26 octobre 2009

Sampat Pal

Moi, Sampat Pal, chef de gang en sari rose, Sampat Pal, en collaboration avec Anne Berthod, Oh ! Éditions 2008, 290 pages.

Il y a quelques semaines, alors que Patrick Masbourian nous offrait son excellente émission "Vous êtes ici", injustement supprimée des ondes de Radio-Canada depuis, j'ai entendu une entrevue portant sur Sampat Pal, chef de gang en sari rose.
Celle-ci a écrit sa biographie et décrit son combat, en collaboration avec Anne Berthod.
Pas de la grande littérature, certes, mais nous sommes ici avant tout dans un témoignage qui nous offre une vision de l'Inde vue de l'intérieur, par une femme que rien n'aurait laisser présager qu'elle se transformerait en justicière dans un monde machiste, sexiste et corrompu. Un pays où cette culture est si présente, presqu'immuable, où le système de castes, bien que banni dans les papiers depuis plusieurs années, reste omniprésent, particulièrement dans les campagnes, où les plus forts règnent souvent sur les plus faibles, parfois avec violence.
Cette entrevue avec Karine Bates, anthropologue spécialisée dans l'Inde, entendue donc en avril 2009, m'avait véritablement frappée, et depuis je cherchais ce fameux livre, pour connaître un peu mieux la vie de cette femme.
Le livre en main, j'ai donc suivi tout le cheminement de cette femme, issue d'une basse caste, celle des bergers, qui parviendra par la force de son caractère à imposer sa vision du monde d'abord à sa famille (et surtout sa belle-famille) et à son mari puis aux forces policières et aux entrepreneurs véreux de sa région, l'État le plus peuplé de l'Inde, et aussi l'un des plus pauvres, l'Uttar Pradesh.
Progressivement, elle s'organisera pour fonder le gang des saris roses, le Gulabi Gang. Ses actions commencent modestement, la plupart du temps, elle s'occupe d'arranger des affaires liées aux injustices du système de castes ou des problèmes territoriaux. Parallèlement, elle donne des cours de couture à des femmes pour leur permettre de s'émanciper en fabriquant des habits qu'elles peuvent vendre.
Puis, de plus en plus de femmes viennent la consulter pour des problèmes conjugaux, la plupart du temps de la violence qu'elles subissent de la part de leur mari ou de leur belle-famille. Il faut savoir qu'en Inde, dans les milieux les plus défavorisés, la femme qui se marie (souvent qui ne choisit même pas son mari et qui est mariée à 12 ou 13 ans) s'en va vivre dans sa belle-famille, donc celle-ci devient très présente dans les affaires du couple. Si le couple a des problèmes ou met du temps à avoir des enfants, c'est toujours la faute de la femme, et si celle-ci n'accouche que de petites filles, elle peut être rejetée par son mari, qui souhaite souvent ardemment avoir des fils !
Donc Sampat Pal devient la conseillère de ces femmes et bien souvent elle arrive à résoudre leurs problèmes.
Parfois, elle organise quelques actions chocs, des sit-in devant les postes de police, ou des "corrections" données à des maris violents... Elle use de méthodes peu orthodoxes, mais c'est le seul moyen pour elle de se faire entendre.
Grâce à la fondation du Gulabi Gang, ces femmes qui viennent la consulter peuvent devenir des ambassadrices de Sampat Pal, venant à leur tour en aide à d'autres femmes. Seule une modeste contribution au Gulabi Gang est demandée, pour acheter le fameux sari rose et aider un peu à son fonctionnement. Sampat Pal souhaite surtout que les femmes s'impliquent dans le gang de façon active, en apprenant à lire, à écrire, en développant leur éducation et en découvrant leurs droits, droits qui ont souvent été bafoués toute leur vie.
Sampat Pal a aussi été sollicitée pour se lancer en politique. Mais son souhait de ne faire aucun compromis lui fermera les portes des grands partis et ses candidatures comme candidate indépendante n'aboutiront pas.
L'expérience politique tourne court. Mais si jamais elle devait recommencer, car cela l'intéresse, elle écrit que «jamais je ne ferai passer mes propres intérêts avant ceux de la communauté et je me battrai toujours pour les autres, avec le même acharnement. Je le jure.» (p.250)
Nos politiciens devraient en prendre note.

L'Inde est un pays fascinant, si riche et aussi plein de contrastes. Grâce à ce document biographique, nous percevons un peu plus l'ampleur de ces contrastes et saisissons l'importance du combat de cette femme. Un témoignage plein de rage et d'espoir, souvent déconcertant.


Le Gulabi Gang a maintenant un site Internet, sur lequel vous pourrez contribuer aux projets de Sampat Pal si vous le souhaitez.

En écrivant ceci, j'écoute Nitin Sawhney, Prophesy (V2/BMG, 2001)


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