28 janvier 2007

Extrêmement fort et incroyablement près


Extrêmement fort et incroyablement près, de Jonathan Safran Foer, Éditions de l'Olivier, 2006, 425 pages.

Né en 1977 à Washington, D.C., Jonathan Safran Foer fait des études de lettres à Princeton. En 1999, il part en Ukraine pour y retracer la vie de son grand-père. De ce voyage résulte son premier roman, Tout est illuminé (Editions de l'Olivier, 2003), qui devient un événement littéraire international. Couronné de nombreux prix et encensé par la critique, Tout est illuminé est adapté au cinéma par Liev Schreiber avec Elijah Wood dans le rôle principal. Foer est aussi l'auteur de textes parus dans The Paris Review, The New Yorker ou The New York Times. Il vit à Brooklyn avec sa femme et leur fils.

Isabelle Rabineau, sur son site, parle de Jonathan Safran Foer ainsi : « Je pense très sérieusement que Jonathan Safran Foer est un oiseau. Doué d'un talent d'écriture désarmant, comme tous les oiseaux, nyctalopes et autres migrateurs, dont les ailes dessinent l'espace, incarnent le temps, repèrent des odeurs, des tropismes, des automatismes et des séries. Pour ces oiseaux-là, l'espace est une ellipse : diagonales, coupes, survols et suspensions. Une page bleue en quelque sorte.»

« - Oui, c'est pour ça que j'ai inventé un appareil qui détecterait les oiseaux quand ils sont incroyablement près d'un immeuble et déclencherait à partir d'un autre gratte-ciel un cri extrêmement fort vers lequel ils seraient attirés. Ce serait comme s'ils rebondissaient de l'un à l'autre.» (p.323)

Des inventions comme celle-ci, Oskar, 9 ans, en élabore beaucoup. Par ce moyen , il tente de pallier au vide laissé par la mort de son père lors des attentats du 11 septembre 2001 à New York. Une mort incompréhensible pour Oskar, qui tente alors de découvrir la vérité après avoir trouvé une mystérieuse clé dans les affaires de son père. Une quête qui va le mener aux quatre coins de New York à la recherche de son père, de sa famille, de son histoire. Parallèlement à cette quête, nous suivons le récit des grands-parents d'Oskar, qui relatent leur rencontre, leur tentative de fonder une famille malgré ce qu'ils ont vécu lors de la Seconde Guerre Mondiale à Dresde à travers des lettres envoyées à leur fils (le père d'Oskar).
On comprend peu à peu la fuite du grand-père d'Oskar, obsédé par un passé horrible. Un homme incapable de transmettre la vie après avoir côtoyer la mort. Sa femme, elle, se réfugie au contraire dans la maternité pour oublier, un peu.

L'auteur mêle à son texte des photos en rapport avec l'histoire (beaucoup de serrures et de clés !), et se permet quelques effets de style pour rendre son propos encore plus émouvant. Comme cette lettre écrite par le grand-père le 12 avril 1978 («Pourquoi je ne suis pas là où tu es») racontant le bombardement de Dresde dans toute son horreur.
Les fautes de frappe, d'orthographe et de grammaire sont cerclés de rouge, donnant l'effet d'une copie corrigée, alors que la description de ces instants d'horreur, de ces moments qui ont traumatisé à jamais l'auteur de la lettre (et bien d'autres personnes) sont si bouleversants. Par le désespoir décrit dans les yeux des animaux du zoo qu'il faut abattre, c'est toute la folie de l'humanité qui transparaît.
Ces mots, cerclés de rouge, comme des larmes de sang versées à la lecture de ce texte...

Il s'agit du texte le plus émouvant que j'ai lu sur les attentats du 11 septembre et sur l'ampleur d'un tel acte dans la mémoire collective de toute une population.
Ce livre foisonne de trouvailles réjouissantes, d'informations historiques (sur la Seconde Guerre Mondiale, sur New York) captivantes, de personnages loufoques (la dame de l'Empire State Building) charmants, ou bouleversants (à commencer par Oskar). On se laisse entraîner dans cette quête de serrure mystérieuse. La clé trouvée par Oskar n'ouvrira peut-être pas ce qu'il espère au départ, mais elle lui permettra d'ouvrir les nombreux recoins de son coeur qui lui restaient infranchissables, et de réaliser un deuil véritable.
Une belle leçon de vie et d'amour.
Si Jonathan Safran Foer et Nicole Krauss n'étaient pas déjà mari et femme à la ville, il me serait venu à l'idée de les présenter tant ils me semblent vibrer des mêmes sensibilités.

Je vous parle très bientôt de L'histoire de l'amour, de Nicole Krauss...

Ajout : voici un article très intéressant sur Jonathan Safran Foer et Nicole Krauss, paru dans le journal Voir du jeudi 8 février 2007.

4 commentaires:

Bavardage sens dessus dessous sur la culture et la communication, la communication de la culture et la culture de la communication a dit...

J'achète !
(c'est bien les vacances !!!)
(bonne année !)

Anonyme a dit...

Ah oui ! L'article du Voir m'avait vraiment donné le goût de les lire ces deux là. Et là encore plus, il a l'air tellement inspirant que j'aurais envie de les inviter à souper, lui et Nicole. J'sais pas si ce sera possible...

Sylvie Fusade a dit...

J'ai encore un peu pleuré. J'aurais voulu lui parler de tous les mensonges que j'avais dû lui conter. Et puis j'aurais voulu qu'après elle me dise que ça ne faisait rien, parce-que des fois il faut faire quelque chose de mal pour faire quelque chose de bien..." ce passge final du livre m'a renversée et c'est en pleurant que j'ai pensé à ces milliers de contradictions que dans lesquelles je me débats si souvent. : être une étoile parmi les étoiles au firmament des doutes et des certitudes. C'est magnifique.
Bye Laeti !

Sylvie Fusade a dit...

J'ai encore un peu pleuré. J'aurais voulu lui parler de tous les mensonges que j'avais dû lui conter. Et puis j'aurais voulu qu'après elle me dise que ça ne faisait rien, parce-que des fois il faut faire quelque chose de mal pour faire quelque chose de bien..." ce passage final du livre m'a renversée et c'est en pleurant que j'ai pensé à ces milliers de contradictions que dans lesquelles je me débats si souvent. : être une étoile parmi les étoiles au firmament des doutes et des certitudes. Ce petit garçon, c'est moi, c'est toi, c'est nous tous lorsque nous sommes connectés à nos sentiments.C'est magnifique.
Bye Laeti !