29 octobre 2006

Après la nuit rouge, de Christiane Frenette

Éditions Boréal Compact, 2005, 168 pages.

Encore un petit livre extraordinaire qui se lit en coup de vent, se referme avec regret et ne s'oublie pas si vite...
La nuit rouge, c'est cet incendie qui a ravagé Rimouski, ville du Bas-Saint-Laurent au Québec, le 7 mai 1950. Point de départ d'une histoire croisée où se perdent et se retrouvent trois personnages, Thomas, Romain, et Marie, la femme de ce dernier. Thomas revient dans sa ville en 1955 après 5 ans passés dans un hôpital psychiatrique. Il retrouve alors Romain, son ami d'enfance dont il ne se souvient pas, et la femme de celui-ci, Marie, en qui il capte la même détresse que celle qui l'habite. Thomas retrouve aussi son chien, Rex, aveugle et sourd, mais toujours fidèle.
Puis l'on retrouve en 2002 Lou, qui revient à Rimouski elle aussi après la rupture d'anévrisme de son mari Joe. Ils s'installent dans une grande maison et Lou va retrouver peu à peu tous les souvenirs qu'elle a laissés en fuguant 30 ans auparavant de la maison familiale, la maison de Marie et Romain...
Cette histoire est finalement très difficile à résumer tant la trame est dense et riche. On fait connaissance avec chacun des personnages, tous très émouvants par leur fragilité et leur recherche du bonheur, ou leur résignation (Marie).
Thomas en tête, qui réapprend à vivre après cinq ans passés à l'hôpital, sous le regard des autres qui le prenne pour un fou. Le soir de l'incendie, «Thomas n'avait pas trouvé sa voie, il avait pris l'issue de secours». Quand il revient à Rimouski, il retrouve son chien devenu sourd et aveugle, métaphore de cette amnésie qui le frappe et de cette difficulté à communiquer qui le caractérise. Thomas est difficile à mettre à jour, à l'image de cette accusation qu'il se porte lui-même, d'être le coupable de cet incendie. On ne sait s'il dit vrai.
Marie, femme du médecin Romain, caractérise la femme qui refuse de se mettre au service de la gloire de son mari. Avec la révolte qu'elle réprime et les scotchs qu'elle s'enfile (!), elle devient frustrée et aigrie face à sa vie. Thomas représentera peut-être pour elle une sortie de secours qu'elle essaiera d'emprunter, et ce, même face à la jalousie de son mari. Le couple se dispute l'amitié/amour du jeune homme, qui lui, tente de trouver un sens à sa vie.

Poète et romancière, Christiane Frenette est titulaire d'une maîtrise en littérature québécoise de l'Université Laval. Elle enseigne actuellement la littérature au Collège de Lévis-Lauzon. Elle a publié des recueils de poésie, des recueils de nouvelles et des romans, son écriture exprimant le difficile combat de la vie contre le désespoir.
Christiane Frenette a reçu le Prix Octave-Crémazie pour son recueil de poésie Indigo nuit en 1986 et le Prix du Gouverneur général du Canada dans la catégorie «roman et nouvelles» pour La Terre ferme en 1998. Elle est membre de l'Union des écrivaines et des écrivains québécois.

Le roman Après la nuit rouge a été sélectionné pour le prix des collégiens 2006 (c'est Nikolski de Nicolas Dickner qui l'avait remporté).

Critiques du livre Après la nuit rouge :

«Savamment orchestré (l’alternance entre deux narrations concurrentes se fait en souplesse) et servi par cette petite musique précise et jamais précieuse, délicate et jamais mièvre, Après la nuit rouge confirme le statut de la styliste parmi les écrivaines majeures de sa génération et de la littérature québécoise contemporaine.»
Stanley Péan, Le Libraire

«Si l'émotion risque de submerger le lecteur à tout moment, c'est peut-être qu'à une certaine hauteur, la beauté et la vérité se confondent. Écrit dans un style minimaliste et avec une puissance d'évocation rare, Après la nuit rouge sonne admirablement juste.»
Suzanne Giguère, Le Devoir

En ce moment, j'écoute : Gorillaz ~ Demon Days (Parlophone, 2005)

22 octobre 2006

Gioconda, de Nikos Kokantzis

Éditions de l'Aube, 2006 (traduit en 1998, 1975 pour la version originale), 124 pages

L'auteur vu par l'éditeur :
Nikos Kokantzis, né à Thessalonique en 1930, découvrira l'amour avec Gioconda en 1943. Juive, celle-ci sera déportée à Auschwitz... et n'en reviendra pas. Et c'est en 1975 que Kokantzis décide de raconter leur histoire d'amour, pour que Gioconda revive à travers ses mots. C'est son premier et seul ouvrage.

Il aura donc fallu 30 ans pour que Nikos Kokantzis couche sur papier cette histoire, son histoire, son premier amour. Ccet homme n'a écrit que ce livre, dans l'unique but que Gioconda ne tombe pas dans l'oubli, pour garder un souvenir tangible d'elle, alors que tout ce qui lui appartenait avait disparu. Une preuve de son immense amour pour elle, preuve aussi qu'il ne l'a jamais oubliée. Nikos Kokantzis a-t-il réussi à vivre et à aimer de nouveau avec autant d'intensité ?
Après tout, il s'agit d'un premier amour comme beaucoup en ont vécu.
Mais au-delà du drame amoureux qui se joue, il y a toute l'ampleur du drame humain de la Seconde Guerre Mondiale. Les tirs, les bombes, la résistance, les déportations.
Pendant la Seconde Guerre Mondiale, la ville de Thessalonique, en Grèce, a été occupée par les Allemands. Tous les juifs de Thessalonique ont été déportés en 1943 vers Auschwitz. Mille à peine ont survécu. Il s'agit d'une partie de l'histoire de la Seconde Guerre Mondiale peu connue.
Gioconda a fait partie de ces juifs déportés et qui sont morts. Nous le savons dès le début du livre, nous savons qu'il s'agira d'une histoire d'amour qui finit mal. Malgré cela, il plane une impression d'amour éternel lorsque l'on referme ce livre. Il émane de cette histoire des sentiments purs et simples, qui font du bien. On espère un miracle jusqu'à la fin, qui ne viendra pas.
Je l'ai lu hier soir d'une traite, c'est assez court mais suffisamment prenant et surtout très émouvant, écrit tout en finesse et délicatesse. Émouvant de lire cet éveil à l'amour et au sexe, émouvant de se dire que cet homme n'a écrit que ce livre, pour sa bien-aimée, la femme de sa vie. On a tous une part de romantisme en nous, et je trouve cette idée terriblement romantique, au-delà de l'horreur de la guerre et de ses conséquences.

« Je n’entendis pas chanter les oiseaux, ou sonner les cloches. Mais je me souviens encore de ses lèvres contre les miennes, de ce frisson de bonheur. L’amour débordait par mes yeux, mes oreilles, ma bouche, le bout de mes doigts. Ma peau était amoureuse, mon cœur, ma gorge, tout mon corps. Et son amour à elle venait vers moi, j’étais traversé par cette vague chaude, lisse, affolante. Nous étions si proches qu’il n’y avait de place entre nous pour des mots…. J’étais sur le point de terminer la guerre à moi seul, il n’y avait pas de guerre, nous traversions le désert à dos de chameau sous un soleil insoutenable, nous descendions le Nil blanc parmi les odeurs du soir, nous découvrions Samarkand, Kaboul, Benarès… »


17 octobre 2006

Rentrée littéraire...

Je viens de lire le supplément du magazine Lire consacré à la rentrée littéraire avec les conseils de lecture des libraires de différents Virgin Mégastore et de la librairie Le furet du nord.
J'aime énormément lire ce genre de liste détaillée des meilleurs romans de la rentrée, mais en même temps, ça me déprime de me dire qu'il y a tant de livres que je ne pourrai probablement pas lire. Manque de temps, manque d'argent, c'est frustrant. Visiblement, ce n'est pas le talent qui manque par contre !
Comme Extrêmement fort et incroyablement près, de Jonathan Safran Foer, dont je n'ai même pas lu le premier (Tout est illuminé, éditions de L'Olivier, 2003), et qui semble être un chef-d'oeuvre, dans la veine de L'attrape-coeurs de J.D. Salinger.
Ou encore ce Ligne de failles de Nancy Huston, chez Actes Sud, qui a l'air merveilleux, tout comme la majorité de ce qu'elle écrit. Celui-là, je suis pas mal sûre de le lire par contre ;-)
Et Puisque rien ne dure, de Laurence Tardieu, chez Stock, qui a l'air très fort, émotivement parlant, ou cet auteur dont tout le monde parle, Yasmina Khadra, que je n'ai pas encore lu non plus.
Il y a aussi L'histoire de l'amour, de Nicole Krauss (la femme de Jonathan Safran Foer, dans la vraie vie), chez Gallimard, dont le titre est inspirant. Et encore Les bienveillantes, de Jonathan Littell, chez Gallimard, pavé de 912 pages, en lice pour le Goncourt.

Bref, que de belles choses à découvrir, et que j'espère avoir un jour entre les mains...

Ce soir, j'écoute : Jorane ~ Vent fou (Tacca Musique, 1999)

16 octobre 2006

Journal d'hirondelle, d'Amélie Nothomb

Difficile de parler d'un livre d'Amélie Nothomb quand tout a été dit sur celui-ci. Quand tout a été dit sur son auteur également... Il vous suffit de taper ce nom dans Google pour avoir des dizaines de pages sur le sujet, des pages de fans, comme des pages de critiques virulentes.
Car, comme on le sait, Amélie Nothomb déclenche un raz-de-marée médiatique chaque année en sortant son nouveau roman.
Cette année, nous n'y avons pas échappé, puisque l'auteure a même été nominée au premier tour du prix Goncourt (mais éliminée au deuxième, comme on s'y attendait).
Qu'en est-il de ce cru 2006 ?
« Avec n'importe quel autre auteur, quand il déçoit une fois son public, celui-ci ne revient jamais, tempère Julien Laparade, coresponsable du rayon littérature à la librairie Dialogues, à Brest, mais avec Amélie Nothomb, c'est différent. Elle sait tellement se renouveler que ses lecteurs, malgré leur déconvenue de l'an dernier, voudront quand même s'y intéresser».
Sauf que Journal d'hirondelle n'est pas de la trempe de Stupeur et tremblements, Hygiène de l'assassin ou Métaphysique des tubes. Seulement 136 pages, imprimées en gros caractères entourés de marges généreuses, comme si la production nothombienne semblait menacée d'anorexie galopante. Et surtout, la chute, déjà le talon d'Achille de nombre de ses précédents romans, laisse sur sa faim. Si l'on était lacanien, on dirait que l'auteur de Biographie de la faim, l'un de ses meilleurs livres, n'a toujours pas résolu son problème de fin.»
(Excellent article de Daniel Garcia dans le journal Lire de septembre 2006)
Bon c'est un peu ce que je pense de ce Journal d'hirondelle, sauf que le style d'Amélie Nothomb est toujours aussi unique et profond. Bon, il faut que je vous précise quelque chose : je suis une vraie fan d'Amélie Nothomb, elle me fascine. Tout comme elle fascine Laureline Amanieux, auteure d'un excellent livre (fruit de cinq années d'études sur l'auteure belge) : Amélie Nothomb, l'éternelle affamée, paru chez Albin Michel en 2005.
Laureline Amanieux répond à la question Y-a-t-il quelque chose derrière les livres d'Amélie Nothomb ? ainsi : «La réponse est oui. Plus je creuse, et plus je trouve des choses à dire sur son travail. On peut la lire pour le rythme dense et la surprise de ses intrigues, mais c'est aussi un auteur qui passe par la légèreté pour aborder des thèmes très violents. Elle possède une vision très originale, marquée par un jeu permanent de contradictions. On a l'impression, à chacun de ses livres, de voir un train qui s'élance et qui déraille en même temps. Son univers possède un niveau de complexité qui résiste à l'analyse littéraire.»
Enfin, je ne vais pas réécrire l'article du journal Lire en entier, je vous recommande de l'acheter, en plus vous y trouverez un supplément de 32 pages sur la rentrée littéraire. Toujours intéressant...

Je viens de découvrir un nouveau (pour moi) site (ici) sur Amélie Nothomb, très bien fait (quoiqu'écrit un peu petit, c'est dur pour les yeux !) et très riche et complet. Des heures de plaisir pour regarder toutes ces émissions de télé que j'ai loupées en étant de l'autre côté de l'Atlantique...

Je vous invite aussi à vous procurer la revue Moebius sur le thème de La Marge (numéro 105), dans lequel j'ai écrit, dans la catégorie «lettre à un écrivain vivant», une missive à Amélie Nothomb. Cette lettre permet de mieux comprendre mon attachement à cette auteure belge...

Bonne(s) lecture(s) !

En écrivant ceci, j'écoute cela : Cat Power ~ The Greatest (Matador, 2006)



14 octobre 2006

La gare, de Sergio Kokis

Au départ, La gare, de Sergio Kokis, est l'histoire d'une rencontre entre Aimzon et moi.
Sur son blogue, elle a parlé de ce livre et à peu près au même moment nous avons commencé à correspondre. Puis la miss est venue à Montréal, et m'a offert le livre, qu'elle a beaucoup aimé. Le même jour, en sortant d'un resto ensemble, nous sommes tombées sur l'émission Vous m'en lirez tant, de Radio-Canada, et l'invité principal était... Sergio Kokis.
Comme les photos le prouvent, je suis allée faire dédicacer mon livre par un Sergio Kokis très sympathique, et Aimzon s'est amusée à immortaliser l'événement ;-)

L'auteur :
Brésilien d’origine, psychologue à la retraite et peintre, Kokis a fait de la langue française son laboratoire d’écriture. Le pavillon des miroirs, son premier roman, a été unanimement salué par la critique (quatre prix littéraires). Puis les titres se sont succédé à une cadence qui remplit d’aise les lecteurs, car Kokis a l’art de charmer ceux-ci par des récits toujours captivants et sans cesse renouvelés. La gare est le quatorzième titre que Sergio Kokis signe depuis 1994. Les œuvres de Kokis sont également publiées en France, au Brésil, au Mexique et au Canada anglais.
(source: XYZ éditeur)

Sergio Kokis m'a écrit dans le livre : « À Fibula, cette histoire d'une fuite devenue voyage. Montréal le 27.08.06.»
Que raconte donc ce livre, cette fuite, ce voyage ?
De retour de vacances plus tôt que prévu avec sa femme et son fils, Adrian Traum, ingénieur, descend fumer une cigarette dans une petite gare où leur train s'arrête de façon imprévue. S'attardant aux toilettes, le pauvre homme se retrouve seul sur le quai, son train parti. S'est-il endormi ? A-t-il volontairement oublié de remonter dans son train ? Lui-même ne le sait pas, et c'est en rencontrant les gens du village, en discutant avec le chef de gare, en faisant le point sur sa vie insatisfaisante, en se remettant en question, qu'il parviendra à comprendre le sens de sa vie, et le pourquoi de cette aventure dans cette gare et dans ce village de Vokzal.
Le nom de ce village signifie en russe gare, tiens tiens...
Adrian, une fois à Vokzal village, va se rendre compte qu'il ne pourra pas se sortir de cet endroit : perdu au milieu de la steppe, dans un lieu que l'on a du mal à situer (quelle est cette ville de S. ?), sans aucune moyen de transport ou de communication, notre anti-héros va devoir en plus côtoyer des habitants douteux : un chef de gare au départ récalcitrant mais qui finalement jouera un rôle important dans les décisions et la réflexion d'Adrian, un sergent soupçonneux, un simple d'esprit, un joueur d'échec arrivé comme lui par hasard mais qui lui souhaite rester, une vieille à moitié folle qui le prend pour son fils disparu, et sa fille Maria, qui «appartient à tous les hommes du village»... Il va devoir composer avec tout ce petit monde qui voit en lui l'étranger. Et il devra également composer avec une réalité de plus en plus opressante : il va devoir rester là, pris au piège, à son propre piège ? Le chef de gare, Cyrille, lui répète : « Vous êtes ici pour longtemps. Commencez à vous y habituer [...] Vous êtes l'unique artisan de votre malheur, si c'est bien vrai que vous n'aviez aucune intention de vous installer parmi nous.» (p.82-83)
Et si le chef de gare disait vrai ? Tout au long du roman, nous nous disons : « Mais pourquoi cet idiot s'est endormi aux toilettes ?», et nous suivons le pauvre homme dans cet enfer que devient sa vie.
Au fil de son séjour (si l'on peut appeler cela ainsi), Adrian perdra espoir car il compte sur sa belle-famille pour venir le sortir de ce trou dans lequel il s'est jeté. Mais cette aide ne vient pas, et il devra compter sur lui seul pour choisir sa destinée.
« Soudain, cette sorte de suspension du sens habituel des choses, cette mise entre parenthèses du récit quotidien qu’il appelait sa destinée était venue secouer tout son univers de vérités établies.»
Adrian se trouve tiraillé entre sa nature et ce qu'il devient en vivant dans ce village perdu : on remarque qu'au début, lorsqu'il se présente à une nouvelle personne, ou bien dans les discussions qu'il peut avoir avec les habitants du village, Adrian se présente toujours comme «Adrian Traum, ingénieur». Cette considération sociale disparaît au fil du texte, au fur et à mesure qu'il découvre sa vraie nature.
Sergio Kokis, en fin psychologue, nous parle donc de la nature humaine, des choix que nous faisons (ou ne faisons pas). Les réflexions sont très intéressantes, et le suspense soutenu, on pourrait presque se croire dans un roman policier, on attend le crime au tournant !
Alors, une fuite devenue voyage, ou un voyage devenue fuite ? Un voyage au plus profond de lui-même, pour une fuite vers une vie à laquelle il aspire.
Je suis ressortie de ce livre, que j'ai beaucoup aimé, avec de nombreuses questions comme celles-ci. Honnêtement, ce sont des questions que je préfère me poser maintenant, plutôt qu'abandonnée dans un village perdu du fin fond d'une steppe ! ;-)
Merci Aimzon pour cette découverte, et merci Monsieur Kokis, en espérant que votre voyage sur les chemins de Compostelle se passe bien...

En écrivant ceci, j'écoute cela : Air ~Talkie Walkie (EMI, 2004)


11 octobre 2006

Mes quatre disques de la semaine


Mythologies, Patricia Barber, Blue Note Records, 2006

Dans la section jazz cette semaine, nous avons Patricia Barber ! En fait, ça fait un bon mois et demi que j'ai acheté son album, et que je n'arrive pas à m'en défaire...
La chanteuse accumule les albums en or, entre Modern cool (en 1998), Verse (en 2002), et celui-ci, il est difficile de choisir. Je dois cependant dire que Mythologies réunit à la fois les beautés de Modern cool et celles de Verse.
Il s'agit donc d'un album vraiment magnifique. La voix de Patricia Barber, toujours aussi grave et profonde, est encore une fois parfois accompagnée d'un très beau choeur, en particulier sur cette avant-dernière piste, intitulée Phaeton, où nous avons droit à un petit Hip-Hop Groove, et cette dernière pièce, The Hours, magnifique, où les voix s'accordent si bien au rythme lancinant du piano.
À chaque fois que j'écoute Patricia Barber, j'ai le sentiment qu'il s'agit d'une musique qui me fait du bien, profondément.
Un extrait de l'album Modern Cool (merci à Alcib qui a parlé de Radio blog dans son dernier billet) :


5 : 55, Charlotte Gainsbourg, Because Music, 2006

La petite Charlotte nous fait un beau cadeau avec cet album. En connaissant un peu son parcours, son histoire, on ne peut qu'être touché par ce disque (si on aime un peu Charlotte Gainsbourg bien sûr !). Il m'a suffit d'entendre un court extrait à la radio pour me précipiter à la sortie du disque dans mon magasin préféré...

Cette chanson, c'était The song that we sing. Oui, parce que Charlotte Gainsbourg chante en anglais sur presque tout l'album, à l'inverse de Jane Birkin (quoique cette dernière vient aussi de produire un album en anglais, il me semble), qui elle, charme les foules avec son accent so sexy (L'un de mes meilleurs concerts a été celui de Jane Birkin à La Tulipe [Montréal], avec la tournée Arabesque, c'était si émouvant) !

Certains ont dit que l'album 5:55
était surtout un album d'Air, puisque le groupe s'est chargé de la composition de cet album. C'est vrai que l'on retrouve les trames sonores qui ont fait la popularité du groupe français, créateur de la bande orginale du film The Virgin Suicides de Sofia Coppola, mais surtout de l'excellent Moon Safari en 1998.
D'autres doutent aussi des capacités vocales de Charlotte Gainsbourg. Mais là, nous sommes loin du Lemon Incest avec son père, en 1984 ! Charlotte a fait des vocalises depuis, et nous offre des chansons qui portent son empreinte, marquée certes par un héritage certain, mais qu'elle s'approprie très bien. Il n'y a qu'à écouter la dixième chanson de l'album pour s'en convaincre. Cette chanson est ma préférée, très inspirée, intense, avec une dynamique qui change violemment au moment du refrain, et nous montre une Charlotte Gainsbourg qui sort ses griffes !
De cette chanson et de son travail, la charmante Charlotte dit d'ailleurs : «[...] Et Everything I cannot see, c'est la plus puissante et celle qui m'a demandé le plus d'efforts, presque physiques, mais qui était la plus gratifiante au final. C'est comme les scènes de violence où on se laisse aller: la musique, c'était plus fort que moi, il fallait que je plonge dedans»




Close to paradise, Patrick Watson, Secret City Records, 2006

Tous les médias parlent du secret le mieux gardé au Québec... C'est maintenant un secret dévoilé, pour le bonheur de nos petites oreilles.
Alors, allons-y pour les comparaisons ! Il faut bien commencer par comparer pour ensuite trouver l'unicité de la chose.
Pour la voix, j'ai immédiatemment eu une vision de Jeff Buckley. Patrick Watson monte pas mal haut dans les aigus, on a parfois l'impression d'entendre une voix d'ange venu du ciel (oh ! Rien de moins ...).
La musique, planante parfois (on sent l'influence de Pink Floyd), enjouée d'autres fois (une amie, en écoutant le refrain de la chanson The Storm m'a dit : «On dirait Les Triplettes de Belleville !»), avec des choeurs (toujours sur cette même chanson numéro 6, j'ai cru retrouver les choeurs de Léonard Cohen), des instruments venus d'ailleurs, nous entraîne dans des ambiances très particulières et intimes.
Les arrangements sont extraordinaires, au piano omniprésent viennent s'ajouter des clochettes, du lap steel, et des ensembles à cordes et à vent. L'album a été enregistré à Montréal, New-York et Helsinki, une diversité qui n'est sûrement pas pour rien dans la richesse de ce disque...
Réalisé à Montréal, New York et Helsinki avec entre autres Amon Tobin au mixage de quelques pièces, Close to Paradise s’écoute comme un voyage au centre d’une entité plus grande que la somme de ses parties: la créativité de Watson et ses compères.
J. Sébastien Chicoine

L'étreinte, Miossec, Play it again, 2006

Paru début septembre au Québec, le dernier album de Miossec est passé entre mes mains par hasard. Je connaissais Miossec à ses débuts, et je m'étais lassée de son style assez redondant, de sa voix éraillée, et de ses textes tournant pas mal autour de la bouteille...
Mais je dois dire que j'ai bien accroché sur celui-ci. Même si la mélancolie est encore très présente (il y a même une chanson intitulée ainsi), les couleurs bariolées de la pochette (pas
forcément jolie) nous amènent vers un peu plus d'optimisme...
«
Comme toujours, la voix est mal assurée, essoufflée, rauque ; plus hésitante que sur son dernier album, mais sans jamais être fausse comme elle l’était par moments sur Brûle [4e album]. Touchante de sensibilité, unique en son genre — une voix sublime d’ivrogne.»
Texte intégral ici

Une bio de Miossec ici




En ce moment, je lis (après avoir terminé La Gare, de Sergio Kokis, dont je vous parle dans mon prochain billet) : Longtemps, je me suis couché de bonne heure, de Jean-Pierre Gattégno, aux Éditions Actes Sud (2004)

03 octobre 2006

Dieu(x) et idoles

Dieu(x) et idoles, collectif, La boîte à bulles / Contre-jour, février 2006

Si Dieu n’existait pas, il faudrait l’inventer. Ou alors il faut lui substituer des idoles. C’est sur ce thème que les auteurs publiés à La Boîte à Bulles ont choisi de plancher pour ce premier collectif publié dans la collection Contre-Jour.


Parfois, on tombe sur des petits bijoux de lectures, ou sur des initiatives qui nous font chaud au coeur. En consultant les nouveautés en BD à ma bibliothèque, je tombe sur ce collectif, intitulé Dieu(x) et idoles. Tiens, ça a l'air intéressant !
Et en effet, je découvre des petites histoires, des tranches de vie autour de ce thème très vaste, qui a été interprété d'une manière bien personnelle par chacun des auteurs. Car c'est aussi ce qui m'a intéressée : découvrir tout un tas de jeunes auteurs de BD. Je me suis rendue compte
qu'il y avait énormément de très jeunes auteurs talentueux en France (on peut lire les biographies de chacun d'eux dans l'ouvrage).
Les histoires sont inégales, et les thèmes auraient pu parfois être plus fouillés. Mais, dans un collectif, il en faut pour tous les goûts...
Les outils de travail sont variés, on trouve des dessins à l'encre, à l'encre de Chine, des collages, du texte...
Le procédé m'a rappelé un peu certaines revues de littérature (comme
Biscuit Chinois par exemple...), dans lesquelles on trouve toute sorte de textes sur un thème précis.

L'ouvrage contient 26 histoires répartis sur plus de 200 pages.
Voici un commentaire trouvé sur le site
http://bd.krinein.com/Dieu-et-idoles-4271.html
et qui ressemble à ce que j'aurais pu dire sur ce livre :
« Chaque petite histoire est introduite par un curriculum vitae des auteurs. Ce collectif nous permet de découvrir ou de redécouvrir de nombreux talents. Il permet aussi de se plonger dans de multiples histoires bien distinctes les unes des autres ; graphiquement, spirituellement et dans leurs tonalités. Diversité, encore et toujours. Du trait le plus réaliste à celui le plus caricatural, des planches les plus épurées à celles les plus chargées en détails, Dieu(x) et idoles est un enchaînement de styles. Benjamin Bouchet nous rappelle Baudoin, Pipocolor et ses « planches-labyrinthes » renvoient à Chris Ware, Jonvon Nias rend hommage à Sfar, Aurélien Bédéneau, ses squelettes et son gris ultra précis, nous remet en tête le monsieur Mardi-Gras Descendres de Liberge. Bref, inutile d'aller plus loin dans l'énumération, vous l'aurez compris, un grand nombre d'écoles graphiques sont représentées. On retrouve ce même fourmillement dans la teneur des histoires contées. Les scénarios sont soit comiques, surréalistes ou philosophiques (parfois même, les trois à la fois).
Si un bon nombre d'histoires n'ont pas d'autres effets que celui de vous décoincer les zygomatiques (Dieu en représentant commercial, des bestioles préhistoriques se battant contre un mur, Elvis revenant à la vie...), certains scénarios soulèvent des questionnements. Dieu, l'idée de Dieu, n'est-ce pas là l'un des thèmes ayant fait couler le plus d'encre ? Doit-on le reconnaître ou l'ignorer ? Le percevoir comme un père bienveillant ou comme une puissance dominatrice ? La religion est elle une source de frustration ou une ligne de conduite indispensable pour l'homme ? Dieu vit-il au dessus de nous ? Parmi nous ? Est-il matériel ? Immatériel ? La religion est elle un humanisme ou juste un refus de la mort ? Non, vous ne trouverez certainement pas les réponses à ces questions dans Dieu(x) et idoles, mais l'album aura peut être le mérite de vous réveiller à propos de sujets sur lesquels vous vous êtes endormis par conviction. Dans cet esprit, on retiendra les histoires T'en penses quoi ?, Un p'tit coin de paradis et L'art du bla-blar, qui reposent essentiellement sur le dialogue et le questionnement.
Dieu(x) et idoles est un album qui puise sa richesse dans sa diversité. Diversité de formes, de tons, de réflexions, de contenus. C'est un album capable de faire rire mais aussi réfléchir. A découvrir sans
hésiter. »

Les plus calés d'entre vous (en bande dessinée) reconnaîtront dans cet extrait des noms d'auteurs probablement déjà installés dans le milieu de la bande dessinée.
(En ce qui me concerne, je n'en connaissais aucun...)
Mais cette diversité évoquée plus haut permet de se faire une idée de tous les styles de ces auteurs, et ce genre d'oeuvre collective incite à se pencher plus précisemment sur les auteurs qui nous attirent !

En savoir plus sur Dieu(x) et idoles :
ici ou , ou encore et
.
En ce moment, je lis : La gare, de Sergio Kokis, XYZ éditeur.
Je vous en parle bientôt ! (ouais bon, je vous avais dit la même chose avec Amélie Nothomb, et puis finalement, rien... Mais en ce moment, les livres pleuvent et mon temps se rétrécit pour les savourer...)
Et j'ai aussi lu une autre bande dessinée : Le combat ordinaire, tome 3 (Ce qui est précieux), de Manu Larcenet, que j'ai adoré !