30 juin 2010

Eden à l'Ouest

Eden à l'Ouest, de Costa-Gavras, 2008

Elias (Riccardo Scamarcio), un bel adonis sans nationalité précise (les personnages entre eux - au début - se parlent dans une langue inventée, par souci de rendre l'exil de cet homme universel) veut se rendre à Paris. Il devra se défaire de son identité et traverser les épreuves inhérentes à l'exil illégal. Il se sortira de toutes celles-ci avec candeur par de petits miracles et de belles rencontres - et certaines plus moches - qui le mèneront dans la capitale française.

Un beau film, à l'image de son acteur principal, dont la beauté pure le sauvera d'ailleurs à maintes reprises.
Eden à l'Ouest aborde les mêmes thématiques que le film Welcome, l'immigration illégale, l'abus que subissent ces immigrants, la petite violence quotidienne de la part des autorités et de la société, mais en est tout de même le pendant léger et utopiste : la croyance en la bonté de l'homme et un regard plus naïf sur le monde («Les magiciens sauveront le monde»)...
Je n'ai pas pu m'empêcher de faire le rapprochement entre les deux films malgré leurs différences.
Un film qui vaut le détour, ne serait-ce que pour la beauté de l'image, de son acteur principal, pour l'humour distillé ça et là, les clins d'œil amusants tout au long du film, comme ces tournages que l'on peut observer dans le film, comme si les scènes du film étaient elles-mêmes des scènes pour un autre film... La fiction dans la fiction ?

Voici une critique très complète ici.

Anecdote trouvé sur le site Allociné :
Pour Eden à l'Ouest, Costa-Gavras fait référence à L'Odyssée d'Homère: "Mon personnage traverse, un peu comme Ulysse, la mer (la mienne, en l'occurrence la Méditerranée), puis les épreuves, les tempêtes. Il affronte les monstres modernes et bouscule les mythes de notre époque" raconte-t-il. Selon le cinéaste, ce film sur l'enracinement nous met face à nous-mêmes en nous confrontant à un monde différent.

28 juin 2010

Francos 2010

Faire une randonnée dans l'Acropole des Draveurs, dans Charlevoix, permet de réfléchir à la semaine qui vient de s'écouler, aux frissons causés par Jeanne Cherhal, à la surprise suscitée par Geeta à la tente slam, à la curiosité et à l'étonnement occasionnés par Plume Latraverse, au charme enchanteur de Jean-Louis Murat. Oui je parle bien des Francofolies de Montréal, dont la 22ème édition vient de se terminer.
Cette édition n'aura pas brillé par sa qualité sonore, les ajustements semblaient problématiques dans certaines salles (dehors également, d'après les quelques commentaires que j'ai entendus) particulièrement au Métropolis pour Plume Latraverse et à l'Astral pour Jean-Louis Murat, où il était impossible de comprendre un mot de leurs chansons. Dommage.
Mis à part cela, attardons-nous sur l'essence de ces concerts.

Plume Latraverse - 11 juin 2010 au Métropolis

Une première pour moi. Je connaissais El Niño, entendue à la radio, et Chambre à louer, entendue...euh...chez moi chantée par un ami, très bien chantée d'ailleurs.
Mais là, dans un Métropolis plein, que l'on avait transformé en cabaret pour l'occasion (drôle de choix qui m'a laissée perplexe), nous avons eu droit à plus de 1 h 30 de musique endiablée, medley de chansons de Plume enchaînées sans temps morts et méconnaissables, parfois (enfin, aux dires des connaisseurs, parce que moi, je n'y ai vu que du feu).
La foule était en délire, particulièrement sur Bobépine, mais la sécurité empêchait quiconque de s'approcher trop près de la scène pour danser ou hurler... Peur du débordement ? Paraîtrait que les fans de Plume peuvent être pas mal excités, mais de là à leur refuser ce plaisir, c'était un peu exagéré... Mais devant l'insistance des spectateurs, ils ont dû céder et c'est donc une foule bigarrée qui s'est levée, scandant les chansons pendant que Plume et son acolyte JC Marsan, sautillant pour deux (Plume étant plutôt immobile) s'en donnaient à cœur joie et à plein poumons sur la scène.
Pour moi, cela a été un bain de culture québécoise avec un artiste qui manquait à ma liste. Cela a été un voyage curieux et intéressant, accompagnée d'un autre novice en vacances au Québec. Nous faisions sûrement un peu tâche dans le décor mais c'était plaisant, plaisant de découvrir tout cela avec des yeux neufs.

L'article sur le concert de Plume Latraverse dans La Presse

Jean-Louis Murat - 12 juin à l'Astral

À la petite salle de l'Astral - que j'affectionne particulièrement - nous sommes allés voir Jean-Louis Murat.
Ah, Jean-Louis et sa voix grave, ses yeux bleus, sa timidité maladive qui se transforme parfois en arrogance voire en antipathie.
Nous étions prêts à tout, car il peut être tellement imprévisible, disant lui-même que «chaque concert est différent», sous-entendu, selon son humeur et son envie.
Sa dernière prestation à Montréal il y a dix ans faisait partie de ces spectacles à oublier, selon une de mes sources. Pas de communication avec le public, mélodies jouées sur le même ton, chant inhabité. Le chanteur semblait déprimé et pas vraiment heureux d'être sur scène.
Ces commentaires étaient quelque peu décourageants, mais heureusement, les critiques qui sont parues juste après son premier soir (de 3) m'ont rassurée.
Et les critiques étaient justes. Mis à part le son qui ne permettaient pas de comprendre les magnifiques textes du dernier disque de Murat, Le cours ordinaire des choses, le spectacle fut superbe. Ce disque a été enregistré dans un studio américain, à Nashville, et il sonne de façon claire, nette et précise. Grandiose. Murat en parle dans cet article.
Bref, ce son n'est pas ressorti sur scène (courez acheter le disque !) mais heureusement, Jean-Louis était bel et bien présent, lui. Ça lui a pris quelques chansons pour se mettre à l'aise, un peu comme quand on rencontre une nouvelle personne, le temps de faire connaissance, savoir d'où l'on vient, et puis quand on sent que ça se passe bien, on se laisse aller, on lâche du lest, notre langue se délie. Des deux côtés de la scène : le public d'un bord, qui lâche des «On t'aime Jean-Louis !», ou «Dix ans, c'est trop long !», et sur la scène, le chanteur commençant à nous raconter sa difficulté à aimer et être aimé. On avait presque envie d'aller le réconforter... ;-)

Le site Internet de Jean-Louis Murat

Jeanne Cherhal - 15 juin à l'Astral

(La photo n'est pas très actuelle puisque la miss a les cheveux longs maintenant)
C'est avec un grand plaisir que j'ai retrouvé Jeanne Cherhal, vue il y a trois ans au Théâtre Maisonneuve, dans un programme triple France-Québec-Belgique, avec Pierre Lapointe et Saule. Cette année, c'est à l'Astral que Jeanne Cherhal s'est produite, salle beaucoup plus modeste mais qu'elle avait pour elle presque toute seule. En effet, Laurence Hélie assurait la première partie. La native de la Beauce (celle du Québec) a présenté quelques chansons agréables, dans un style folk-country. Elle ne m'a pas jetée à terre, mais était tout à fait à l'aise dans son registre et a comblé les spectateurs.
Jeanne Cherhal a ensuite débuté un spectacle absolument enivrant, elle était débordante d'énergie, sexy et féminine, et assumait complètement tout cela. Son groupe, la secte humaine, est composé de quatre musiciens. Pour son album Charade, le dernier en date, Jeanne Cherhal avait tout fait toute seule : batterie, guitares, basse, piano... Mais sur scène, elle a su s'entourer et bien s'entourer : les quatre gars jouent le jeu et se laissent mener par le bout du nez par la chanteuse, tout en offrant ne prestation musclée et complice.
Jeanne Cherhal nous a offert l'intégralité de son dernier album, agrémenté de charades, dont une a même été adaptée à la sauce québécoise, chansons qui nous parlent de la quête de l'âme sœur, de l'homme idéal, mais existe-t-il ?, d'amours déçus et des difficultés à se laisser aller avec l'autre. Elle nous a également offert quelques chansons des albums précédents, L'eau et 12 fois par an (Je suis liquide et 12 fois par an). Ainsi qu'une version d'une chanson de Lhasa, qu'elle tenait absolument à interpréter et qu'elle avait répété seulement l'après-midi même. On repassera pour l'accent espagnol, mais l'effort était là et j'étais émue et touchée qu'elle pense à ça.
L'ensemble était maîtrisé, amusé, léger et grave à la fois, plein d'humour et d'audace. Le public était ravi et, je pense, sous le charme.
La prochaine fois, une plus grande salle et plus de monde !

Les albums de Jeanne Cherhal :
Jeanne Cherhal (live) (2002)
12 fois par an (2004)
L'eau (2006)
Charade (2010)

Quelques belles photos de Jeanne Cherhal en concert, sur le site de Pierre-Jean Grouille
Le site Internet de Jeanne Cherhal

Des filles qui ont de la gueule - 15 juin à la tente Slam

C'est toujours au moment où on s'y attend le moins que les plus belles surprises nous arrivent. Poireautant pour entrer à l'Astral pour le concert de Jeanne Cherhal, je décide d'aller faire un tour à la tente slam, située en face à l'emplacement de feu notre Spectrum. Quelle belle idée que cette tente, où la sonorisation était très bonne, et le confort presque meilleur que dans toutes les autres salles. Sous cette tente au coin de De Bleury et Ste-Catherine se sont déroulées des concerts slam pas comme les autres. Ce soir là, c'était Des filles qui ont de la gueule accompagnées par le groupe Music For Money. J'avoue avoir été attirée par Music For Money plus que par le slam, qui n'est pas toujours ma tasse de thé. Et c'est tant mieux car cela m'a permis d'être totalement surprise par cette énergie que j'ai ressentie en l'espace de quelques minutes. La seule artiste slammeuse que j'ai pu voir a été Geeta, qui m'a véritablement impressionnée et happée dans la montée en puissance de son texte. La musique, improvisée au fur et à mesure, collait parfaitement au style et j'ai trouvé cela extraordinaire. Une expérience à renouveler et que j'espère revoir l'année prochaine, cette fois en entier.

Un lien sur cette soirée en images

En écrivant ceci, j'écoute le dernier album de Plants and Animals, La La Land (Secret City Records, 2010)

16 juin 2010

Francofolies

Je ne vous oublie pas et vous reviens dans un peu plus d'une semaine avec quelques chroniques sur mes Francofolies 2010.
J'ai vu hier le spectacle de Jeanne Cherhal qui m'a boostée pour la semaine, pour que je reprenne l'écriture ici.
Alors à très bientôt !

(photo : Catherine Lefebvre, pour Rue Frontenac)


En attendant :
Jeanne Cherhal
dans La Presse
Jeanne Cherhal sur Rue Frontenac

09 juin 2010

Women Without Men

Women Without Men, Shirin Neshat, 2009

J'avais vu une expo de Shirin Neshat il y a 9 ans au Musée d'art contemporain de Montréal.
C'est donc avec beaucoup d'intérêt que je me suis rendue au visionnement gratuit offert par la fondation DHC/Art à la salle Maxwell Cummings du Musée des beaux-arts de Montréal le 1er juin dernier.
Accompagnée d'une amie artiste, je lui ai demandé de nous faire un compte rendu de ce film.


Shirin Neshat / Women Without Men / La puissance des images
Caroline Pierret

Une femme seule sur un toit, ses cheveux longs dans le vent, on entend la prière dans la ville. L’image est épurée, les lignes sont simples, les couleurs, neutres. On sent une tension, le personnage de dos contemple le vide. Tout est dit dans ce premier plan.

Voilà l’univers de Shirin Neshat qui nous décrit, dans un savant mélange de sensualité et de réalisme brutal, les destins croisés de quatre femmes en 1953, sur fond de coup d’État. On est en Iran. Le film est basé sur des faits politiques et historiques, mais se penche davantage sur la question humaine, identitaire et plus précisément celle des femmes.

Ce film poétique fait directement appel à nos émotions, la poésie de Shirin Neshat frappe fort, elle montre la violence comme seules les femmes peuvent la montrer, sans voyeurisme, sans esthétisme gratuit. Elle suggère plutôt qu’elle montre, qu’il s’agisse du viol, du suicide, ou de la violence physique, on imagine, on s’identifie, cela fait mal. En opposition, elle propose la beauté, souvent métaphorique en créant des espaces paradisiaques, des forêts luxuriantes avec des lumières flamboyantes où l’être va pouvoir retrouver sa liberté en toute plénitude, sans regard pour le tuer ou le soumettre à l’esclavage. Ce temps de pause aura une fin et les personnages devront retrouver leurs destinés. Par cet antagonisme criant, elle signifie que de tels lieux sont possibles mais que de terribles mentalités s’y opposent.

On avait vu la rétrospective de Shirin Neshat au Musée d’art contemporain de Montréal avec ses installations, ses photos. On était déjà imprégné de ses images, de son esthétisme avec ces longs voiles noirs que portent les femmes contrastant avec les chemises blanches des hommes aux torses dégagés. Ces images symboles, toujours aussi frappantes sur la condition des femmes en Iran et dans le monde. Une fois vues, elles restent gravées tant elles sont personnelles et identifiables.

Women Without Men est une belle surprise. Elle a su parfaitement installer ses codes visuels dans un carcan cinématographique classique de 1 h 30. Ce mélange de codes avec ceux du cinéma est si puissant qu’il touche un terrain encore vierge et nous ouvre le regard. On voyage dans les plans toujours très construits, hyper léchés, telle une photographie exposée dans un musée dans laquelle on pourrait entrer, se laisser emporter et voyager. On est dans l’image, la caméra devient notre regard, qui témoigne d’un univers onirique et somptueux avec ses parts de contrastes, de douceur et de violence. C’est dans la surprise que l’on découvre, que l’on apprend. C’est dans l’émotion que l’on intègre. Elle a encore une fois touché cet endroit si précis du cœur qui éveille la conscience. Elle y arrive parfaitement. Cela fait du bien de voir une artiste partager son discours de façon si singulière.

Petite note en passant… Merci à la Fondation DHC de nous offrir la possibilité de voir gratuitement des œuvres d’une intelligence et d’une nécessité absolues. Depuis 2007, année de création de la fondation, on peut constater la présence d’œuvres majoritairement réalisées par des femmes, Eija-Liisa Ahtila, Michal Rovner, Sophie Calle, et la prochaine et non des moindres, Jenny Holzer, à partir du 30 juin. On oublie trop souvent que les femmes sont encore et toujours sous-représentées dans le monde des arts et de la diffusion, malgré de nombreux articles et pétitions maintes fois écrits à ce sujet. Chez DHC, cette programmation semble naturelle et les œuvres sont toujours accompagnées de services éducatifs qui permettent à tout un chacun d’accéder au sens profond des œuvres. Merci DHC d’offrir l’art à tous, ce qui devrait être son but ultime : le partage dans la diversité et pour tous les budgets…