14 octobre 2006

La gare, de Sergio Kokis

Au départ, La gare, de Sergio Kokis, est l'histoire d'une rencontre entre Aimzon et moi.
Sur son blogue, elle a parlé de ce livre et à peu près au même moment nous avons commencé à correspondre. Puis la miss est venue à Montréal, et m'a offert le livre, qu'elle a beaucoup aimé. Le même jour, en sortant d'un resto ensemble, nous sommes tombées sur l'émission Vous m'en lirez tant, de Radio-Canada, et l'invité principal était... Sergio Kokis.
Comme les photos le prouvent, je suis allée faire dédicacer mon livre par un Sergio Kokis très sympathique, et Aimzon s'est amusée à immortaliser l'événement ;-)

L'auteur :
Brésilien d’origine, psychologue à la retraite et peintre, Kokis a fait de la langue française son laboratoire d’écriture. Le pavillon des miroirs, son premier roman, a été unanimement salué par la critique (quatre prix littéraires). Puis les titres se sont succédé à une cadence qui remplit d’aise les lecteurs, car Kokis a l’art de charmer ceux-ci par des récits toujours captivants et sans cesse renouvelés. La gare est le quatorzième titre que Sergio Kokis signe depuis 1994. Les œuvres de Kokis sont également publiées en France, au Brésil, au Mexique et au Canada anglais.
(source: XYZ éditeur)

Sergio Kokis m'a écrit dans le livre : « À Fibula, cette histoire d'une fuite devenue voyage. Montréal le 27.08.06.»
Que raconte donc ce livre, cette fuite, ce voyage ?
De retour de vacances plus tôt que prévu avec sa femme et son fils, Adrian Traum, ingénieur, descend fumer une cigarette dans une petite gare où leur train s'arrête de façon imprévue. S'attardant aux toilettes, le pauvre homme se retrouve seul sur le quai, son train parti. S'est-il endormi ? A-t-il volontairement oublié de remonter dans son train ? Lui-même ne le sait pas, et c'est en rencontrant les gens du village, en discutant avec le chef de gare, en faisant le point sur sa vie insatisfaisante, en se remettant en question, qu'il parviendra à comprendre le sens de sa vie, et le pourquoi de cette aventure dans cette gare et dans ce village de Vokzal.
Le nom de ce village signifie en russe gare, tiens tiens...
Adrian, une fois à Vokzal village, va se rendre compte qu'il ne pourra pas se sortir de cet endroit : perdu au milieu de la steppe, dans un lieu que l'on a du mal à situer (quelle est cette ville de S. ?), sans aucune moyen de transport ou de communication, notre anti-héros va devoir en plus côtoyer des habitants douteux : un chef de gare au départ récalcitrant mais qui finalement jouera un rôle important dans les décisions et la réflexion d'Adrian, un sergent soupçonneux, un simple d'esprit, un joueur d'échec arrivé comme lui par hasard mais qui lui souhaite rester, une vieille à moitié folle qui le prend pour son fils disparu, et sa fille Maria, qui «appartient à tous les hommes du village»... Il va devoir composer avec tout ce petit monde qui voit en lui l'étranger. Et il devra également composer avec une réalité de plus en plus opressante : il va devoir rester là, pris au piège, à son propre piège ? Le chef de gare, Cyrille, lui répète : « Vous êtes ici pour longtemps. Commencez à vous y habituer [...] Vous êtes l'unique artisan de votre malheur, si c'est bien vrai que vous n'aviez aucune intention de vous installer parmi nous.» (p.82-83)
Et si le chef de gare disait vrai ? Tout au long du roman, nous nous disons : « Mais pourquoi cet idiot s'est endormi aux toilettes ?», et nous suivons le pauvre homme dans cet enfer que devient sa vie.
Au fil de son séjour (si l'on peut appeler cela ainsi), Adrian perdra espoir car il compte sur sa belle-famille pour venir le sortir de ce trou dans lequel il s'est jeté. Mais cette aide ne vient pas, et il devra compter sur lui seul pour choisir sa destinée.
« Soudain, cette sorte de suspension du sens habituel des choses, cette mise entre parenthèses du récit quotidien qu’il appelait sa destinée était venue secouer tout son univers de vérités établies.»
Adrian se trouve tiraillé entre sa nature et ce qu'il devient en vivant dans ce village perdu : on remarque qu'au début, lorsqu'il se présente à une nouvelle personne, ou bien dans les discussions qu'il peut avoir avec les habitants du village, Adrian se présente toujours comme «Adrian Traum, ingénieur». Cette considération sociale disparaît au fil du texte, au fur et à mesure qu'il découvre sa vraie nature.
Sergio Kokis, en fin psychologue, nous parle donc de la nature humaine, des choix que nous faisons (ou ne faisons pas). Les réflexions sont très intéressantes, et le suspense soutenu, on pourrait presque se croire dans un roman policier, on attend le crime au tournant !
Alors, une fuite devenue voyage, ou un voyage devenue fuite ? Un voyage au plus profond de lui-même, pour une fuite vers une vie à laquelle il aspire.
Je suis ressortie de ce livre, que j'ai beaucoup aimé, avec de nombreuses questions comme celles-ci. Honnêtement, ce sont des questions que je préfère me poser maintenant, plutôt qu'abandonnée dans un village perdu du fin fond d'une steppe ! ;-)
Merci Aimzon pour cette découverte, et merci Monsieur Kokis, en espérant que votre voyage sur les chemins de Compostelle se passe bien...

En écrivant ceci, j'écoute cela : Air ~Talkie Walkie (EMI, 2004)


4 commentaires:

Anonyme a dit...

Tiens, un auteur qui m'intrigue depuis longtemps mais que je n'ai jamais lu. Quel est son roman incontournable? Je vais aller me chercher La gare, j'adore les histoires à la sauce philosophique qui permettent de réfléchir sur la condition humaine. D'après le résumé, il n'y a pas un peu de Camus là-dedans avec un brin de Kafka ou est-ce que c'est vraiment autre chose?

Tigidou, bizous

Bavardage sens dessus dessous sur la culture et la communication, la communication de la culture et la culture de la communication a dit...

Oui on peut dire qu'il y a un peu de Camus là-dedans, en ce sens qu'il faut imaginer Sisyphe heureux... alors qu'il poursuit une quête aux allures de cercle.
Je découvre seulement aujourd'hui ce post, alors que j'ai lu les derniers posts en passant à côté de celui-là, c'est dingue.
Ce qui me plaît le plus dans ton commentaire, c'est la fin car elle résume bien La Gare.
Et puis dernière information : Sergio Kokis pour son roman La Gare vient d'être élu lauréat par l'association France Québec et viendra faire une tournée en France... Il passera donc par la délégation du nord, dont je fais partie du comité de lecture, tiens tiens !

Lætitia Le Clech a dit...

> Aimzon : J'étais étonnée de ne voir aucun commentaire de ta part !

Lætitia Le Clech a dit...

> Aimzon : peut-être que Monsieur Kokis se souviendra de toi ;-)? Tu lui demanderas des nouvelles de son voyage sur les chemins de Compostelle...
Bravo à lui en tout cas.