30 mai 2006

Falaises ~ Olivier Adam

Editions de l'Olivier, 2005, 206 pages.

Biographie de l'auteur :
Olivier Adam est né en 1974. Il a grandi dans la région parisienne. Il a déjà publié quatre romans, avant Falaises :
Je vais bien, ne t'en fais pas (La Dilletante)
A l'Ouest (Éditions de l'Olivier)
Poids léger (Éditions de l'Olivier)
Passer l'hiver (Éditions de l'Olivier)
Il écrit également pour la jeunesse (École des Loisirs).

Poids léger a été adapté au cinéma, par Jean-Pierre Améris, en 2004.
Au Québec, Falaises était en lice pour le prix des libraires 2006 (voir ici), dans la catégorie roman hors Québec. Il n'a pas gagné.
Extraits :
«J'ai trente et un ans et ma vie commence. Je n'ai pas d'enfance et, désormais, n'importe laquelle me conviendra. Ma mère est morte et tous les miens s'en sont allés. La vie m'a fait une table rase où Claire et moi nous nous asseyons, où Chloé s'est invitée, un sourire très doux au coin des lèvres.» (page 14)

«On ne sait jamais rien de ce qui se noue entre les êtres, eux-mêmes souvent l'ignorent, et le découvrent en se perdant» (page 73)

«Je marche sur les pas de ma mère, je vais vers sa mort, plusieurs fois je tombe et mes genoux sont couverts de terre meuble, dans la paume de mes mains s'infiltre la boue, crissent des cailloux. Bientôt j'atteins le sommet des falaises, elles s'échancrent et se brisent sur des kilomètres. Je ne vois rien et le vent me colle en arrière, me saoule et me brûle les yeux. Je m'avance jusqu'au bord extrême, je pourrais fermer les yeux et tenter de deviner où s'arrête la terre, faire ce pas de plus qui me clouerait au sable, démembré, déchiqueté, fracassé des dizaines de mètres en contrebas.» (page 128)

«J'ai trente et un ans et rester en vie a longtemps été pour moi une activité à plein temps, un programmes, un horizon. Garder un semblant d'équilibre. Ne pas tomber en miettes ni fondre en larmes. Ne pas m'enfoncer, me laisser entraîner par ceux qui sont loin désormais, à qui j'étais lié et dont le poids me leste.
J'ai trente et un an et peu importe. Je sais le poids des morts. Et je sais le mauvais sort. Je sais la perte et le saccage, le goût du sang, les années perdues et celles qui coulent entre les doigts. Je connais la profondeur des sables, j'en ai éprouvé la résistance, la matière meuble, équivoque. Je sais que rien n'est fiable, que tout se défait, se fissure et se brise, que tout fane et que tout meurt. La vie abîme les vivants et personne, jamais, ne recolle les morceaux, ni ne les ramasse.» (page 204)

J'ai débuté ce livre hier soir, pour ne plus le lâcher que terminé, à 2h du matin.
C'est drôle car l'histoire se déroule en l'espace d'une nuit, durant laquelle le narrateur se remémore la mort de sa mère, quand il avait 11 ans, 20 ans jour pour jour auparavant. J'avais peut-être l'impression d'être avec lui, de parler avec lui, de l'écouter raconter des bribes de souvenirs. Ce qui est certain, c'est que je ne voulais pas le quitter. Je ne voulais pas refermer son histoire à peine commencée... Je l'ai donc lu jusqu'au bout.
Par certains aspects, ce livre m'a rappelé un peu le film Tarnation, autoportrait bouleversant de Jonathan Caouette (si vous ne l'avez pas vu, courrez-y !), 31 ans, qui dès l'âge de 11 ans (les similitudes entre les âges sont même troublantes !), décide de filmer la chronique chaotique de son enfance dans une famille texane. Il nous entraîne dans un tourbillon psychédélique à partir d'instantanés, de films d'amateur Super-8, de messages enregistrés sur répondeur, de journaux intimes vidéo, de ses premiers courts métrages et de bribes de la culture pop des années 80, accompagnés de scènes reconstituées, pour tracer le portrait d'une famille américaine éclatée par de multiples crises mais réunie par la force de l'amour.
Mais Falaises est un livre, et à la différence de Jonathan Caouette, le narrateur ne possède pas de souvenirs, ce qui rend l'exercice plus difficile et périlleux pour l'auteur.
Mais l'objectif est atteint, et pour ne pas l'avoir lâcher pendant deux ou trois heures (sur la fin je lisais moins vite ;-), je peux dire que j'ai été submergée par l'écriture mélancolique d'Olivier Adam, son style particulier, et par cette histoire tragique.
Rien ne nous indique que ce roman est autobiographique, mais les émotions sont senties et fortes, j'ai même trouvé dans des commentaires appartenant au blogue Voyage au bout de la lettre le témoignage suivant :
«J'avais l'impression que [le livre] "parlait" dans ma tête. Qu'il avait mis des mots sur mon chagrin et retranscrit point par point, pleur après pleur, culpabilité après culpabilité, ce que peut ressentir un enfant lorsqu'il perd sa mère dans de telles circonstances. Peut être qu'un jour je finirai "falaises"... alors, peut-être, je serai guérie.»
Petit bout par petit bout, le narrateur nous parle de la mort violente de sa mère, de la relation plus que difficile (impossible ?) avec le père, de ce magnifique lien entre le narrateur et son frère, Antoine : «Mon frère et moi, nous ne nous étions jamais parlé. Nous n'avions jamais eu de conversation. Nous n'avions rien à nous raconter, rien à nous prouver, nous nous aimions d'un amour infini, c'est tout(page 112)
Quand il évoque sa femme et sa fille, tout devient lumineux. «Aujourd'hui, plus rien ne me touche. Plus rien sinon Claire et Chloé. Et cette nuit, je ne parlerai pas d'elles. Non. Ou du moins pas vraiment. Non, je ne dirai rien d'elles, par superstition peut-être, oui, sûrement, pour les arracher l'une et l'autre au mauvais sort, à la malédiction. Je parlerai d'elles un autre jour, une autre nuit, et alors je dirai le rire de ma fille et ses cheveux contre ma joue, et je dirai le regard mélancolique de Claire et ma tête enfouie entre ses seins, ses mots simples et justes qui me font marcher debout, la tendresse qui nous tient, la consolation de vivre dans ses parages.» (page 173)
Ces rares passages amènent un baume à travers la violence du récit : la mort, l'incompréhension, les pulsions destructrices (drogues, alcool), la fuite (par le suicide, par le voyage). Et ce sont ces rares passages qui vont l'emporter, laissant le narrateur (et le lecteur) avec le goût amer de ses souvenirs dans la bouche, mais l'envie irrépressible d'être là, pour sa femme, pour sa fille, et un peu pour lui aussi.
En rédigeant ceci, j'écoute cela : Rufus Wainwright ~ Want two (Universal - 2004)

5 commentaires:

Anonyme a dit...

Moi aussi j'ai beaucoup aimé ce livre. A vrai dire je suis une grande fan d'Olivier Adam, de tout ce qu'il écrit, aussi bien en jeunesse que pour les adultes. En revanche, je ne connais pas le film dont tu parles, ça m'intéresse beaucoup.
J'ai également parlé de "Falaises". Si tu veux voir ce que j'en dis : http://jesaispasdutout.over-blog.com/article-1075949.html

Lætitia Le Clech a dit...

Oui c'est très drôle car je suis allée voir hier, sur ton blogue, des articles que je n'avais pas encore lu et je suis justement tombée sur cet article, sur Olivier Adam...
Je veux en lire d'autres de lui mais ils n'en avaient pas d'autres à la bibliothèque hier...:(

Anonyme a dit...

Je te conseille aussi " Sous la pluie" et la "Messe anniversaire" dans la collection "méduim".

Lætitia Le Clech a dit...

> Stella : merci pour les conseils lectures !

Anonyme a dit...

bOnjOur, je m'appel laurence . Pour un travail que je dOis faire pOur l'école, je dois choisir un livre qui n'est pas une autobiographie, ni policier, etc .. j'ai acheté le livre falaise de Olivier Adam et j'aurais voulu savoir si celui-ci étais une autobiographie .. merci de me répondre.