29 avril 2007

Mirror Lake


Mirror Lake, d'Andrée A. Michaud, éditions Québec Amérique, 2006, 335 pages.

Extrait : «Une fois dans la voiture, je me suis deshabillé, mais j'ai gardé ma calotte, pour ne pas rameuter la police des moeurs. En fouillant dans la boîte à gants, où j'espérais trouver de quoi m'éponger le visage, je suis tombé sur une cassette de Johnny Cash et on est revenus à Mirror Lake, Bill, Jeff et moi, en écoutant des vieux succès comme Cry, Cry, Cry, Get Rhythm, I walk the Line et Folsom Prison Blues. J'avais découvert Cash sur le tard, mieux vaut tard que jamais, et je me demandais comment j'avais pu ignorer ce géant, parce que c'est géant, Cash, du genre inoubliable, qui va chercher le lonesome cow-boy en vous et vous met un goût de fer et de poussière dans la bouche. Écouter du Cash, c'est comme écouter le coeur vibrant des États-Unis d'Amérique, avec ses hommes au visage buriné, sa nostalgie des espaces sauvages, ses femmes qui fendent du bois en accouchant. Ça sent le crottin et la sécheresse, ça sent bon les champs désolés à perte de mémoire, la misère et l'amour, toutes odeurs qui se perdent dans le soleil couchant, quand la silhouette du lonesome cow-boy disparaît à l'horizon ou se fait percer la peau d'une balle de Remington juste avant le générique et la musique finale. Ça me procurait un bien énorme, d'écouter du Cash, même si ça me rendait mélancolique, je n'en étais pas à une contradiction près, et heureusement que le soleil a percé les nuages au moment où nous arrivions à Mirror Lake, parce que je me serais mis à brailler comme un veau, un tout petit veau perdu dans les espaces sauvages où sa mère venait de succomber à la chaleur.» (p.301)

Ce passage me laisse sans mot, sans voix, tant il s'en dégage une beauté mélancolique et touchante. Je reste sans mot devant ce texte que j'aurais aimé écrire, qui me fait ressentir tout ce que peut procurer la musique, même si je ne connais pas Johnny Cash plus que ça.
Mirror Lake est à l'image de ce texte, même si l'histoire de ce roman ne se retrouve pas dans ce passage (sauf concernant les états d'âme du narrateur). Un style irréprochable, qui fait souvent référence au cinéma et à la musique, et une intrigue qui nous amène justement très proche du rivage de David Lynch, alors qu'au début du roman, je me pensais dans Misery, de Stephen King.
Un style d'une beauté éclatante, pour une histoire angoissante, où un homme à la recherche de calme et de paix au bord d'un lac dans le Maine se retrouve aux prises avec un voisin un peu trop présent, et des personnages pas très fréquentables. Jusqu'au moment où la véritable identité du narrateur se révèle, à moins que ce ne soit celle de son voisin... Et tout ça à cause d'une pierre vieille de 400 millions d'années, partenaire de solitude de Robert, le narrateur.
La fiction imaginée par Andrée A. Michaud, Prix du Gouverneur général en 2001 pour Le Ravissement, est parfois abracadabrante, ou tout du moins extraordinaire (dans le sens qui sort de l'ordinaire). Son personnage est en quête d'une identité et d'une vérité qui ne repose que sur l'illusion. Cela l'amène à des questionnements métaphysiques quelque peu déroutants...
Une auteure québécoise que je découvre, et dont je vais probablement explorer plus amplement la bibliographie !

Le livre est disponible dans toutes les bonnes bibliothèques de la Ville de Montréal, et à la Librairie du Québec à Paris...

Pfff, ça fait du bien de réécrire un peu par ici...dans le silence, aujourd'hui...

5 commentaires:

Alcib a dit...

Et ça fait du bien de te lire de nouveau dans le silence de ce dimanche gris et frais de fin d'avril...
Je ne connaissais pas du tout cet écrivain et, même en tombant par hasard sur l'un de ses livres, il n'est pas du tout sûr que je l'aurais ouvert ou même regardé. Mais, d'après l'extrait que tu présentes ici, je peux sentir l'intérêt que tu as eu pour ce livre. Il y a quelque chose de Brokeback Mountain, là-dedans ; c'est sans doute la solitude, la quête d'identité, les grands espaces, les années 50-60...

Anonyme a dit...

"Le ravissement" du même auteur est dans ma pile à lire. Celui-ci je l'avais ajouté à ma liste à me procurer et ton avis me conforte. :)

Lætitia Le Clech a dit...

Ah et bien merci pour vos commentaires, ça fait plaisir de réécrire quelque chose après plus d'un mois et de se savoir lue, au moins ce n'est pas pour rien :-) !
> Oui Alcib, quelque chose de Brokeback Mountain, dans les ambiances, les paysages que l'on imagine, la solitude. Mais l'histoire n'a pas grand chose à voir par contre. Le livre, aussi, se passe à une époque très récente, même si les références musicales sont parfois plus anciennes.

> Allie : je vais lire Le Ravissement très bientôt je crois !

Bavardage sens dessus dessous sur la culture et la communication, la communication de la culture et la culture de la communication a dit...

Connait pas, mais suis contente de lire cet extrait... et de retrouver ton blog, après quelques semaines de non lecture dûe à un livre de Pierre Bayard "Comment parler des livres que l'on a pas lus", dont je te recommande la... non lecture !
Suis surtout contente de lire ici ton point de vue, pas caché dans des extraits d'autres critiques : ça fait du bien de lire ce que tu livres des livres...

Lætitia Le Clech a dit...

Merci Aimzon ! À très bientôt !