14 avril 2010

Épluchures de patates


Le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates, de Mary Ann Shaffer et Annie Barrows, Nil éditions, 2009

Et vous, qu'auriez-vous fait pour tenir le coup durant une guerre ou une occupation ? Comment auriez-vous vécu les interdictions, les bombardements, le couvre-feu, les humiliations, la mort, la pauvreté, la faim ?
Et bien, à Guernesey, durant l'occupation allemande de la Seconde Guerre Mondiale, les habitants de cette petite île anglaise ont créé un club de lecture.
Au départ ruse pour se protéger de la réprimande des Allemands pour avoir enfreint le couvre-feu, ce club se matérialise et devient bien plus qu'un lieu où partager ses lectures.
C'est ce que découvre Juliet Ashton, jeune romancière londonienne qui a connu le succès durant la guerre en écrivant des chroniques humoristiques qui soulageaient les Anglais face aux atrocités qu'ils vivaient. Le pouvoir de l'humour et du rire n'est plus à prouver...
Un jour, un certain Dawsey lui écrit, après avoir trouvé son adresse dans un livre. Il souhaite lui demander des informations sur un auteur, Charles Lamb, qu'il affectionne particulièrement. Et il lui parle donc de ce fameux club de lecture. Intriguée, notre auteure décide de quitter Londres pour se rendre à Guernesey et rencontrer tous ses nouveaux amis (plusieurs lui ont écrit suite à la première lettre de Dawsey).
La deuxième partie du livre se situe donc entièrement sur cette île Anglo-Normande. Je dois dire que le texte donne envie de se rendre sur cette petite île dont on ne sait presque rien.
Le saviez-vous, vous, que les Allemands avaient occupé Guernesey durant la Seconde Guerre Mondiale ? Et bien je l'ai appris dans ce livre.
L'intrigue se base sur des échanges épistolaires entre les différents protagonistes (Juliet et son éditeur Sydney, Juliet et Dawsey, Juliet et Sophie, sa meilleure amie, etc.), et ce qui est au départ une excellente idée devient vite un peu facile... De plus, ils s'échangent des lettres comme nous des courriels, à la vitesse de l'éclair, et je dois dire qu'à un moment donné, nous avions oublié que nous étions en 1946. Cet aspect a troublé ma lecture par moment.
Même si au delà de cela, il y a cet humour très british (pourtant les auteures sont américaines), ce style fluide, ces aventures rocambolesques qui nous font la plupart du temps oublier les quelques problèmes techniques du roman.
Un roman bonbon, qui fait du bien, rempli d'humour. La fin est un peu mièvre, même si elle nous fait plaisir...
Au final, ça se lit vite, alors ne vous privez pas, c'est un bon roman de vacances qui nous en apprend quand même sur la réalité de l'Occupation pendant la Seconde Guerre Mondiale et la vie après la guerre. C'est aussi une ode à la lecture et le récit contient quelques moments délicieux lors des réunions du club de lecture (les membres du club choisissent leurs lectures selon ce qui se trouve dans la bibliothèque de la fondatrice du club et ça va de Sénèque à Jane Austen en passant par ce fameux Lamb). Je ne crois pas que Juliet Ashton soit très représentative des femmes anglaises de l'époque, mais pourquoi pas ? Certains diraient que je m'attache aux détails, et je leur répondrais que oui, en effet, je m'attache aux détails et je le revendique... D'ailleurs, j'ai même remarqué des erreurs de dates dans certaines lettres (lettre postdatée par rapport à sa réponse) et j'ai eu quelques réticences sur le style entièrement épistolaire, alors même que je suis une amatrice inconditionnelle de lettres, de vraies lettres là, vous savez, écrites au stylo sur du papier à lettre. Oui oui ça existe encore !
Comme le dit Marine Landrot, dans son article pour Télérama, «en plus d'être un délectable ­catalogue des excentricités littéraires de toute une communauté, ce roman est empreint d'une profonde humanité. C'est un chant d'amour à la lecture, démarche humble et silencieuse.»
Ça compense pour les critiques que je viens d'en faire, n'est-ce pas ?
Je remarque que sur la couverture du livre en France, il y a un bandeau avec un commentaire d'Anna Gavalda : «Absolument délicieux», et bien voilà exactement qui résume très bien ce que j'en pense et qui peut conclure cet article : Le Cercle des amateurs d'épluchures de patates est un excellent Anna Gavalda. Voilà qui ravira les amateurs du genre.

Un mot sur les auteures (je recopie la notice biographique de l'éditeur) car ça vaut le coup :
Mary Ann Shaffer est née en 1934 en Virginie-Occidentale. C'est lors d'un séjour à Londres, en 1976, qu'elle commence à s'intéresser à Guernesey. Sur un coup de tête, elle prend l'avion pour gagner cette petite île oubliée où elle reste coincée à cause d'un épais brouillard. Elle se plonge alors dans un ouvrage sur Jersey qu'elle dévore : ainsi naît sa fascination pour les îles Anglo-Normandes. Des années plus tard, encouragée à écrire un livre par son propre cercle littéraire, Mary Ann Shaffer pense naturellement à Guernesey. Le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates est son premier roman, écrit avec sa nièce, Annie Barrows, elle-même auteure de livres pour enfants. Mary Ann Shaffer est malheureusement décédée en février 2008 peu de temps après avoir su que son livre allait être publié et traduit en plusieurs langues.

La critique du Nouvel Observateur
Une petite vidéo
(je vous rassure, le livre parle d'autre chose que de patates)

En écrivant ceci, j'écoute Blonde Redhead, Misery is a Butterfly (4AD/Beggars Banquet, 2004)

5 commentaires:

m a dit...

J'ai bien hâte de t'entendre sur ce livre. Comme je t'avais dit, il était dans mes "lectures à faire" alors ça me démange de savoir s'il est bon ou non! ;)

m a dit...

Bon et bien, tu me donnes envie de le lire! Les critiques que tu en fais sont celles que j'avais peur d'y retrouver justement en lisant ce type de livre, mais je passerai par-dessus. Et tu écoutes Blonde Redhead, yeah! :D

MistyMaMa a dit...

Ton résumé et ton avis vont vraiment dans le sens de ma lecture.
J'ai passé un délicieux moment, Guernesay sera dans mes prochaines destinations, c'est certain ! (en attendant, on a fait Jersey, en mars, c'était plus simple ;-)).
Très bon livre pour passer un bon moment, alimenter les curieux d'Histoire et les ravir les amoureux de lecture.
A bientôt !

Bavardage sens dessus dessous sur la culture et la communication, la communication de la culture et la culture de la communication a dit...

Tu aurais dû le lire en anglais ! (ouhla et de risquer un commentaire de vision prospective!! cf article je lis en anglais)
Pour moi, Guernesey évoque un autre livre que je viens de terminer : orgueil et préjugé de Jan Austen ; une histoire de mariages tout à fait délectable

Nathalie a dit...

Tu as souligné le mot qui résume tout à fait mon avis sur ce livre : "délicieux" :)