24 janvier 2006

Marie-Hélène au mois de mars - Maxime-Olivier Moutier


Éditions Triptyque, 1998, 162 pages.
Lu les 22, 23 et 24 janvier 2006.

Extraits :
«C'est parfois difficile à imaginer, mais les fous aussi ont des familles, des enfants, des parents, quelqu'un qui les attend dehors, des gens qui parlent d'eux, s'inquiètent de leur état, s'informent. Mais pas tout le temps. Il y a des fous, aussi, qui meurent sans personne autour. Et personne ne sera là pour envoyer les fleurs. Personne pour aller tondre le gazon autour de la dalle de pierre.» (p. 44)

«J'ai peur moi aussi. Presque autant qu'elle. Conrad dit qu'on restera fragile toute notre vie. Comme si la première couche, la plus épaisse, avait été retirée puis jetée à l'incinérateur. Une pelure qui ne se régénère ni à force de compliments, ni à coups de travailleurs sociaux.» (p. 56)
«On finira bien par me jeter dehors. Que cela me plaise ou non, il me faudra sortir. Les docteurs m'observent sans répit; méticuleusement, ils m'évaluent. Impossible de feindre. Ils sont là, derrière les vitres. Ils écrivent, compilent, prescrivent. Les diagnostics s'opposent. Ils discutent parfois dans la controverse, modifient, ajustent, mais s'obstinent à prescrire. Et moi je marche. Ma chambre, le 3074; le corridor au bout duquel se trouve une trifurcation, deux autres couloirs. Une prison en forme de "Y". Je marche en comptant les lignes du carrelage. je marche, en prenant bien soin de ne pas en oublier.» (p. 113)
Lu en quelques heures, ce récit d'une rupture amoureuse douloureuse nous plonge dans les couloirs d'un hôpital psychiatrique où l'auteur a demandé à être pris en charge, suite à une tentative de suicide.
Au-delà du pourquoi et du comment de sa déchéance, nous côtoyons les autres «fous» et leurs histoires, leurs parcours, leurs raisons d'en être arrivés là.
Comme Conrad, qui, lui aussi, «a essayé de se suicider» et qui ne «veut pas vivre, malgré la voiture, les enfants, le chien, sa femme, le travail et les semaines de congés payés».
Ou cette dame, qui a tout perdu, et qui, maintenant, «se contente du lithium» et qui «a peur de tout. Peur d'être seule, peur de son mari (...), peur que les voix lui commandent de se tuer, peur de ne plus savoir comment les chasser. Il n'y a qu'ici qu'elle arrive à vivre normalement».
Mais on reconstitue aussi au fur et à mesure l'histoire de Maxime, sa rencontre et sa relation avec Marie-Hélène, entrecoupée par ses états d'âme, son apprentissage du monde psychiatrique, la fragilité dans laquelle il se trouve, tout ceci écrit entièrement au présent, rendant le récit plus vivant et douloureux encore.
Jusqu'à la page 118... Ce passage constitue une sorte de rupture dans l'histoire, Maxime revenant sur le passé de sa famille et établissant un parallèle avec ce qui lui arrive. Mais je n'en dirais pas plus...
Ses réflexions sont très justes et touchantes, pour un thème difficile. Elles forment l'essence de ce livre, et nous permettent de réaliser comment chacun d'entre nous peut se trouver à un moment donné ou à un autre au bord du gouffre, proche de la folie, suite à un événement pouvant paraître anodin à certains.
Maxime-Olivier Moutier avait 23 ans quand cette histoire lui est arrivée... Il en a aujourd'hui 34, et sort un nouveau livre dans les jours à venir...
En ce moment j'écoute : Thomas Fersen - Le pavillon des fous (2005)

1 commentaire:

Anonyme a dit...

Je suis tout juste sur le point de commencer ce livre. Merci pour cette critique!:)

Content d'avoir découvert ton espace. Je vais revenir!