27 décembre 2010

Les musiciens disparus cette année

Le New York Times a réalisé un petit film qui nous montre les principaux disparus de 2010 dans le monde de la musique.

http://www.nytimes.com/interactive/2010/12/26/magazine/2010lives.html

19 décembre 2010

Bilan de fin d'année

Chers amies, chers amis,
Noël approche et nombre d'entre vous ont déjà commandé plein de belles choses pour garnir la hôte du vieux coquin. Cependant, il y a toujours une chance pour que certains soient en retard ou que d'autres reçoivent leurs cadeaux après coup.
Aussi nous avons décidé de faire une petite liste de nos coups de cœur pour cette fin d'année. La sélection n'est pas forcément très récente, néanmoins vous trouverez-là ce qui nous a vraiment plu.
Pour votre information, il a été difficile de sacrifier tant de créateurs sur l'autel du choix. Mais nous avons réussi (plus ou moins). Je suis juste totalement déchirée par mes choix. Et déçue de ne pas avoir sélectionné plus de femmes (
(note de Lætitia).
Donc s'il ne devait en rester que dix-huit - livres, bédés et films - voici ceux qui ont gagné notre estime.
Nous en profitons pour mettre en avant Aya de Yopougon et Shutter Island que nous avons tous les deux sélectionnés sans concertation... Bon, j'avoue, Shutter Island, j'y ai pensé en voyant la liste de François... (note de Lætitia)


Les liens vous mèneront sur les articles déjà écrits au sujet de ces livres, BD et films. Ceux qui ne sont pas associés à des articles sont brièvement décrits entre parenthèses, juste histoire de vous donner un aperçu du style de l'œuvre en question. 

Bonnes vacances, bonnes Fêtes de fin d'année, et surtout, bonnes lectures !

Livres



Bédés
Films

Tous ces films sont bien entendu disponibles en dévédés :)
  • Shutter Island, de Martin Scorsese (choix unanime !) (excellent thriller, glauque et surprenant)
  • Welcome, de Philippe Lioret (Drame social sur les immigrés clandestins, film profondément humain et bouleversant)
  • Incendies, de Denis Villeneuve (À l'origine pièce de théâtre de Wajdi Mouawad. Film choc, âmes sensibles s'abstenir. L'histoire d'une quête identitaire et familiale qui révèlera des secrets bien enfouis)
  • Breathless, de Yank Ik-Joon (voir ci-dessous)
  • Departures, de Kazuko Yoshiyuki (voir ci-dessous)
  • Fish Tank, d'Andrea Arnold (Drame social anglais, superbes images)
Comme certains de ces films n'ont pas été présentés sur le blogue, vous trouverez en suivant une courte description pour vous aider dans vos choix.

Breathless de Yang Ik-Joon
Film coup de poing qui nous vient de Corée du Sud, Breathless est l'histoire de Sang-hoon, un recouvreur de dettes qui n'hésite pas à employer la violence.
Je ne vais pas vous raconter l'histoire mais sachez que si vous cherchez un film qui vous estomaque non par la violence visuelle (omniprésente cependant) mais par la violence de cet univers de couches défavorisées de séoul, alors jettez vous dessus. Quitte à me répéter, c'est un film coup de poing ! Il faut le voir pour comprendre ce que je veux dire: )

Departures de Kazuko Yoshiyuki
Daigo, violoncelliste, perd son emploi brutalement et décide de retourner dans son village d'enfance avec sa compagne. Là, il répond à une annonce d'emploi pour aider les gens à partir (departures). Sauf qu'il ne s'agit pas d'une entreprise de déménagement...
Ce film, qui aborde un sujet plutôt particulier, offre un grand coup d'air frais dans notre vision de l'autre et de ceux qui sont déjà partis. C'est à la fois tendre et drôle et très humain. Un bon coup de cœur.

Voilà, nous espérons que vous passerez de joyeuses Fêtes et que vous ne mangerez pas trop de daims afin de laisser le père noël effectuer sa mission.

Lætitia et François


En éditant ce billet, j'écoute les Nocturnes de Chopin N°1-11, par Nikita Magaloff

12 décembre 2010

Pages à brûler

Pages à brûler, de Pascale Quiviger, Éditions Boréal, 2010

Comme je l'ai parfois mentionné sur ce blogue, Pascale Quiviger fait dorénavant partie de mon panthéon personnel d'auteurs que je vénère (presque). En effet, depuis la lecture de La maison des temps rompus, qui m'avait jetée à terre, j'ai rattrapé mon retard en lisant Le cercle parfait, paru en 2004 aux Éditions de l'Instant même,  et qui m'a aussi énormément plu, et à la parution du dernier livre de la Québécoise exilée à Londres, j'ai sauté de joie et me suis empressée de me le procurer.
Avec Pages à brûler, Pascale Quiviger nous entraîne dans un nouveau genre, plus proche au départ du polar, puisque nous essayons avec l'inspecteur Bernard Lincoln de comprendre la disparition d'une femme, Clara Chablis.
Dans une lettre qu'il adresse à sa femme Louise, l'inspecteur lui explique les raisons de ses absences répétées et de sa presque folie dans le cadre de cette enquête plutôt non conventionnelle.
Puis, dans les différents chapitres, nous nous glissons dans la peau du chien de l'inspecteur, de la meilleure amie de la femme disparue, du père du conjoint de Clara, et dans celle de Daniel, le conjoint en question et principal suspect dans l'affaire.
Ainsi, nous découvrons la mystérieuse Clara par la bouche de ceux qu'elle a côtoyés (bon, sauf pour le chien). Et à chaque fois dans un style différent : le style précis de l'inspecteur (p.11) laisse place à l'urgence de la meilleure amie de Clara, Rose Jordan (p.75) et à la poésie de Daniel (p.191). Avec Constance Fullum (p.117), nous nous retrouvons dans un livre de Dickens...

L'auteure ajoute une dimension fantastique à l'histoire avec des références à une éventuelle gémellité entre Daniel et Clara, qui ont la même date de naissance et un code génétique très semblable. De plus, Clara dispose d'étranges pouvoirs, et une certaine influence sur tous les gens qu'elle croise. Elle représente l'altruisme et la compassion à l'extrême, ne possédant aucun bien matériel (condition nécessaire à la liberté selon l'auteure), perçant les gens dans leurs plus grandes fragilités, et devinant leurs vies. Ce dénuement et cette compassion représentent une fascination et un "presqu'idéal" de vie, cher à l'auteure, qui pratique le bouddhisme et la méditation.

Chaque personne qui côtoie Clara ressort de cette relation complètement transformée. Il en va ainsi de son amie Rose, bipolaire, qui nous décrit sa maladie : «C'est au cours de la même année qu'un psychiatre a diagnostiqué mon trouble bipolaire, et le reste de ma vie est tout en forme d'escaliers qui montent, descendent et s'arrêtent à l'improviste.» (p.86-87). Rose est celle qui vit le plus mal la disparition de Clara.
La folie - ou la quasi-folie - est souvent présente dans les œuvres de Pascale Quiviger, et dans celui-ci en plus de Rose qui a d'importants problèmes nerveux, nous côtoyons un schizophrène pyromane qui au contact de Clara s'apaisera. L'auteure explique : «Pour moi, les catégories "santé mentale" et "folie", c'est un peu comme le vrai et le faux. On avance sur une crête beaucoup plus étroite qu'on ne le pense» (article du Devoir par Caroline Montpetit)
Par Daniel, le conjoint de Clara, celui qui est le dernier à l'avoir vue avant sa disparition, nous accepterons et comprendrons mieux le fonctionnement de cette jeune femme pas comme les autres.

Ces pages à brûler, quelles sont-elles ? Les pages d'un mystérieux cahier rouge, fil conducteur de ce roman, cahier reliant les générations, les êtres, les femmes.

Celle qui a déjà dit en entrevue que «L’écriture est transportable. Ça m’ouvre des horizons. Vivre ailleurs fait que nous n’appartenons à aucun espace. Ça rend mon travail plus malléable. Mon identité est en doute. Tout est familier et, en même temps, ne l’est pas du tout. Ma vision n’est pas celle de l’appartenance, mais elle est liée à des solidarités planétaires.» livre encore une fois un roman dont on ne connait pas le lieu géographique précis. Cela pourrait se passer à Londres, à Paris, ou à Montréal. À ce sujet, l'auteure précise : «J'aime l'idée du non-dit, je trouve que cela rend les humains plus universels. J'ai l'impression de voler quelque chose au lecteur, si je lui en dis trop sur les personnages.»

Ce qui est sûr, c'est qu'elle nous livre encore une fois un très beau roman, puissant et poétique, parfois mystérieux.


Petite note sur l'auteure : Pascale Quiviger, également artiste peintre et enseignante, a publié en 2007 un livre intitulé Un point de chute, qui se présente comme une réflexion sur la naissance des formes, et qui intéressera probablement les artistes parmi vous... pour moi, ça n'en rajoute que plus à mon admiration pour l'écrivaine.

En écrivant ceci, j'écoute Dead Can Dance, le concert à Montréal enregistré le 4 octobre 2005 au Théâtre Saint-Denis (j'y étais !).

10 décembre 2010

Les tendres plaintes

Les Tendres Plaintes, Yôko Ogawa, Actes Sud 2010, traduction du japonais par Rose-Marie Makino et Yukari Kometani


Chers lectrices, chers lecteurs,
aujourd'hui je dois vous parler de ces auteurs que j'affectionne de façon un peu masochiste, ces auteurs que je vénère alors même qu'ils m'ennuient.

Oui ! Il existe une catégorie particulière d'auteurs qui ont cette double capacité.
Ces auteurs ne m'agacent même pas. Je ne leur en veux pas et pour cause : chaque fois, je m'immerge le plus profondément possible dans leurs styles, je parcours leurs constructions au gré du courant que créent leurs plumes et dans le sillage de ces dernières, me laisse dériver pour atteindre des continents inconnus où le verbe, la proposition, l'adverbe et le nom sortent des flots, s'étirent naturellement tels des arbres savants pour atteindre la lumière la plus vive ou plonger le monde dans l'ombre la plus dense...

Bien entendu, vu le titre de mon article vous allez me dire : "vous allez voir, il va nous parler de Yôko Ogawa et l'ajouter à cette fameuse liste très personnelle des auteurs qui l'ennuient ! Quel enquiquineur ! Il pourrait plutôt nous parler du bouquin, on a déjà perdu neuf cent trente neuf caractères ! C'est pas très éco-litté-gique !" Rassurez-vous. J'y viens, j'y viens.

Donc, il y a très précisément trois auteurs auxquels je pense qui entrent dans cette liste. Trois auteurs qui ont pour point commun d'écrire de façon supérieure, d'écrire de façon à la fois si subtile et si juste qu'une simple phrase, qu'une simple succession de mots révèlent les profondeurs de l'âme humaine.

Trois auteurs qui par contre arrivent à m'ennuyer de temps à autre, pour une raison inconnue ; sans doute un trait de génie ?

Mais de qui est-il question ?
Eh bien il y a Yôko Ogawa - Paf ! Je le savais ! - Paul Auster et Amélie Nothomb. Tous trois réussissent à capter mon attention, à me bercer de leur douce écriture pour des fois finir par me balancer dans un mur avec violence.

Là, il faut quand même que je précise quelque chose. Comment puis-je évaluer la qualité d'écriture de deux parmi les trois sachant qu'ils n'écrivent pas en français ?
Eh bien pour Paul Auster, ce n'est pas compliqué, j'ai la chance de lire les livres en anglais et ces versions originales sont sublimes. Compte tenu de son succès j'imagine que les traductions sont bonnes...
Par contre, pour Yôko Ogawa, c'est un peu plus compliqué étant donné que si je "parlote" le japonais, je ne le lis pas. Aussi je me vois obligé de passer par les traductions, françaises ou anglaises, afin de pouvoir goûter au nectar de son style. Donc je dois faire confiance aux traducteurs...

Pour en finir avec mon idée et atteindre ainsi le deux mille deux cent sixième caractère, ces trois auteurs ont donc également la capacité à me plonger dans l'ennui.
Souvent - heureusement pas toujours - leurs histoires ne m'intéressent pas tant que leurs mots. C'est douloureux et terriblement frustrant.
Par exemple, j'ai eu beaucoup de mal avec la Trilogie New-Yorkaise d'Auster alors même que j'ai littéralement adoré La Musique du hasard et Dans le scriptorium.
Que dire d'Amélie Nothomb ? Je fonds littéralement à chaque phrase, mais dès que je sors une antenne pour voir de quoi il s'agit eh bien je suis des fois assez surpris. Par exemple, son dernier livre m'a laissé de marbre (Une forme de vie) alors même que j'ai dévoré Acide Sulfurique.

Concernant ces "Tendres Plaintes" de Madame Ogawa, eh bien c'est un peu ça.
Les Tendres Plaintes, c'est l'histoire de Ruriko, calligraphe qui décide de quitter son mari qui la trompe et la bat pour trouver refuge dans un chalet familial. Là, elle fait la connaissance d'un facteur de clavecin et de son assistante. Celui-ci, ancien pianiste virtuose, ne joue plus devant le public, handicapé à vie par une phobie. Ruriko tombe amoureuse de lui mais ne tirera qu'une relation physique et amicale alors que son assistante, elle, l'entendra jouer... S'ensuit l'histoire d'une relation ambiguë entre les trois protagonistes, suivie par le vieux chien aveugle de l'assistante.

Cette œuvre, qui date de 1996 et tout juste traduite, est pour moi un double mystère. Tout d'abord, je ne retrouve pas la côté froid, chirurgical des relations humains que j'affectionne chez Ogawa. Ensuite, l'histoire d'amour est un peu plan-plan.
Je sais, je suis pas gentil. Mais vraiment il n'y a pas de quoi fouetter un vieux chien aveugle !
Rien à voir avec Une parfaite chambre de malade, La grossesse et encore moins Hotel Iris. Sans compter l'impressionnant, le sublissime, l'incontournable Annulaire.

J'arrive enfin à la conclusion de mon article.

Je suis à la fois un lecteur et une victime de ces auteurs incroyables. Et même si je n'ai pas tout lu, et même si je sais que j'ai très envie de tout lire, et même si je connais les risques que j'encours à me jeter corps et âme dans leurs univers, eh bien je suis heureux de les lire.

Je suis heureux que ces auteurs trébuchent de temps à autre.
Parce que c'est dans leurs erreurs, dans ce retour à la condition humaine que je prends conscience de leur génie.

Surtout, n'oubliez pas chers lectrices, chers lecteurs, surtout n'oubliez pas que vous venez simplement de lire un avis très subjectif sur ces auteurs. Cet avis semblera certainement étrange, déplacé, de mauvaise foi pour beaucoup. D'autres s'y reconnaîtront.

Dans tous les cas, s'il ne devait en rester que trois...

Les Tendres Plaintes, un blague de la traductrice ou un manque de tolérance de ma part, par Yôko Ogawa.

François Nicaise

07 décembre 2010

Rappel - Jazz

Tous les mercredis soirs, de 17 h à 19 h, au Café Lézard sur Beaubien (1335, rue Beaubien Est), se déroulent des concerts de jazz très sympathiques, dirigés par Adrian Vedady, contrebassiste, et Kate Wyatt, pianiste. D'autres musiciens passant par là les accompagnent parfois...
J'ai fait de ces soirées mes petits moments musicaux introspectifs de ma semaine, relaxant sur le canapé avec une bonne bière ou papotant discrètement avec les amis présents de temps à autre.
Des propres compositions du contrebassiste aux classiques de Miles Davis (So What, All is Blue), les musiciens revisitent ces morceaux au gré de leur inspiration. Ils s'amusent, passent du bon temps dans un lieu qui habituellement, n'est pas dédié au jazz.

Les concerts, en photo...(Hier soir, le quatuor s'est agrandi en quintet, grâce à la présence du guitariste Gabriel Lambert)

Adrian Vedady

Andrew Schirasi au saxophone alto

Andrew Schirasi

Tony Spina à la batterie

Tony Spina

Kate Wyatt et Adrian Vedady

Le quatuor des 3 dernières semaines

30 novembre 2010

Le cœur régulier

Le cœur régulier, Olivier Adam, Éditions de l'Olivier, 2010

Chaque nouveau livre d'Olivier Adam est une révélation pour moi. Cet auteur est l'un des rares qui m'émeut autant. Depuis que j'ai lu Falaises, d'une traite, chacun de ses livres me fait pleurer.
Qu'a vécu cet homme pour relater de manière aussi sensible des vies d'hommes et de femmes brisés, des personnages souvent à un tournant dramatique et capital de leur existence ?
Comment ce jeune auteur (né en 1974) extrasensible peut-il se glisser si parfaitement dans la peau de ses personnages ?

Chaque histoire qu'Olivier Adam nous raconte comporte donc son point de départ dramatique : la perte d'un conjoint (Des vents contraires), le sort des immigrés illégaux (À l'abri de rien), la survie et le deuil (Falaises), le deuil encore (Le cœur régulier).
Mais les êtres qui doivent composer avec ces drames, ces survivants en quelque sorte, ressortent toujours grandis et enrichis de leur expérience. L'aventure humaine n'est jamais toute noire ou toute blanche, Olivier Adam s'attarde toujours dans les zones grises, dans les méandres et les fissures qui apparaissent face à un grand vent, à l'image de ces falaises rugueuses qu'il aime tant décrire, imparfaites et sauvages, et près desquelles il vit maintenant, à St-Malo.

Dans Le cœur régulier, nous rencontrons Sarah, dévastée par la mort de son frère Nathan, qui n'allait pas bien et qu'elle se sent coupable de ne pas avoir aidé et de n'avoir pas su empêcher de partir.
Au bord du gouffre, découvrant que sa vie lisse auprès d'un mari tout aussi lisse et d'enfants qui ne la voient plus ne la rend plus heureuse, elle décide de partir elle aussi, au Japon, sur les traces de son frère disparu.
Sèche et morte, voilà ce que j'étais devenue (p.67)
Elle rencontre là-bas Natsume, chez qui son frère a séjourné. Cet homme, retraité de la police, a décidé de sauver les candidats au suicide voulant se jeter du haut des falaises (encore des falaises !) de ce village japonais. Nathan semblait avoir trouvé la paix auprès de cet homme.
Olivier Adam relate ce qui pousse Sarah à partir au Japon, la lente descente vers la folie et la dépression à l'annonce de la mort du frère adoré, les mensonges, la souffrance, l'incompréhension, jusqu'à la rencontre avec Louise, l'amoureuse de Nathan, qui donnera à Sarah la possibilité - et la raison - de partir au Japon, que Nathan appelait sa Terre promise.

À travers la description de ces deux êtres si différents des autres, presque asociaux, l'un se dirigeant tout droit vers un mur, l'autre se sauvant par les conventions sociales (mariage, enfants, métier stable mais qu'elle déteste), l'auteur nous parle des différentes sociales de plus en plus marquées entre les gens, du monde du travail de plus en plus inhumain, de l'ascension sociale à travers celui-ci, et du suicide, à travers son personnage de "sauveur", décrit par petites touches : «Personne n'a envie de mourir. tout le monde veut vivre. Seulement, à certaines périodes de votre vie, ça devient juste impossible.» (p.137)
Si j'ai appris quelque chose du monde de l'entreprise, et du travail en général, c'est qu'on y tolère mal les faibles, que toute faille doit être camouflée, toute fragilité niée, toute fatigue combattue et oubliée, qu'une part non négligeable de nous-mêmes doit être laissée au vestiaire, comme un costume qu'on ne renfilerait qu'une fois le soir venu (p.99)
Le retour sur la vie de Sarah et Nathan donne lieu à quelques réflexions touchantes sur la fraternité :
Je ne rentrais plus que le week-end. Pour ma sœur. Ce n'était encore qu'une enfant et j'avais l'impression de l'abandonner et de la perdre. Il me semblait que le mot sœur n'avait pas le même sens pour Nathan.(p.170)
et quelques réflexions mordantes sur le fait d'être une femme, particulièrement en France (Ah, mon cher pays ! Que je ne te regrette pas de ce point de vue là!), lors de ce "séminaire de motivation" avec les collègues de Sarah qui frisent la misogynie, ou au restaurant :
[...] J'ai commandé un whisky, le garçon m'a lancé un regard réprobateur, je me suis demandée ce qu'il pouvait en avoir à foutre, je me suis demandé s'il m'aurait lancé le même regard si j'avais été un homme. (p.119)
Avec Le cœur régulier, Olivier Adam nous livre encore un excellent roman qui se lit d'une traite, un roman reconnaissable entre tous. Oui, Olivier Adam écrit du Olivier Adam.
Le trait peut paraître un peu forcé concernant particulièrement le personnage de Nathan, écorché vif en rébellion contre tout et tout le monde, alcoolique de surcroît et écrivain raté...
Mais mise à part ces petites impressions de déjà vu, c'est une écriture toujours profondément touchante.
 Je sais ce dont j'ai besoin. Me délester, sentir. M'oublier, m'ouvrir. Recueillir. Laisser le soleil chauffer ma peau, l'air pénétrer mes poumons, l'eau me diluer. Sentir battre en moi un cœur régulier. (p. 187)

La critique de Télérama

En écrivant ceci, j'écoute Shannon Wright, Secret Blood (Vicious Circle/Munich, 2010)

Et puis, un petit lien pour que vous alliez signer la pétition pour protéger les droits d'auteur au Québec...

28 novembre 2010

Alexandre Désilets

Alexandre Désilets - 25 novembre 2010 - Cabaret Juste pour rire

Jeudi soir avait lieu la première montréalaise d'Alexandre Désilets, artiste que j'admire énormément depuis plusieurs années maintenant, et que j'ai eu l'occasion de voir en concert à plusieurs reprises.
Il y a un mois, le musicien nous a offert son dernier album, La garde, que je mets un peu de temps à apprivoiser tant il est différent de son premier, Escalader l'ivresse, qui pour moi frôle le chef-d'œuvre.
La garde, pour reprendre un commentaire entendu plusieurs fois, se situe quelque part entre le premier album, atmosphérique et alternatif à souhait, et un côté résolument plus pop et plus commercial, mais pas tout à fait, ce qui fait qu'il ne touche ni à l'un ni à l'autre, ne rejoint pas tout à fait les fans du premier album et n'atteint pas tout à fait les standards pop qui le feront tourner en radio par exemple.
Le spectacle a débuté avec, en première partie, David Martel, coup de cœur anglophone (malgré son nom francophone) d'Alexandre Désilets, qui m'a déstabilisée par sa ressemblance vocale avec Damien Rice (mêmes envolées lyriques, mêmes progressions dans les chansons, même genre de choriste féminine, et présence d'un violoncelle) et qui m'a bien plu pour cette même raison.
Puis le groupe d'Alexandre Désilets est arrivé, revu et augmenté pour l'occasion, avec la présence de Liu Kong Ha aux percussions (du groupe Random Recipe) et Marianne Houle au violoncelle (du groupe Monogrenade) qui ont accompagné sur plusieurs chansons les autres membres habituels du groupe, Steve Caron à la batterie, Jérôme Hébert  et Daniel Baillargeon aux guitares, et François Lessard à la basse, conférant au tout une bonne puissance musicale.
Alexandre Désilets a enchaîné les chansons de son dernier album et encore une fois, l'évidence m'a frappée : cet album contient moins de subtilités dans les rythmiques et il m'a semblé parfois entendre les mêmes morceaux. Certaines mélodies sont accrocheuses, plus accessibles que les chansons du premier album peut-être, mais je n'ai pas eu la sensation de frémissement que peuvent me procurer des chansons comme Mission Apollo ou J'échoue, que le groupe nous a d'ailleurs offertes en milieu de spectacle.
Nous avons aussi pu entendre deux chansons qui ne sont pas sur les deux albums d'Alexandre Désilets : Où vent nous mène (qui existe en single) et Cracher dans l'eau.
C'était donc très complet, même si j'aurais aimé plus de titres du premier album (désir bien illusoire puisque je suis consciente que c'était une rentrée pour le deuxième album!), enfin, vous l'aurez compris je crois...
Alexandre Désilets était visiblement ému (présence de la famille et des amis) et nous a offert une prestation généreuse, conclue par une performance acoustique au milieu du public, accompagné par Jérôme Hébert à la guitare sèche.
En bref, les articles qui ont été écrits dans les divers médias, et notamment l'article de Rue Frontenac, expriment plutôt bien les petites imperfections que j'ai pu ressentir (ordre des chansons entre autres). Je vous invite donc à les lire (liens ci-dessous). Ceci étant dit, tout le monde s'accorde à dire - et moi la première - qu'Alexandre Désilets est un must sur scène, en accord parfait avec ses musiciens, en constante exploration artistique comme le prouvent ses différentes productions, et qui recherche également des collaborations sérieuses et originales, notamment pour ce qui concerne l'éclairage (Mathieu Roy, qui a collaboré avec Karkwa entre autres). Il est reconnu aussi pour avoir beaucoup amélioré son jeu de scène, passant d'une attitude plutôt timorée à une gestuelle bien personnelle et une façon de bouger assez fascinante et belle à voir. D'ailleurs, il me semblait que la scène était trop petite pour lui jeudi soir !

Pour l'anecdote, ayant eu l'autorisation de prendre des photos ce soir là, j'étais toute énervée et j'ai vécu une expérience très enrichissante. Quelle chance d'avoir pu vivre cela pour un concert tel que celui-ci !Je vous offre donc avec cet article une photo originale.
Alexandre Désilets poursuivra sa tournée un peu partout au Québec en 2011. À ne pas louper.

Une autre critique du même concert, par Ma Mère, qui m'accompagnait (Non Maman, je ne suis pas folle ! :D)

23 novembre 2010

Sorcellerie et dépendances


Sorcellerie et Dépendances, Sandrine Revel, éditions Dupuis, 2010
Résumé de l'éditeur : « San Francisco, de nos jours.
Accro à la sorcellerie, Eva essaie de rompre avec cette dépendance en fréquentant les sorciers anonymes. Mais c'est plus facile à dire qu'à faire : la sorcellerie améliore tellement la vie de celles qui s'y adonnent qu'il n'est pas évident d'y renoncer ! De bonnes résolutions en rechutes, elle finit par signer un pacte avec Satan... mauvaise idée.»

Chers lectrices, chers lecteurs,
c'est avec une joie non dissimulée que je vais aujourd'hui vous parler de Sorcellerie et Dépendances, une bande dessinée à ne pas balancer au bûcher !

Alors pour tout vous dire, et parce que je me dois d'être honnête avec vous, j'hésitais entre ça et faire une petite rétrospective sur Lady Snowblood de Kazuo Koike et Kazuo Kamimura. Finalement je me suis dit que la gymnastique suédoise et les perversions japonaises pouvaient bien attendre un peu d'autant que les trois volumes sont déjà parus depuis deux bonnes années.

Donc je vous préviens, il ne sera pas question ici et maintenant de l'histoire d'une mère violée que sa fille, née en prison, va venger. Non, moi je préfère vous parler des petits atermoiements de la bobogeoisie californienne narrée par notre très française - du moins de ce que je sais... - Sandrine Revel et... Ah pardon, mais on m’interrompt pour me dire que l'auteure est bordelaise ! Ah tiens, c'est pas loin de chez moi ça, Bordeaux. Oui... Oui... d'accord... Oui, attendez je leur dis : alors je dois aussi vous communiquer l'adresse de son blogue. Bon, voilà qui est fait... Ah ! non, mademoiselle ! Non, ça suffit maintenant, je sais que je devrais la connaître mais bon vous savez, moi je ne connais pas tout le monde à Bordeaux et je fréquente peu cette ville surtout depuis que le maire a décidé de se tirer un boulet dans le pied en torpillant ses promesses. Alors bon, maintenant hop ! Un coup de baguette et je repars à écrire ma critique comme par enchantement.

Ainsi, je vous disais que moi, j'ai bien aimé la bédé de Sandrine, parce que l'histoire est rigolote : dans un monde où la sorcellerie est reconnue, utilisée et même soignée comme une addiction, une femme pas bien dans son couple, pas bien dans sa peau décide de faire un pacte avec le diable pour rajeunir, reconquérir son mari et retrouver une digne position dans la société... Bien entendu on pourra y voir nombre de parallèles avec nos modes de vie.

Le trait et le choix des couleurs sont sympas, très américains. Ça tombe plutôt bien, je ne suis pas difficile : j'aime bien la bédé alternative américaine (Ghost World, Black Hole, Ice Haven, Blankets... ) dont je reparlerai à l'occasion. Et puis mince alors, c'est quand même plus sympa de relater les petites cachotteries d'une femme mûre dans une société où tout doit être parfait que de découper des vilains môssieurs à grand coups de katana, quand même !

Je sais, je sais, chacun ses goûts. Il paraît que Quentin Tarantino préfère les katanateries féminines, lui. Moi, personnellement, je me sens mieux à braver les interdits en Californie qu'à voir des femmes se faire découper leur... Enfin, bref j'avais dit que je ne parlerai pas de Lady Snowblood. Donc je ne dirai rien de plus... Allez, si quand même une impression très personnelle comme toujours, mais vite, hein, parce qu'on est ici pour présenter la bédé de Sandrine, je vous le rappelle !

Donc, je fais vite : Kazuo Koike, le scénariste, est une gros pervers et donc attendez-vous à un scénario toujours limite, prêt à dévoiler les charmes de l'héroïne et des autres personnages féminins au beau milieu de mâles apparentés à des taureaux, pas franchement fins, qui n'attendent pas pour remuer tout ce qui bouge. Bref, ce n'est certainement pas de la haute voltige. Et c'est là qu'intervient la finesse, la douceur et la volupté du dessin de Kazuo Kamimura en complète opposition : sous sa plume, Lady Snowblood se dote d'une âme, d'une sensibilité, d'un esprit. Et c'est ce qui fait qu'on a envie de suivre ses aventures jusqu'au bout des perversions du scénariste, juste pour ses beaux yeux et sa fluidité. C'est tout le paradoxe de cette oeuvre qui est donc à lire, mes cher-e-s ami-e-s.

Voilà, j'ai fini de vous parler de Lady Snowblood, et puis j'ai également fini de vous parler de Sorcellerie et Dépendances, oeuvre originale, contemporaine, intelligente qui plaira san doute à ceux qui aiment bien lire des bédés comme on regarde un film ou comme on lit un livre ; des bédés avec une âme, des bédés pour adultes donc...

Allez, sur ces bonnes paroles, je vais lire le dernier tome paru de Pluto de Naoki Urasawa...

Sorcellerie et Dépendances, un coup de botox magique, par Sandrine Revel.

Lady Snowblood, un grand n'importe quoi tout en finesse, par Kazuo Koike et Kazuo Kamimura (trois tomes, éditions Kana, 2007-2008 )

François Nicaise

[Note de Lætitia : en mettant le texte de François en ligne, j'écoute le dernier album de Kanye West, My Beautiful Dark Twisted Fantasy (Universal, 2010) sur le site Luisterpaal. Les critiques de cet album sont dithyrambiques et comme ce n'est pas du tout mon style habituel de musique, j'ai bien hâte de me faire ma propre opinion... fin de la note...]

18 novembre 2010

La nuit de l'illusionniste

La Nuit de l'illusionniste, Daniel Kehlman, traduit de l'allemand (Beerholms Vorstellung) par Juliette Aubert, Éditions Actes Sud, 2010 (l'édition originale date de 1997, mais l'auteur l'a entièrement remaniée en 2007)

Dans ce premier roman du jeune auteur prodige germano-autrichien Daniel Kehlman (né en 1975 et déjà 9 romans ou essais, dont 4 traduits en français), nous suivons le récit d'Arthur Beerholm, jeune homme qui va se consacrer à la magie.
D'enfant adopté à jeune orphelin s'apprêtant à devenir prêtre, le destin peu commun d'Arthur nous est raconté par lui-même, dans ce qui semble une confession rédigée dans l'urgence.
Nous apprendrons ainsi comment Arthur est devenu magicien, de ses débuts avec un jeu de cartes jusqu'à ses cours pris avec son maître Jan Van Rode, de son découragement jusqu'à la parfaite maîtrise et l'assurance totale.
Arthur est un tel maître de l'illusionnisme (ou devrais-je dire de l'illusion ?) que son récit lui-même semble être un vrai tour de prestidigitation, transgressant la barrière entre la fiction et la réalité à plusieurs reprises.
«La certitude n'existe pas. Jamais. Et encore moins pour les magiciens.»
Lui-même atteint un tel sommet dans son art qu'il en arrive à interagir sur la réalité, à moins que ce ne soit qu'un rêve, ou la folie qui l'a atteint. Car comment rester sain quand on peut déformer la réalité de cette façon ? Quand on a une vision de la vie totalement métaphysique ? Comment ne pas être pris pour un fou quand on s'adresse à Vivianne, une fée créée par Merlin l'Enchanteur ? À moins que Vivianne n'existe réellement ? Toutes ces questions nous traversent l'esprit tout comme elles traversent l'esprit mathématique d'Arthur. Mathématiques auxquelles Arthur se réfère souvent, leur conférant un rôle de première importance, presque sacré...
«Crois moi : il y a peu de raisons plus valables de faire des cauchemars que de découvrir, caché au cœur des mathématiques, le germe de la folie. Ou celui de la révélation.»
Si j'avais été déçue par Les arpenteurs du monde, au sujet ambitieux et pourtant terriblement attirant pour moi, celui-ci m'a beaucoup plu. Sa brièveté et son sujet original n'y sont pas pour rien. Le style, on le sent, est très travaillé (pas étonnant quand on apprend que l'auteur a entièrement revu son livre 10 ans après l'avoir écrit), et cela me fait un choc de lire que je n'avais justement pas aimé le style des Arpenteurs du monde (en réalité, je ne me souvenais plus de ne pas l'avoir aimé!).
Cependant, la progression du récit d'Arthur dans la Nuit de l'illusionniste est assez chaotique, l'idéal est certainement de lire le livre d'une traite pour ne pas se perdre trop. Cela accentue encore une fois l'urgence de ce récit, le besoin de raconter ou d'expliquer quelque chose de difficile à saisir, comme une illusion finalement...


En écrivant sur ce livre, j'écoute Les Vulgaires Machins, Requiem pour les sourds (India Records, 2010)

15 novembre 2010

Comment ça marche ?

Le blogue existe depuis maintenant 4 ans et demi. Ça fait beaucoup de billets (234 exactement) ! Beaucoup de critiques et surtout, beaucoup de lectures...
J'ai essayé, au début et pendant les 4 premières années, de classer les billets par les noms d'auteurs des bouquins. Cela donnait une liste qui, bien sûr, ne cessait de s'allonger...
Il y a 6 mois, j'ai décidé de classer mes billets par genre et/ou par nationalité. J'aime cela car ça offre plus de hasard quand on clique sur un libellé, comme "auteur(e) américain(e)" par exemple. On découvre alors tous les billets se rapportant à des auteurs américains. Et on peut avoir alors de belles surprises. Si vous cherchez tous les articles écrits par François, vous n'avez qu'à cliquer sur le libellé "François". Il faudrait que je fasse la même chose pour moi d'ailleurs !
Vous pouvez trouver ces libellés à droite, dans la colonne "thématiques".
De plus le moteur de recherche situé tout en haut de la page permet aussi de faire des recherches plus précises.

Depuis l'arrivée de François sur ce blogue, beaucoup de nouvelles idées ont été mises en place progressivement, dont le groupe Lectures d'ici et d'ailleurs. Pour vous y inscrire, il suffit de vous enregistrer en haut à droite de cette page. Cela vous permettra de rester informés de toutes les nouvelles publications. Nous souhaitons mettre en place deux ou trois autres petites choses, et le groupe sera un bon moyen d'en être informés.

Voilà pour ce soir. Je vous souhaite comme d'habitude de belles lectures !

En écrivant ceci, j'écoute Jérémy Kisling, Le ours (Naïve Records, 2005)

Sophia libère Paris

Sophia Libère Paris, Capucine et Libon, Collection Shampooing ( éditions Delcourt ) 2010

Paris, 18 Novembre 1870. Des hordes de Prussiennes viennent à bout des derniers remparts de la ville ! Bientôt la capitale sera sous leur contrôle ! A la mairie de Paris, rien ne va plus ! Il est temps de faire appel à Sophia !
Sophiaaaa, la brun-euh, ton décolleté n'est pas de mouss-euh ! Et oui, Sophia la plantureuse, mélange de Sophia - justement - Lauren, Xéna la guerrière et plein d'autres encore, va déballer sa marchandise plus d'une fois pour éviter la catastrophe et Dieu sait qu'elle a de sacrés arguments !
Hum... Attendez voir un peu... De quoi est-il question au juste ? Décolleté ? Plantureuse ? "Déballer sa marchandise" ??!!
Ah ah... Vous allez voir... Si je vous dit que pour sauver Paris, il faudra empêcher les Prussiennes de racheter toutes les propriétés de la ville et donc faire appel à une notaire experte expatriée au beau milieu de l'Afrique (sans blagues...). Si je vous dit également qu'il sera question de règlements de comptes sentimentaux entre Sophia et toutes ses ex dans tous les endroits qu'elle traversera accompagnée de sa chère et (pas très) tendre Rima... Je vous vois venir, vous sentez l'embrouille à plein nez ! Et vous avez raison !
Parce que soyons honnête deux secondes : une nana plantureuse qui exhibe poitrine à chaque fois qu'elle se bat, c'est à dire toutes les quatre minutes à peu près ; qui se tape souvent les filles qu'elle croise, n'ayons pas peur des mots - non non non - dans un univers exclusivement féminin (oui, il n'y a pas d'homme de toute l'histoire), eh bien c'est complètement n'importe quoi !
Mais en même temps c'est particulièrement original, et réussi, qui plus est !
Euh.. Excuse-moi, mais t'es en train de dire que de voir une nana qui montre sa poitrine, qui se bat à moitié à poil avec d'autres filles et qui finit au lit avec quasiment tout le monde, ça te plaît et c'est original ?
Ah... Je ne vais pas dire le contraire, après tout je ne suis qu'un homme faible... Et la partie reptilienne s'agite avec émoi devant un tel spectacle... Sss...
Non, sérieusement, ce qui m'a plu c'est que cette histoire, c'est une histoire de gros mec viril bien planté, genre Arnold qui exhibe ses muscles ruisselant de sueur dès qu'il peut en beuglant : "mêmeuh pas mal", retournée pour être jouée entièrement par des filles, dans un univers de filles d'une façon très féminine. En gros c'est un peu comme un film porno tourné par une femme : ça reste du porno mais la "sensibilité" est différente. Là, ça reste du roman de cape et d'épée, complètement déjanté certes, mais avec une autre sensibilité.
On sent que les auteurs se sont vraiment éclatés.
L'histoire complètement dingue reste bien cadrée. La succession des événements est logique et les personnages principaux ont tous un truc bien à eux. L'univers est donc cohérent et on en est que plus surpris. On se laisse entraîner vers des destinations vraiment particulières sans se perdre et surtout avec le sourire.
C'est, d'ailleurs, le deuxième sentiment que j'éprouve à propos de cette bande dessinée - le premier étant la stupéfaction vous vous en doutiez... - : ça ne se prend pas au sérieux et donc je me suis bien amusé.

Alors je comptais partager quelques extraits choisis et puis finalement je me suis dit qu'il vaut mieux lire les dialogues croustillants accompagnés des dessins évocateurs. Pas de chocolat sans piment, je vous le dis !

Pour finir, je vous renvoie à l'excellente interview des auteurs sur le site des éditions Delcourt.

Allez, allez, vous verrez ! On s'amuse, on se défoule et on se demande bien s'il n'y avait que de la camomille dans le grog des auteurs... Hips !

Sophia Libère Paris, une véritable aventure bonnet "D", par Capucine et Libon

François Nicaise

Note musique de Lætitia : en mettant en ligne ce texte, j'écoute 3 gars su'l sofa, Cerf-Volant (Pixelia, 2009)

12 novembre 2010

Les justicières en sari rose

Je vous ai parlé du livre, Moi Sampat Pal, chef de gang en sari rose, il y a quelques temps déjà.
C'est maintenant le film qui sort sur nos écrans, dans le cadre de l'excellent festival RIDM.
À voir absolument, le dimanche 14 novembre à 14 h 30 au cinéma ONF ou le dimanche 21 novembre à 16 h à la Cinémathèque québécoise.(photo : Reuters)

Article dans La Presse

07 novembre 2010

Les années douces

Les Années Douces, tome 1, Jirô Taniguchi, Hiromi Kawakami, Casterman, Écritures 2010

Très cher lecteur, très chère lectrice, c'est toujours avec beaucoup d'impatience et un peu d'appréhension que je me décide à lire le dernier Taniguchi.
Cet auteur dont Lætitia parle depuis quelques temps déjà ( 2006... ouf ! ) est un spécialiste du style Taniguchi...
Ah ? Tiens ? T'es en train de nous dire que Jirô Taniguchi fait du Taniguchi ? Comme si par exemple Djian faisait du Djian ou Murakami du Murakami ?
Exactement ! Enfin c'est presque ça... Disons que pour les Murakami ça dépend un peu duquel on parle, bien entendu, mais sinon c'est ça.
Donc je vais essayer de vous expliquer l'indicible angoisse qui me remonte la moelle épinière chaque fois que je tiens entre les mains le dernier Taniguchi. C'est terrible, viscéral : j'ai peur de me retrouver avec un Taniguchi répondant à tous les critères du Taniguchi, c'est à dire un Taniguchi qui ne dévie pas d'un iota de la formule Taniguchi.
Ah ah ! On y vient... Je sens en vous monter la graine de la compréhension. Car si mon très cher Jirô est un auteur / dessinateur que je vénère, il a une furieuse tendance à s'enfermer dans son style, si je peux me permettre...
Alors là, c'est sûr, je ne peux pas aller plus loin sans décrire le fameux "style Taniguchi" !
Tout d'abord il y a le personnage chez Taniguchi qui est toujours un peu figé. Attention, je ne veux pas dire que les personnages n'éprouvent pas d'émotions, mais ils ont cette allure un peu robotisée, aseptisée, conventionnée qui fait que si on prend les Taniguchi, qu'on scanne les différents personnages et qu'on les passe à la loupe de ce cher détective d'un autre temps, les uns après les autres, on s'apercevra que l'amour, la haine, le désir, la tristesse sont abordés d'une façon quasi "hollywoodienne", c'est à dire de façon assez caricaturale et très conventionnelle.
Ensuite le trait des visages garde toujours un peu la même ligne. On se demande un peu si les personnages n'ont pas tous un lieu de parenté... Enfin, remarquez si ! Ils ont le même Dieu, le même père finalement. Ils sont tous les enfants de Jirô... Ah... Ce Jirô, alors...
Ensuite, Jirô est un sacré rêveur, un gentil naïf et un grand nostalgique ; un apôtre de l'automne, du temps qui passe et des choses qui arrivent à leur terme, car tout à une fin et tout finit par passer ou s'accomplir. Ça aussi, c'est du Taniguchi.
Bon, bon est-ce que c'est grave en fait ? Eh bien disons que non, ce n'est pas grave et en même temps c'est parfois très gênant.
Ce n'est pas grave parce que quand je lis un Taniguchi, souvent je suis pris dans l'ambiance, dans ce travail subtil sur les décors - l'élément que je préfère d'ailleurs - qui me transporte et me fait rêvasser tranquillement façon infusion verveine ou camomille d'un long après-midi d'automne quand les feuilles recouvrent tendrement la terre et que le vent porte l'écho du cri des oiseaux qui s'envolent vers des destinations plus clémentes. Quelle douceur...
Et puis vient le temps du souvenir. Qu'ai-je retenu du dernier Taniguchi ? De quoi était-il question ? Quelle était la trame principale... Aïe ! Mince ! Zut ! Voyons voir... Ah lalalala. Je suis coincé ! Eh oui c'est ça qui me pose problème : lu tranquillement, oublié rapidement.
Mais mince alors ! Et les personnages ? Euh... Ben je me souviens des personnages de celui-ci.... Ah non, ils étaient dans celui-là... Ah non, mince je sais plus trop en fait.
Et l'intrigue. Il y a tout de même une intrigue, bon sang ! Oui, oui il y en a une. Mais j'avoue que je serais bien en peine de devoir m'en souvenir...
Attend, tu es en train de dire que tu lis un Taniguchi et que tu l'oublies aussi vite ? En clair, tu n'aimes pas Taniguchi !!
Mais si, mais si, c'est ça le pire ! C'est que j'adore ce que pond mon petit Jirô. J'adore tout ce qu'il fait, mais las, le temps passe et les souvenirs s'étiolent. Alors tu imagines bien, Taniguchi et Kawakami, bonjour le contemplatif ! C'est la douceur au carré, l'apologie du dimanche éternel puissance dix !
Car, voyez-vous chers lecteurs, il se trouve qu'étant passionné de littérature japonaise, j'avais déjà lu le roman de Kawakami dont est tiré le dernier manga de mon ami Jirô. Et j'en avais conservé un souvenir plaisant, quoique pas indélébile.
Mais là mélangez le récit posé de Kawakami à la passion de jirô pour l'éternité et ça donne quelque chose à la limite de la consistance du sirop d'érable, si je puis dire... Et ce n'est que le premier tome. Ouille !
Bon, bon je lirai le deuxième tome et on verra bien. Mais j'en tremble encore...

Je profite de cette critique pour vous donner mon "Jirô Top Five", classement très très personnel des livres de mon ami.
C'est toujours un peu difficile de faire un classement, mais bon je sais que Jirô ne m'en voudra pas si je ne colle pas trop aux ventes.... Et puis il sait que je l'adore, alors...

1 - Le Gourmet Solitaire : si vous n'êtes jamais allé au Japon, c'est celui qui vous fera partir. Si vous y êtes déjà allé c'est celui qui vous donnera envie d'y retourner !
2 - Le Sommet des Dieux : une oeuvre monstrueuse sur la montagne et l'égo des hommes, ça se dévore !
3 - Seton : le western contemplatif, peut-être celui qui montre toute l'occidentalité de Taniguchi.
4 - K : autre récit montagnard qui renoue avec l'amour de J.T. pour la montagne
5 - L'Orme du Caucase : à lire désespérément
Allez, parce que je vous adore, j'en profite pour glisser un autre manga qui n'est pas de Jirô mais qui vaut son pesant de ramen : Le cheminot de Takumi Nagayasu et Jirô Asada (Panini Comics, 2001). Si vous aimez Jirô, vous adorerez celui-ci... Et si vous le lisez, surtout laissez vos com' pour me dire ce que vous en pensez !

Les Années douces, calme plat au pays du Soleil Levant par Jirô Taniguchi.

François Nicaise

31 octobre 2010

Une excellente moisson de BD

À l'instar de François qui nous parlait de La parenthèse ces derniers jours, j'ai moi aussi eu quelques bijoux de BD entre les mains ces dernières semaines.
Tout d'abord, la série Aya de Yopougon, dont je vous ai parlé il y a quelques mois (j'ai reçu le premier tome à mon anniversaire) et qui m'a de nouveau plongée dans l'ambiance africaine de ce quartier populaire d'Abidjan. Les cinq tomes ne sont pas tous égaux au niveau de la qualité du scénario, certains nous tenant plus en haleine que d'autres, mais possèdent tous ce trait et cette fraîcheur, par le langage, par la couleur, qui éveillent en nous toutes sortes d'émotions et nous dépaysent totalement.


Ensuite, une découverte avec l'album de Jeff Lemire, Essex County, véritable hymne à la culture canadienne et notamment à son sport emblématique, le hockey sur glace.
L'auteur nous raconte en plusieurs parties l'histoire d'une famille sur plusieurs générations. Le dernier membre de cette famille est le petit Lester, enfant dont la mère est décédée et qui est pris en charge par son oncle un peu maladroit, qui a du mal à établir un contact avec lui. D'autant plus que certains secrets de famille viennent ternir son attitude vis à vis de l'enfant.
Le livre mélange les époques et nous perd un peu au départ mais tout se recoupe rapidement. Essex County s'attarde sur les liens familiaux, plus particulièrement entre deux frères, unis par la même passion du hockey, et qu'une femme va séparer.
Lester va alors devenir celui par qui les liens vont se rattacher, celui qui, par la poésie et le dessin, va réconcilier quelques membres de sa famille et dévoiler cette filiation à laquelle on ne peut échapper.

Le blog de Jeff Lemire
Le site de Jeff Lemire
Une autre critique


Puis, un récit autobiographique touchant, Freddie et moi, de Mike Dawson.
L'auteur, britannique, se remémore sa jeunesse et notamment sa découverte du groupe Queen et de son emblématique chanteur Freddie Mercury.
Quand je pense à Queen, toute ma vie me revient...
Il devient complètement fanatique du groupe, connaissant toutes les chansons par cœur (et particulièrement Bohemian Rhapsody), alors que sa jeune sœur, elle, trippe sur Wham!...
De la première cassette de A Night at the Opera au concert auquel le jeune Michael ne pourra pas aller, du déménagement aux États-Unis à la mort de Freddie Mercury, son amour pour Queen ne faiblit pas.
Cela donne lieu à des épisodes cocasses, d'autres touchants, et on ne s'ennuie jamais dans ce récit initiatique musical aux nombreuses références pop.


Enfin, toujours dans le style autobiographique, voici Septembre en t'attendant, d'Alissa Torres, mise en images et en trois couleurs (noir, blanc et bleu/vert) de Sungyoon Choi du New York Times.

Le monde d'Alissa s'écroule en même temps que les tours du World Trade Center ce 11 septembre 2001 alors que son mari en est à son deuxième jour de travail dans le bureau de Cantor Fitzgerald.
Il ne reviendra pas à la maison ce soir là, ni les suivants. Le deuil est d'autant plus difficile qu'Alissa est sur le point d'accoucher de leur premier enfant.
Ce récit poignant d'un deuil suite à l'un des pires événements de notre siècle ne fait abstraction d'aucun détail.
De l'organisation des funérailles à travers le chaos qui a suivi l'événement, aux demandes d'aides financières souvent mal vues par la population américaine (la vague de solidarité suscitée par l'attentat s'est vite transformée en colère et en aigreur contre ceux qui ont bénéficié d'aides financières - et autres - de la part du gouvernement et d'organismes tels que la Croix Rouge), en passant par le problème de la nationalité du mari d'Alissa, d'origine colombienne et qui n'était pas encore naturalisé américain.
Le livre alterne entre le côté administratif de ces démarches lourdes et difficiles et le côté affectif lié à la mémoire d'Eddie, qui est la seule motivation de la jeune femme : garder la mémoire d'Eddie vivante pour leur fils, né un peu plus d'un mois après les attentats.
Alissa Torres a publié son livre plusieurs années après le 11 septembre 2001, malgré les sollicitations nombreuses des médias, pour qui elle constituait un exemple typiquement américain et un vrai drame vendeur. Elle a toujours résisté, afin d'avoir la liberté décrire la vraie réalité de l'après 11 septembre et la douleur souvent incomprise de ceux qui ont perdu l'un des leurs dans cet attentat.


Aya de Yopougon, Marguerite Abouet et Clément Oubrerie, Éditions Gallimard, Collection Bayou, 2005, 2006, 2007, 2008, 2009
Essex County, Ontario, Canada, de Jeff Lemire, éditions Futuropolis, 2010
Freddie et moi, une rhapsodie (bohémienne) sur le passage à l'âge adulte, Mike Dawson, Rakham, 2009
Septembre en t'attendant, Alissa Torres, mise en images de Sungyoon Choi, traduit de l'anglais (USA) par Fanny Soubiran, Éditions Casterman, collection Écritures, 2009

En écrivant ceci, j'écoute Flying Horseman, Wild Eyes (Conspiracy/Konkurrent, 2010)

29 octobre 2010

La parenthèse

La Parenthèse, Elodie Durand, Éditions Delcourt, 2010

Imaginez la scène : vous rencontrez une personne que vous n'avez pas vue depuis des années. Passés les premiers sourires, vous demandez des nouvelles : "Comment vas-tu ? Qu'est-ce que tu deviens ? Qu'as tu fait tout ce temps ?", etc... Face à vos questions qui oscillent entre la curiosité, la courtoisie et la politesse, la personne ne répond pas, cherche ses mots, essaie de combler le vide qui s'installe ; un vide qui l'a justement habitée toutes ces années...

La Parenthèse est l'histoire d'un blanc, d'un bout de néant entre deux phases de conscience, entre deux période d'existence : l'avant et l'après la maladie ; avant quand tout allait bien, après quand la vie reprend son cours.

La Parenthèse est un récit qui essaie d'expliquer cette absence du soi, non pas un abandon mais l'évanouissement de la temporalité : le grand flou qui constitue la ligne de vie d'une personne dont la mémoire ne fonctionne plus vraiment, qui subit un traitement pour guérir et s'évapore sous l'emprise des médicaments.

Si l'intrigue en soi n'est pas complexe, c'est la relation face à la famille, face aux amis, au corps médical et à soi même, ce soi qui devient autre, ce moi qui n'est plus si sûr ; face à cette vie que l'entourage décrit et qui dans un cerveau endommagé n'existe même pas , c'est tout cela qui est un enfer.

Ce caractère humain, cette maîtrise de la sensibilité autour d'un sujet qu'on souhaiterait ne jamais aborder fait de La Parenthèse une œuvre à part. C'est une bande dessinée originale qui fait du bien parce qu'elle nous rappelle que nous ne sommes que des humains.

C'est un petit coup de poing qui souligne, si on l'avait oublié, que la vie ne devrait pas être un songe, un film qu'on joue dans sa tête mais l'expérience unique de chaque instant.

Pour conclure ce petit article, foncez ! Ne vous arrêtez pas au style graphique - dont je ne suis pas très fan - laissez vous happer par le découpage un peu particulier et faites vous ce merveilleux cadeau que nous offre la littérature : celui de partager avec l'autre, l'inconnu d'un coup très proche et de pouvoir librement choisir de réfléchir sur sa condition.

De temps en temps ça fait du bien... Non ?

La Parenthèse, le souvenir de la vie par Elodie Durand

Présentation de l'éditeur :

"C’est l’histoire d’une jeune fille âgée d’à peine plus de 20 ans, d’un drame dans sa vie qui semblait être sans retour, d’une chute dans la maladie, dans la perte de soi. Ce récit est une bataille contre l’adversité. Il parle de la mémoire parfois si fragile, d’une convalescence inattendue, de comment, un jour, on réapprend son alphabet, à compter, à retrouver ses souvenirs." Élodie Durand

François Nicaise

23 octobre 2010

Plus fou que ça... tumeur !

Plus fou que ça...tumeur !, Véronique Lettre et Christiane Morrow, Éditions Stanké, 2010

Un livre offert dans le cadre de l'opération Masse Critique de Babelio.

À la réception de ce livre, je me suis dit : «Oh non! Pourquoi j'ai coché ce livre! Encore un truc sur le cancer, j'en peux plus...». Je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même puisque j'avais coché 2 livres pour la sélection Masse Critique, dont celui-là. Mais j'aurais préféré - à ce moment là - recevoir le livre sur les médias sociaux 101, même si je ne suis plus sur Facebook depuis longtemps...
Il faut dire que je travaille parfois avec des personnes atteintes de cancer et que mes dernières lectures parlaient aussi plus ou moins de cette maladie (D'autres vies que la mienne s'articule autour de ça, La double vie d'Irina l'évoque). Je ne suis pas du genre à fuir le sujet, préférant me dire qu'il vaut mieux être bien informée, étant donné qu'on sera tous concerné un jour ou l'autre (je ne le souhaite pas mais à la vue des statistiques, ça se peut fort...), mais là, c'était comme un peu trop.
J'ai donc commencé le livre à reculons... pour le terminer seulement quelques jours plus tard, surprise de l'angle pris par l'auteure pour nous raconter son expérience.

Véronique, l'auteure du livre, raconte sa chute en snowboard, qui l'amène à l'hôpital pour ce qui ressemble à une hémorragie cérébrale. Finalement, les médecins découvrent une tumeur cérébrale cachée sous ce saignement. C'est le commencement d'une année entière consacrée à traiter cette tumeur (opération d'abord, suivie de traitements de radiothérapie puis d'une chimiothérapie par voie orale). Une année sans travailler, à essayer de supporter les effets secondaires tout en restant une mère, une femme, une blonde. Dès le début, Véronique, soutenue par sa mère et son conjoint, prend le parti de ne pas se laisser dominer par le pessimisme et la noirceur intrinsèques à ce genre de nouvelles.
Le livre s'apparente à un récit de vie tout simple, qui ne se veut surtout pas moralisateur, et qui détaille toutes les étapes vécues par Véronique durant son année de maladie et de traitement. L'auteure évoque des sujets dont personne, trop souvent, n'ose parler : la réaction de l'entourage face à la maladie (y compris les amis qui s'éloignent car ils ne savent pas quoi dire), la sexualité pendant la maladie, les illusions, les déceptions.
Elle nous dépeint aussi progressivement le milieu hospitalier québécois, plus particulièrement montréalais, avec ses points forts... et ses points faibles. Particulièrement le manque de communication entre les différents services hospitaliers auxquels l'auteure est confrontée (hématologie, neurologie, oncologie, gynécologie), et leur manque de cohérence, qui peut faire peur surtout dans un cas grave comme un cancer cérébral.
Par la suite, elle raconte son transfert au service hospitalier de Sherbrooke (à sa demande) avec l'équipe du Dr Fortin, assez populaire pour avoir été le sujet de plusieurs articles et pour avoir démontré beaucoup de talent dans la recherche sur le cancer cérébral. C'est LE spécialiste dans ce domaine.
D'ailleurs, le livre contient une postface écrite par Nathalie Buisson, une danseuse des Grands Ballets Canadiens, atteinte elle-même d'une tumeur cérébrale et qui est passée à Tout le monde en parle en mars 2009, pour évoquer le talent du Dr Fortin et les besoins de la recherche sur le cancer cérébral.
Dernièrement, une personne de mon entourage me parlait de quelqu'un qui venait d'être opéré par ce médecin au moyen d'un super-robot, ce qui a permis de retirer dans sa totalité une tumeur cérébrale qu'un autre médecin de Montréal avait affirmé ne pas être capable d'enlever à plus de 50% (il s'agissait d'une tumeur du même type que celle de Véronique dans ce livre - un GBM, ou glioblastome multiforme, qui est particulièrement complexe). Cette réussite n'aurait pas été possible sans l'utilisation de ce bras robotisé. Mais ce sont des machines qui coûtent très cher et qui ne sont pas disponibles partout.

Mais revenons-en au livre Plus fou que ça... tumeur ! Quelques effets de style dans le livre m'ont agacée : l'utilisation à outrance de majuscules pour désigner toutes les personnes gravitant autour de Véronique (Ma Mère, Ma Sœur, Mon Chum, Ma Neurochirurgienne, etc.) et le titre un peu douteux...
Et il a bien fallu aussi que je me rende à l'évidence que l'auteure a été extrêmement privilégiée car très entourée et pouvant se permettre - difficilement parfois - de prendre son année pour se soigner. Mais ce ne sont que des détails, nous ne sommes pas en train de lire du Proust, et concernant son privilège, peut-on vraiment parler de privilège quand une personne si jeune apprend qu'elle est gravement malade ? Le mot est peut-être mal choisi et de toute façon, ce n'est pas une critique. Elle a eu cette chance. Elle s'est donné cette chance.

Mais c'est une réalité que j'avais envie d'évoquer : face au cancer, peu de personnes ont les moyens de s'arrêter pour se soigner entièrement et récupérer totalement. Les organismes d'aide tels que l'OMPAC par exemple, doivent se battre eux aussi pour obtenir des subventions qui leur permettent d'aider les personnes les plus démunies.

Ce qui reste au final après la lecture de ce livre, c'est beaucoup d'espoir, et de l'admiration pour cette jeune femme, qui devrait être décorée pour son courage et son enthousiasme contagieux. Les messages que ses collègues lui adressent, ses copines du gym atteintes elles aussi par la maladie, les réactions de ses enfants, tous ces petits moments nous arrachent quelques larmes et nous font croire à la force de l'entraide et de l'optimisme. Mais pas l'optimisme bêbête basé sur des phrases vides de sens pour une personne malade, mais de l'optimisme plein de bon sens qui met en valeur les forces vitales de la personne. Et la force que l'amour de son entourage peut lui apporter.
Un beau témoignage.

Un article /entretien avec Nathalie Buisson sur le cancer cérébral
Un article sur le Dr Fortin



En écrivant ceci, j'écoute Les Belles Sœurs, théâtre musical, d'après la pièce de Michel Tremblay, livret et paroles de René-Richard Cyr, musique de Daniel Bélanger (Audiogram, 2010)

21 octobre 2010

Kate Wyatt - Adrian Vedady


Kate Wyatt - piano
Adrian Vedady - contrebasse
Café Lézard, 1335, rue Beaubien Est
Tous les mercredis soirs de cet automne, de 17 h à 19 h (gratuit)

La scène jazz montréalaise est assez vaste et je ne m'y connais pas assez pour vous en parler en long et en large.
Par contre, je suis une grande amatrice du style et quand il m'est donné (c'est le cas de le dire) de voir jouer, dans mon propre quartier (sortons le jazz du Centre-Ville !), deux musiciens de grand talent, je n'hésite pas.
Je les avais déjà vus jouer à l'Église St-James (sur Ste-Catherine) en novembre dernier, en formation plus imposante (batterie, guitare, sax), et j'ai revu Adrian Vedady Quartet à l'Astral, en février dernier (c'était pour le festival Montréal en lumière), accompagné de Yannick Rieu au(x) saxophone(s) et en invité spécial Marc Copland, pianiste.
C'était vraiment très bon !
Alors je vous invite à découvrir deux grands musiciens de jazz, tous les mercredis de 17 h à 19 h au Café Lézard, dans la Petite-Patrie ! C'est à 10 minutes de marche du métro Beaubien (même pas).

Site Myspace d'Adrian Vedady

20 octobre 2010

Incidences

Incidences, Philippe Djian, Éditions Gallimard, 2010

Drôle de coïncidence que je lise ce dernier roman de Philippe Djian alors même que mon ami François commence à écrire sur Lectures d'ici et d'ailleurs. En effet, c'est par François que j'ai connu Philippe Djian, et nous étions tous les deux de grands lecteurs de cet auteur pour le moins subversif et qui ne faisait pas l'unanimité dans notre entourage (et toujours pas d'ailleurs).
En ce qui me concerne, j'ai continué à le lire au gré de ses publications, et je me suis même farci la série Doggy Bag, que j'avais beau critiquer mais qui me tenait en haleine, comme un bon soap américain...
Puis il y a eu Impardonnables, que j'avais classé dans les 10 livres qui m'avaient enthousiasmés en 2009.
Et cette année, Incidences.
Incidences, qui part comme toujours dans la veine djianesque avec laquelle nous sommes plus ou moins familiers : un homme, la cinquantaine, professeur de littérature, écrivain raté, fumeur invétéré, qui séduit ses étudiantes et qui a une histoire familiale un peu trouble, pour ne pas dire troublée.
Un beau matin, l'étudiante avec qui il a passé la nuit ne se réveille pas. Marc décide de se débarrasser du corps en le jetant dans une crevasse, car même innocent, il ne veut pas avoir de soucis avec la police... C'est alors que les ennuis commencent. Myriam, la belle-mère de la jeune fille en question, rencontre alors Marc suite à la disparition de sa belle-fille. Elle veut comprendre les raisons de cette disparition en essayant de mieux connaître la jeune femme. C'est le coup de foudre.
L'histoire s'engouffre alors à la fois dans un polar qui nous donne des frissons à plusieurs occasions, avec ses réminiscences de l'enfance juste assez détaillées pour nous faire imaginer le pire, mais pas assez pour nous donner toutes les clés, et en même temps dans un récit désabusé et cynique d'un homme très dérangé (ce sont les mots de Djian lui-même, voir dans l'entrevue de Libération à la fin de cet article).

L'image de ce gouffre, en couverture, n'est pas innocente, et pour une fois, très bien choisie (ce n'est pas toujours le cas). Ce gouffre cache bien des secrets et représente la crevasse dans laquelle Marc se débarrasse du corps et près de laquelle il vient parfois se réfugier.
On se dit que Djian décidément excelle dans l'art de décrire (d'écrire ?) la part sombre voire glauque de l'Être. Il garde aussi toujours beaucoup de tendresse pour ses personnages.

Je reprendrais une remarque de l'article de Christine Marcandier-Bry dans le journal Médiapart en recopiant ici une phrase qui résume tout le style et la virtuosité de Djian dans son domaine, alors même qu'il parle de quelqu'un d'autre :
«Vous avez lu ce qu'elle a écrit ? reprit-il. C'est la maîtrise qui est surprenante. Le bon dosage de la lenteur et de la rapidité. Du net et du flou. C'est très bluffant, vous savez. (...) N'importe quel crétin est capable de raconter une histoire. La seule affaire est une affaire de rythme, de couleur, de sonorité».
Du très bon Djian, qui a d'ailleurs enthousiasmé tous les médias ou presque de France et de Navarre.

La critique de Télérama, par Nathalie Crom
Un entretien vraiment bien dans Libération, par Claire Devarrieux

En écrivant ceci, j'écoute Dionysos, La mécanique du cœur (Barclay, 2007)