29 mai 2010

Dérives

Dérives, Biz, Éditions Leméac, 2010

Biz, c'est avant tout l'un des chanteurs de l'excellent et très original groupe de hip-hop québécois Loco Locass, qui, avec Batlam (Sébastien Ricard) et Chafik, nous fait partager sa vision de la société d'une manière extrêmement poétique et engagée.

Biz signe avec Dérives un roman fortement inspiré de sa vie, racontant la dépression d'un homme accentuée par la naissance de son premier enfant, qu'il n'arrive pas à accueillir dans son monde alors que tous autour de lui lui disent : «Tu verras, c'est formidable un enfant ! Ça change une vie !»
À ce sujet, Biz (alias Sébastien Fréchette) explique : «Mon fils est arrivé à un mauvais moment. On venait de terminer la tournée Amour oral, notre plus grosse tournée, et pendant ce temps, je vivais une vie d'ado attardé. En tournée, tu ne fais pas ton lit, on t'offre de la bière, tout le monde est à ton service, tout le monde te dit que t'es beau pis que t'es bon et, du jour au lendemain, 24 heures sur 24, tu te retrouves au service de quelqu'un d'autre. C'est comme le plongeur qui remonte à la surface trop vite : rien ne va plus.»
(Le Soleil, 22 février 2010)

Ce texte est doublé d'un récit plus métaphorique qui symbolise la descente aux enfers de cet homme que rien ne préparait à la paternité. La descente aux enfers vers la dépression, sujet peu abordé de front dans la littérature et surtout pas par un auteur populaire tel que Biz (on peut probablement trouver cette thématique approchée par certains auteurs moins accessibles, mais aucun titre ne me vient en tête).
Le récit, très court (93 pages) est très prometteur et agréable à lire.
Certains passages, notamment ceux du récit métaphorique sont plus maladroits et moins essentiels à mon avis.
Par contre, les chapitres plus ancrés dans les sentiments du narrateur sont parfois sublimes, et finalement Biz a écrit une vraie déclaration d'amour à son fils. D'ailleurs, en faisant mes recherches, j'apprends qu'il va être bientôt papa pour la deuxième fois...

En guise d'introduction, Biz écrit dans son livre (p.7-8) :

«Voilà, c'est fait, mon fils est né. Un accouchement comme tous les autres : dans les cris, les pleurs et le sang. Une révolution, en somme. Et pas vraiment tranquille... Mais une révolution à l'envers, qui aboutirait à l'installation d'un roi dans une république jusque là plutôt pépère. Un petit tyran à l'égo hypertrophié dont les moindres caprices doivent être immédiatement satisfaits, sous peine de hurlements stridents.
Et pourtant, ce petit prince incarne le mystère d'un amour alchimique, une création parfaite, jaillie des limbes. Un geste à la fois banal et remarquable. Remarquable en ce qu'il mène à l'immortalité. Nul besoin de religion ou de croyances surnaturelles pour espérer la vie éternelle. Se prolonger soi-même, et se savoir la prolongation de ses ancêtres, c'est bien assez pour se croire immortel.
[...] J'aime absolument et inconditionnellement mon fils. Au point de réorganiser ma vie autour de lui. Son arrivée dans mon univers est une véritable révolution copernicienne. Son nombril est le nouveau soleil autour duquel gravite ma planète. Mo qui ai longtemps cru que la vie était plate, je sais maintenant qu'elle est ronde, aussi ronde que ses joues.
C'est mon roi soleil. Le roi est né, vive le roi ! »

L'idée de ce premier livre lui a été suggérée par Jean Barbe (auteur et directeur éditorial des Éditions Leméac), qui lui a dit que s'il écrivait un jour autre chose que du rap, il devait lui faire signe...
Quelque chose me dit que ce ne sera pas le dernier livre de Biz...

Claudio, de Petite musique de nuit, en a également parlé sur son site...

Article du Soleil
Article du Devoir
Article de La Presse

En écrivant ceci, j'écoute Music For Money, Muero (X, 2009)
Et aussi, et toujours, Blonde Redhead, Misery is a Butterfly (Beggars Banquet, 2004). J'aime j'aime j'aime !

3 commentaires:

Claudio Pinto a dit...

Belle chronique. Nos avis se ressemblent!!

m a dit...

Ce n'est pas un livre vers lequel j'aurais été d'emblée mais ton commentaire sur celui-ci m'inspire. Je l'emprunterai certainement si j'ai l'occasion...

Lætitia Le Clech a dit...

C'est si rapide à lire que même si tu n'aimes pas (ce dont je doutes car on ne peut trouver son propos totalement inintéressant), tu ne perdras pas beaucoup de temps... Une heure tout au plus... ;-)