26 décembre 2006

Mangez-moi...

Non, ce n'est pas une demande spéciale pour Noël...
Mais le titre du dernier roman d'Agnès Desarthe, aux Éditions de l'Olivier. Agnès Desarthe est née en 1966. Elle a publié, aux Éditions de l'Olivier, Quelques minutes de bonheur absolu (1993), Un secret sans importance (Prix du Livre Inter 1996), Cinq Photos de ma femme (1998), Les Bonnes Intentions (2001) et Le Principe de Frédelle (2003). Elle est aussi traductrice (Cynthia Ozick, Aimee Bender, Emma Richter) et auteur de livres pour enfants. Dans ce roman appétissant, Myriam, la quarantaine, ouvre un restaurant qu'elle baptise Chez moi. Au fur et à mesure, nous apprenons d'où Myriam vient, quel est cet événement qui a bouleversé sa vie, qu'est-ce qui la rend si fragile, si fuyante parfois, alors que c'est par ailleurs une femme de caractère, qui cuisine avec créativité, à nous en mettre l'eau à la bouche... Myriam fera heureusement des rencontres qui lui redonneront confiance en la vie : Ben, «le meilleur serveur de Paris», un jeune garçon mystérieux et plein de bon sens, Vincent, le fleuriste amoureux, Ali, le vendeur de légumes... J'ai dévoré ce roman délicieux. À une période de Noël où les soupers et les plats se sont succédés, ce livre a nourri mon esprit par son style, ses images alléchantes (la confection des plats) et sensuelles, ou poétiques (l'évocation du petit cirque). C'est un livre sur le plaisir qui cache également des thèmes plus douloureux comme l'amour (ou plutôt le non-amour) maternel et son apprentissage difficile. Le titre évoque Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, car Myriam, comme Alice, n'a jamais la bonne taille pour affronter les événements de sa vie. En réalité, c'est elle qui ne se sent pas en mesure de les affronter.
Mais Myriam est une femme forte, de celles qui se relèvent même dans la pire des situations, une femme forte au grand coeur, et avec quelques brèches, quelques cassures. Le portrait de cette femme m'a beaucoup touchée, dans la même lignée que les héroines (avec un tréma, je n'arrive plus à le faire sur ce site...) de Barbara Kingsolver.
À mettre sous toutes les dents...

Un lien très complet (vous pourrez même entendre Agnès Desarthe) : passion du livre
Le site d'Agnès Desarthe

11 décembre 2006

Babel, commentaires croisés sur le film


Suite au visionnement du film Babel, qui m'a beaucoup marquée et qui m'a poussée à une intense réflexion, j'ai parlé de ce film avec de nombreuses personnes. L'une d'entre elles ne l'a pas du tout aimé. J'ai voulu essayer de comprendre pourquoi, et j'ai aussi voulu mettre en avant les critiques de ceux qui l'ont aimé. Bon, c'est sûr j'ai un parti pris, puisque le film m'a touchée et bouleversée. Je voulais voir si les valeurs véhiculées par ce film avaient autant marqué mes amis que moi. Je voulais partager le choc que ce film a été pour mon entourage proche (la personne qui m'a accompagnée ce soir là en parle encore...) et moi...
À ceux qui me demandent ce que j'en ai pensé, moi, je répondrai que je partage beaucoup de l'avis de Maude.


Avant de commencer, vous pouvez lire ces critiques de journalistes professionnels, à la fois positives et négatives :

Dans Libération
Dans Le Monde
Sur le site de Radio-Canada

Le commentaire de Maude :
« Sans hésitation je dirais que ce film est un vrai chef-d'oeuvre! Il peut être ardu à digérer pour certains étant donné son intensité, ce qui expliquerait à mon avis que des gens l'aient détesté, mais on peut difficilement y voir des défauts. Chaque personnage est construit et développé avec finesse, le ton est juste, le scénario est brillant. Ce qui est aussi difficile c'est ce portrait assez triste de la situation des classes moins favorisées qui s'en sortent le moins bien dans cette histoire. N'est- ce pas le reflet d'une réalité qu'on ne veut pas voir? Le rythme du film est dur, il nous fait vivre des émotions intenses, il ne nous permet pas de respirer bcp en cours de route. Pour moi, c'est le film qui m'a le plus marqué cette année. Toutes les histoires m'ont touchée également je crois, le désarroi de la petite Japonaise très fortement et la famille Marocaine sans intention préméditée de faire quoi que soit de mal, etc. Il y a tellement de thèmes importants dans ce film: la fragilité humaine, l'importance des liens, de la famille, la solidarité chez les villageois en contraste avec les gros touristes individualistes. Oui, le portrait de l'individualisme occidental m'a fait rager, m'a donné envie de sauter à la gueule du bonhomme de la même façon que l'a fait le personnage joué par Brad Pitt. Wow, il y a tellement de choses dans ce film d'une richesse incroyable. Je réalise que j'aurais besoin d'un 2e visionnement pour me rappeler de tout...»

Le commentaire de Toufik :
« J'ai vu un film où les préjugés sont mis à rude épreuve (la sourde-muette, le monstre - la mexicaine, enleveuse d'enfants - les potentiels terroristes marocains).

Je suis encore sous le choc à vrai dire. J'ai vu la bonté de certains et la connerie des autres. Bizarrement, rien de moins humain que la vie de tout les jours, les futilités en moins.

Dans ce film, on a un condensé de ce qui se passe tous les jours, ailleurs dans le monde. Pendant que je t'écris, il y a peut-être une gamine qui se fait exciser, pendant qu'un enfant de 7 ans est entrain de se faire battre par sa mère parce qu'il a pissé dans son froc.

Ce film a remis en place l'importance que j'avais dans cette vie mondiale : je ne suis rien qu'une personne sur 6 milliards. Maintenant, il a aussi montré l'impact qu'ont nos actions dans un cercle local.

J'ai été trés trés ému de voir mes origines dans ce film (le village où se passe l'histoire ressemble, à petites choses près, au village de mon père dans les montagnes et les personnes étaient tellement tellement réelles. Tout y était : l'accent, les tenues, les attitudes et les réactions aussi).

J'ai ADORÉ ce film pour le respect qu'il a eu des être humains, de leur bonté, intelligence, humilité et mechanceté. Si tout le monde pouvait voir ce film, je pense que ça arrêterait pleins de choses. Non ?? »

Le commentaire de Sophie :
« Ça y est, j'ai vu Babel et je peux en parler. Est-ce un chef-d'oeuvre ? Je ne sais pas, je ne suis pas assez spécialiste au niveau technique et beaucoup plus attentive aux émotions et au message véhiculé, mais je l'ai beaucoup aimé. Je pense que c'est un très bon film. Il m'a donné pas mal le bourdon comme à chaque fois qu'une histoire montre tout un engrenage de tragédies à cause de malentendus, de non-communication entre les êtres. En fait, les gens ''normaux'' dans ce film n'arrivent pas à communiquer beaucoup plus que la jeune japonaise sourde et muette. On frappe, on sort son arme et on tire avant de parler, on n'écoute pas les explications de l'autre (comme le policier marocain ou le douanier américain). Evidemment, ça ne peut donner que des catastrophes (l'errance dans le désert avec les 2 enfants : horrible...). Comme je le disais, je ne suis pas spécialiste au niveau mise en scène mais c'est sans doute l'un des premiers films où j'ai fait attention au montage. Je l'ai trouvé bien fait.»

Le commentaire de Roromax (que l'on peut lire ici)
« Une étoile plutôt que zéro pour : la qualité de la photo et de la réalisation en général. Le titre, alléchant, nous a fait croire que le film traiterait des difficultés de communiquer. Pourtant ce n'est pas le cas,les personnages se débrouillent très bien pour communiquer en différentes langues, que ce soient les mexicains qui doivent s'exprimer en anglais aux Etats-Unis, les américains au Maroc, ou encore les sourdes-muettes au Japon. Le thème central est plutôt le même que celui de Bowling for Columbine : la connerie humaine et le malheur que peut provoquer une arme à feu, où que ce soit dans le monde. Sauf que Bowling for Columbine est drôle. Dans Babel, on ne rit ou même sourit à aucun moment. Tout est prévisible et est basé sur le fait que certains personnages "déraillent", perdent le contrôle d'eux-mêmes à certains moments de leur vie. Un peu trop facile. Si on ne rit pas, on ne pleure pas non plus. On a seulement pitié. Et la nette impression d'avoir perdu 2 heures et demi de son temps et quelques euros.»

Enfin, le commentaire de Misty, que l'on peut retrouver sur son blogue
« Ce film fut avec justesse primé à Cannes pour son scénario.
Un fait divers et trois points de vue. Mais Guillermo Arriaga, également auteurs de polars mexicains, ne nous propose pas ici une triple narration classique.
Une femme américaine, en voyage organisé au Maroc, se fait tirer dessus dans un bus. Démunis dans cette désertique région marocaine, elle et son mari vont essayer de s'en sortir. Ils ont laissé leurs enfants aux mains de leur nounou mexicaine qui ne peut manquer le mariage de son fils au Mexique. Pendant qu'au Japon, une jeune fille malgré tout un peu comme toutes les autres, essaye d'attirer l'attention des adultes pour que l'on voit qu'elle va mal.

Ces trois histoires sont liées bien sûr. Ici la chronologie n'est pas parfaite, mais ce n'est pas grave, on arrive bien à replacer chaque chose. Ce qui va lier ces trois histoires, c'est la détresse. Chacun dans sa partie du monde souffre à sa manière. Il n'y a pas de pire ou de moins mal. Et surtout, dans chacune de ces souffrances on trouve un petit bout de notre mal-être à nous. Une détresse financière, sociale, psychologique, amoureuse...
Chacune a sa langue, son expression ; mais elles sont universelles.

Une tour de Babel que serait notre monde où la communication est partout et où les frontières sont finalement bien ténues, un monde bien triste, mais c'est le nôtre.

C'est un très beau film qui frappe juste. Les images, la musique, les acteurs, bref, pas grand chose à redire ! Allez-y !!»

En ce moment, j'écoute beaucoup Xavier Rudd, Food in the Belly (Salt X Records, 2005), et aussi la compilation Zanzare numéro 9. Quoi, vous ne connaissez pas Zanzare ?? ;-) (merci Maga !)