18 février 2009

Le livre qui m'a donné envie d'écrire à nouveau

Villa Amalia, de Pascal Quignard, Éditions Gallimard, 2006

Il est de ces cadeaux comme ça, que l'on reçoit sans s'y attendre, un petit livre, tiens, hop, ah c'est sympa, merci, je connais pas cet auteur. Bon tu me diras comment c'était il paraît qu'il est excellent...
Et puis quelques semaines plus tard, on se rappelle que Stéphanie nous a donné ce livre, il vient d'apparaître au haut de la pile de livres à lire, comme la prochaine proie à dévorer. Il est tout petit en plus ce livre, 300 pages en format poche, des chapitres courts, un style direct et sans fioritures. Mine de rien, il passe inaperçu, mais cette photo, sur la couverture, donne envie de partir en vacances en Italie, à moins que ce soit en Espagne, enfin, vers là-bas quoi.
Et en effet, il conte l'histoire de cette femme, Ann Hidden, Ann qui se cache donc, qui fuit une vie bien établie, un conjoint depuis plus de 15 ans, un métier, une maison, une ville, un pays. Ann qui s'est sentie trahie, blessée, trompée, d'une manière insupportable. Le seul moyen pour elle de supporter cette trahison est de tout recommencer, de partir à l'aventure en Europe, de se laisser guider. Ses sens la mèneront en Italie (ah donc, c'est bien en Italie !), sur l'Île d'Ischia, où elle tombe amoureuse d'une Villa, la Villa Amalia. Mais sa fuite ne ressemble en rien à des vacances...
La suite de l'histoire comporte quelques furtifs moments de bonheur intense, des rencontres fortes et qui marqueront Ann à jamais, mais surtout son lot de souffrances et de deuils, qui ramèneront Ann vers ses racines et à la rencontre de celui qui l'a abandonnée.
L'unique lien d'Ann avec son passé est Georges, un ami d'enfance qui la retrouve par hasard : il sera son ami, son confident, son lien, son attache, son compagnon.

Pascal Quignard, que je ne connaissais pas, est né en 1948, et il a obtenu le Prix Goncourt en 2002 pour son roman Les ombres errantes, publié chez Grasset.
C'est aussi lui qui a signé Tous les matins du monde, bien connu grâce au film d'Alain Corneau qui a suivi. Lui-même violoncelliste, la musique occupe une place prépondérante dans ses romans, et particulièrement dans Villa Amalia, puisqu'Ann Hidden est une compositrice de musique contemporaine, pianiste presque obsessive. Pascal Quignard nous offre dans Villa Amalia de très beaux passages sur la musique et l'importance qu'elle peut avoir dans la vie de ceux qui la pratiquent, qui en vivent, qui l'aiment.

Voici l'un des plus beaux passages du livre sur le sujet :
« Je restais assise par terre, le dos contre la porte. Toute la surface de ma peau était couverte de grains de poule. Tous mes petits poils à peine poussés d'enfant étaient hérissés. Je tremblais. Ce n'était pas du bonheur ou du malheur. Ce n'était pas psychologique. Je ne sais pas de quoi mon corps tremblait. Je les ai écoutés jusqu'au bout. Quand tout a été fini, pendant qu'ils rangeaient leurs instruments dans les boîtes noires, je suis allée demander à mon grand-père - lui parlant tout bas dans son oreille - si je pouvais venir les autres fois où ils joueraient.
[...]
Les jours de quatuor, je montais dans son bureau bien avant l'heure. Je m'installais près de la porte.
[...]
Soudain ils se taisaient. Soudain la musique s'élevait. Tellement distincte d'eux. Tellement plus forte qu'elle peut l'être quand on écoute des disques et que spontanément on baisse le volume parce qu'on espère diminuer l'émotion qu'on va ressentir. Chaque fois ma gorge se serrait, ma peau se hérissait, le muscle de mon cœur tremblait, j'avais envie de sangloter, je ne savais plus comment respirer, j'étais submergée.» (p.170-171-172)
Ce passage explique bien le rapport d'Ann avec la musique. Depuis toute petite, « seule la musique la tient mais ne la retient pas. Elle ne tient qu'à la musique.» (sur le site allocine.fr)

Pascal Quignard décrit à la perfection les ambiances, les éléments : l'eau, la terre, et ce qui nous rattache à la vie : l'amour, l'amitié, le bonheur, mais aussi ce qui peut nous y arracher : le sentiment de trahison, la solitude, la mort bien sûr, l'abandon.

Ce roman qui n'avait soi-disant l'air de rien regorge de tout cela et de plus encore, et je ne cesserai de le répéter, c'est cela qui me fascine dans l'écriture et dans les histoires.
Je me sens comblée après une telle lecture. D'ailleurs, je n'ai pas réussi à ouvrir un autre livre depuis, encore toute imprégnée que je suis par celui-là...

Voici une superbe critique du livre.



En faisant mes recherches, je viens de tomber sur cette information magnifique : le film Villa Amalia sortira dans les salles françaises en avril 2009, un film de Bent Jacquot, avec Isabelle Huppert et Jean-Hughes Anglade, rien que ça. C'est drôle, c'est tout à fait Isabelle Huppert que j'imagine pour ce rôle !

En écrivant ceci, j'écoute Nick Cave, O Children (album The Lyre of Orpheus, 2004)


7 commentaires:

-CaR0- a dit...

Je te comprends. J'ai découvert Pascal Quignard avec «Le nom sur le bout de la langue», petit livre qui m'a plongée dans une longue réflexion existentielle et freudienne...

Très bonne critique, je vais continuer à découvrir cet auteur avec ta suggestion.

Isolda a dit...

Wow, moi aussi j'ai beaucoup aimé ton commentaire, je me suis replongée dans "Tous les matins du monde", le livre, et qui m'avait "toute imprégnée" moi aussi d'une douceur, d'une poésie...Un des grands plaisirs de la vie quoi!

Continue Fibula à nous toucher avec tes lectures, c'est super.

Lætitia Le Clech a dit...

Waouh ! Merci pour vos commentaires ! Ça encourage !

Claudio Pinto a dit...

Bonjour Fibula,

Très content que tu aies aimé Quignard. Deux de ses livres reposent sur ma pile à lire : Vie divine (qui m'a été recommandé par un ami) et Le salon de Wurtemberg. Parmi tous les romanciers de l'heure, c'est celui qui le mieux sait parler de musique.

Merci pour ta critique enflammée !

Lætitia Le Clech a dit...

Merci Claudio pour ton commentaire, je me doutais que cet auteur te parlait à toi aussi.
Toi aussi tu es une personne qui parle de la musique d'une merveilleuse façon !
Je continue de lire ton blog même si je ne commente pas.
À bientôt !

Claudio Pinto a dit...

Très touché par tes mots, Fibula.
À très bientôt!

dasola a dit...

Bonjour, je n'ai pas lu le roman mais le film m'a beaucoup plu. Il donne envie de partir et de se faire oublier. Bonne journée.