui est très proche de Dolly. À la suite d'une dispute avec Verena, Dolly s'enfuit avec Catherine et Collin, et ils décident de vivre dans une cabane en haut d'un arbre.
Cet événement va remuer toute la petite communauté qui les entoure, et sera le prétexte à des portraits tour à tour originaux (Sister Ida), poétiques (le juge) ou austères (le shérif). Truman Capote glorifie la nature, et le roman recèle de nombreux passages très poétiques. Tout ceci raconté par Collin.
À première vue, ce synopsis pourrait nous faire penser au Baron perché, d'Italo Calvino, mais il n'en est finalement rien. Cependant le point commun des deux oeuvres reste une écriture riche et subtile, poétique, et qui nous entraîne dans les rêveries de Dolly, qui arrive à la fin de sa vie, et de Collin, qui amorce la sienne...
Une oeuvre pleine de philosophie, d'un écrivain réellement doué, que je vous invite à découvrir au delà de son plus célèbre roman, De sang-froid.
D'autres romans de Truman Capote ici.
En rédigeant ceci, j'écoute cela : Camille - Le fil (2005)

5 commentaires:

Alcib a dit...

Truman Capote, c'était d'abord pour moi l'auteur de « Breakfast at Tiffany »... Puis c'était l'écrivain « jet set » qui côtoyait les personnalités dans les endroits à la mode (Studio 54, Russian Tea Room, à New York)...
C'était aussi un auteur fétiche de mon premier grand amour, devenu chroniqueur au magazine « Interview », d'Andy Warhol avant de passer au cinéma... J'ai découvert récemment d'autres liens qui ont ajouté une dimension supplémentaire au plaisir que j'ai pris à voir ce film...

Lætitia Le Clech a dit...

Je crois que ce film a donné envie à tous ceux qui l'ont vu de découvrir plus amplement cet homme très particulier. Ça fait 2 ou 3 fois que je vois quelqu'un dans le métro en train de lire "In Cold Blood" !! Et moi, je le cherche dans les magasins de livres usagés et il est introuvable...

Alcib a dit...

Ah tiens ? Introuvable ? Je n'aurais pas cru ; en ce moment, oui, j'imagine. Je ne l'ai pas lu non plus, mais je me souviens du film « In Cold Blood ».
J'aimerais bien passer un peu de temps avec les livres de et autour de Truman Capote ; mais j'imaginec ela en été, je ne sais pas pourquoi ;o)

Anonyme a dit...

et bah moi je suis en train de le lire en ce moment.. "De Sang Froid"

Anonyme a dit...

Je n'ai lu que De sang froid, de Truman Capote ...