18 novembre 2013

Fruits

Fruits, de Carl Leblanc, Éditions XYZ, Collection Romanichels, 2013, 153 pages


Qui n'a jamais eu à répondre à la question : « Crois-tu au hasard ? ». Qui ne s'est jamais demandé par quelle drôle de coïncidence on se retrouve au même endroit, au même moment, qu'un ami auquel on pense justement.

L'auteur et documentariste Carl Leblanc, dans ce troisième ouvrage (après Le personnage secondaire, aux Éditions Boréal, en 2006 et Artéfact, aux Éditions XYZ, en 2012), en plus de se poser ces questions dans quelques-unes des nouvelles qui composent son livre (et qui s'apparentent à des petits essais sur le sujet), expérimente pleinement ces coïncidences qui lui permettent de capter ces étincelles de beauté qu'il poursuit depuis longtemps.
« Le hasard est l'exemple radical du plaisir de trouver ce qu'on ne cherchait pas. Les coïncidences, ces choses si peu nécessaires, mais qui surviennent plus souvent qu'on le pense, sont, oui, ces «véritables fanaux dans la nuit du sens», comme l'écrit Breton. C'est le réel qui accouche d'un enfant alors que la vie n'est, la plupart du temps, qu'avortements d'occasions. » (Abolitions (en guise de prologue), p.19)
La suite, ici.


L'article de Chantal Guy dans La Presse
Entrevue rafale avec l'auteur dans le journal Métro
« Fruits n'est pas un livre mystique », entrevue dans plus on est de fous, plus on lit...

Le roman précédent de Carl Leblanc, Artéfact, est finaliste au Prix littéraire des collégiens 2014.

Lætitia Le Clech
 
Humeur musicale : Patrick Watson, Close to Paradise (Secret City Records, 2006)

06 novembre 2013

Corbeau et Novembre

Corbeau et Novembre, de Stéphane Achille, Éditions XYZ, Collection Romanichels, 2013, 432 pages

Dans ce deuxième roman, le jeune auteur québécois Stéphane Achille, récipiendaire du prix Robert-Cliche du premier roman en 2007 pour Balade en train assis sur le genoux du dictateur nous présente Charles-Alexandre Dulong, employé dans le service juridique d'une entreprise qui rédige des guides d'utilisation pour des appareils électroménagers. Rien de bien passionnant, d'autant plus que Charles-Alexandre est avocat et pourrait se consacrer à plus intéressant. Mais cet emploi lui convient très bien, car il peut appliquer à sa guise ses protocoles et autres techniques lui permettant de ne pas devenir fou. Car Charles-Alexandre est du genre obsessionnel compulsif. Également incapable d'avoir des relations humaines normales, il s'enferme dans la solitude et la phobie sociale.
Stéphane Achille a construit son roman en 82 courts chapitres, qui alternent entre le présent et le passé. Celui-ci se résume à cet été 1984, dont Charles-Alexandre se souvient dans les moindres détails. Cet été 1984, qui a marqué à jamais son esprit, cause en partie les comportements étranges de Charles-Alexandre.
La lenteur de l'action qui se déploie dans le livre de Stéphane Achille (surtout l'action présente) colle au caractère méticuleux, obsessif et apathique de son personnage. Cependant, cette inaction nous irrite quelque peu. Dans les chapitres consacrés au passé, par contre, des drames se jouent, que l'on devine progressivement. Mais les chapitres très découpés empêchent le déploiement de ces événements, qui sont sans cesse remis au chapitre d'après.
Cela a un double effet : à la fois de nous entraîner dans la spirale de Charles-Alexandre, dans sa folie sous-jacente, et à la fois d'alourdir le texte. Le dénouement de l'histoire devient presque une obsession, la résolution de l'énigme nous attire en même temps que Charles-Alexandre se libère.
Abordant le refus de se mêler au troupeau, la différence qui effraie, le mensonge, le pouvoir que les autres peuvent parfois avoir sur nous (les parents sur les enfants, les gourous dans les sectes, etc.), la maladie mentale, Corbeau et Novembre part comme ça un peu dans tous les sens, à l'image d'un personnage qui ne sait pas trop ce qu'il veut faire de sa vie. On observe son éclosion, la chrysalide devient tranquillement papillon, Stéphane Achille joue avec nos nerfs en étirant le temps le plus possible. Et notre patience est mise à mal.
J'ai donc été déchirée tout au long des 432 pages, qui auraient pu être resserrées, entre un intérêt qui n'a jamais été rompu malgré tout, et une envie de secouer notre personnage principal pour qu'il reprenne sa vie en main et qu'il nous raconte son enfance plus efficacement.

Lætitia Le Clech

Humeur musicale : Grand Corps Malade, Funambule (Believe Recordings, 2013)