30 novembre 2010

Le cœur régulier

Le cœur régulier, Olivier Adam, Éditions de l'Olivier, 2010

Chaque nouveau livre d'Olivier Adam est une révélation pour moi. Cet auteur est l'un des rares qui m'émeut autant. Depuis que j'ai lu Falaises, d'une traite, chacun de ses livres me fait pleurer.
Qu'a vécu cet homme pour relater de manière aussi sensible des vies d'hommes et de femmes brisés, des personnages souvent à un tournant dramatique et capital de leur existence ?
Comment ce jeune auteur (né en 1974) extrasensible peut-il se glisser si parfaitement dans la peau de ses personnages ?

Chaque histoire qu'Olivier Adam nous raconte comporte donc son point de départ dramatique : la perte d'un conjoint (Des vents contraires), le sort des immigrés illégaux (À l'abri de rien), la survie et le deuil (Falaises), le deuil encore (Le cœur régulier).
Mais les êtres qui doivent composer avec ces drames, ces survivants en quelque sorte, ressortent toujours grandis et enrichis de leur expérience. L'aventure humaine n'est jamais toute noire ou toute blanche, Olivier Adam s'attarde toujours dans les zones grises, dans les méandres et les fissures qui apparaissent face à un grand vent, à l'image de ces falaises rugueuses qu'il aime tant décrire, imparfaites et sauvages, et près desquelles il vit maintenant, à St-Malo.

Dans Le cœur régulier, nous rencontrons Sarah, dévastée par la mort de son frère Nathan, qui n'allait pas bien et qu'elle se sent coupable de ne pas avoir aidé et de n'avoir pas su empêcher de partir.
Au bord du gouffre, découvrant que sa vie lisse auprès d'un mari tout aussi lisse et d'enfants qui ne la voient plus ne la rend plus heureuse, elle décide de partir elle aussi, au Japon, sur les traces de son frère disparu.
Sèche et morte, voilà ce que j'étais devenue (p.67)
Elle rencontre là-bas Natsume, chez qui son frère a séjourné. Cet homme, retraité de la police, a décidé de sauver les candidats au suicide voulant se jeter du haut des falaises (encore des falaises !) de ce village japonais. Nathan semblait avoir trouvé la paix auprès de cet homme.
Olivier Adam relate ce qui pousse Sarah à partir au Japon, la lente descente vers la folie et la dépression à l'annonce de la mort du frère adoré, les mensonges, la souffrance, l'incompréhension, jusqu'à la rencontre avec Louise, l'amoureuse de Nathan, qui donnera à Sarah la possibilité - et la raison - de partir au Japon, que Nathan appelait sa Terre promise.

À travers la description de ces deux êtres si différents des autres, presque asociaux, l'un se dirigeant tout droit vers un mur, l'autre se sauvant par les conventions sociales (mariage, enfants, métier stable mais qu'elle déteste), l'auteur nous parle des différentes sociales de plus en plus marquées entre les gens, du monde du travail de plus en plus inhumain, de l'ascension sociale à travers celui-ci, et du suicide, à travers son personnage de "sauveur", décrit par petites touches : «Personne n'a envie de mourir. tout le monde veut vivre. Seulement, à certaines périodes de votre vie, ça devient juste impossible.» (p.137)
Si j'ai appris quelque chose du monde de l'entreprise, et du travail en général, c'est qu'on y tolère mal les faibles, que toute faille doit être camouflée, toute fragilité niée, toute fatigue combattue et oubliée, qu'une part non négligeable de nous-mêmes doit être laissée au vestiaire, comme un costume qu'on ne renfilerait qu'une fois le soir venu (p.99)
Le retour sur la vie de Sarah et Nathan donne lieu à quelques réflexions touchantes sur la fraternité :
Je ne rentrais plus que le week-end. Pour ma sœur. Ce n'était encore qu'une enfant et j'avais l'impression de l'abandonner et de la perdre. Il me semblait que le mot sœur n'avait pas le même sens pour Nathan.(p.170)
et quelques réflexions mordantes sur le fait d'être une femme, particulièrement en France (Ah, mon cher pays ! Que je ne te regrette pas de ce point de vue là!), lors de ce "séminaire de motivation" avec les collègues de Sarah qui frisent la misogynie, ou au restaurant :
[...] J'ai commandé un whisky, le garçon m'a lancé un regard réprobateur, je me suis demandée ce qu'il pouvait en avoir à foutre, je me suis demandé s'il m'aurait lancé le même regard si j'avais été un homme. (p.119)
Avec Le cœur régulier, Olivier Adam nous livre encore un excellent roman qui se lit d'une traite, un roman reconnaissable entre tous. Oui, Olivier Adam écrit du Olivier Adam.
Le trait peut paraître un peu forcé concernant particulièrement le personnage de Nathan, écorché vif en rébellion contre tout et tout le monde, alcoolique de surcroît et écrivain raté...
Mais mise à part ces petites impressions de déjà vu, c'est une écriture toujours profondément touchante.
 Je sais ce dont j'ai besoin. Me délester, sentir. M'oublier, m'ouvrir. Recueillir. Laisser le soleil chauffer ma peau, l'air pénétrer mes poumons, l'eau me diluer. Sentir battre en moi un cœur régulier. (p. 187)

La critique de Télérama

En écrivant ceci, j'écoute Shannon Wright, Secret Blood (Vicious Circle/Munich, 2010)

Et puis, un petit lien pour que vous alliez signer la pétition pour protéger les droits d'auteur au Québec...

28 novembre 2010

Alexandre Désilets

Alexandre Désilets - 25 novembre 2010 - Cabaret Juste pour rire

Jeudi soir avait lieu la première montréalaise d'Alexandre Désilets, artiste que j'admire énormément depuis plusieurs années maintenant, et que j'ai eu l'occasion de voir en concert à plusieurs reprises.
Il y a un mois, le musicien nous a offert son dernier album, La garde, que je mets un peu de temps à apprivoiser tant il est différent de son premier, Escalader l'ivresse, qui pour moi frôle le chef-d'œuvre.
La garde, pour reprendre un commentaire entendu plusieurs fois, se situe quelque part entre le premier album, atmosphérique et alternatif à souhait, et un côté résolument plus pop et plus commercial, mais pas tout à fait, ce qui fait qu'il ne touche ni à l'un ni à l'autre, ne rejoint pas tout à fait les fans du premier album et n'atteint pas tout à fait les standards pop qui le feront tourner en radio par exemple.
Le spectacle a débuté avec, en première partie, David Martel, coup de cœur anglophone (malgré son nom francophone) d'Alexandre Désilets, qui m'a déstabilisée par sa ressemblance vocale avec Damien Rice (mêmes envolées lyriques, mêmes progressions dans les chansons, même genre de choriste féminine, et présence d'un violoncelle) et qui m'a bien plu pour cette même raison.
Puis le groupe d'Alexandre Désilets est arrivé, revu et augmenté pour l'occasion, avec la présence de Liu Kong Ha aux percussions (du groupe Random Recipe) et Marianne Houle au violoncelle (du groupe Monogrenade) qui ont accompagné sur plusieurs chansons les autres membres habituels du groupe, Steve Caron à la batterie, Jérôme Hébert  et Daniel Baillargeon aux guitares, et François Lessard à la basse, conférant au tout une bonne puissance musicale.
Alexandre Désilets a enchaîné les chansons de son dernier album et encore une fois, l'évidence m'a frappée : cet album contient moins de subtilités dans les rythmiques et il m'a semblé parfois entendre les mêmes morceaux. Certaines mélodies sont accrocheuses, plus accessibles que les chansons du premier album peut-être, mais je n'ai pas eu la sensation de frémissement que peuvent me procurer des chansons comme Mission Apollo ou J'échoue, que le groupe nous a d'ailleurs offertes en milieu de spectacle.
Nous avons aussi pu entendre deux chansons qui ne sont pas sur les deux albums d'Alexandre Désilets : Où vent nous mène (qui existe en single) et Cracher dans l'eau.
C'était donc très complet, même si j'aurais aimé plus de titres du premier album (désir bien illusoire puisque je suis consciente que c'était une rentrée pour le deuxième album!), enfin, vous l'aurez compris je crois...
Alexandre Désilets était visiblement ému (présence de la famille et des amis) et nous a offert une prestation généreuse, conclue par une performance acoustique au milieu du public, accompagné par Jérôme Hébert à la guitare sèche.
En bref, les articles qui ont été écrits dans les divers médias, et notamment l'article de Rue Frontenac, expriment plutôt bien les petites imperfections que j'ai pu ressentir (ordre des chansons entre autres). Je vous invite donc à les lire (liens ci-dessous). Ceci étant dit, tout le monde s'accorde à dire - et moi la première - qu'Alexandre Désilets est un must sur scène, en accord parfait avec ses musiciens, en constante exploration artistique comme le prouvent ses différentes productions, et qui recherche également des collaborations sérieuses et originales, notamment pour ce qui concerne l'éclairage (Mathieu Roy, qui a collaboré avec Karkwa entre autres). Il est reconnu aussi pour avoir beaucoup amélioré son jeu de scène, passant d'une attitude plutôt timorée à une gestuelle bien personnelle et une façon de bouger assez fascinante et belle à voir. D'ailleurs, il me semblait que la scène était trop petite pour lui jeudi soir !

Pour l'anecdote, ayant eu l'autorisation de prendre des photos ce soir là, j'étais toute énervée et j'ai vécu une expérience très enrichissante. Quelle chance d'avoir pu vivre cela pour un concert tel que celui-ci !Je vous offre donc avec cet article une photo originale.
Alexandre Désilets poursuivra sa tournée un peu partout au Québec en 2011. À ne pas louper.

Une autre critique du même concert, par Ma Mère, qui m'accompagnait (Non Maman, je ne suis pas folle ! :D)

23 novembre 2010

Sorcellerie et dépendances


Sorcellerie et Dépendances, Sandrine Revel, éditions Dupuis, 2010
Résumé de l'éditeur : « San Francisco, de nos jours.
Accro à la sorcellerie, Eva essaie de rompre avec cette dépendance en fréquentant les sorciers anonymes. Mais c'est plus facile à dire qu'à faire : la sorcellerie améliore tellement la vie de celles qui s'y adonnent qu'il n'est pas évident d'y renoncer ! De bonnes résolutions en rechutes, elle finit par signer un pacte avec Satan... mauvaise idée.»

Chers lectrices, chers lecteurs,
c'est avec une joie non dissimulée que je vais aujourd'hui vous parler de Sorcellerie et Dépendances, une bande dessinée à ne pas balancer au bûcher !

Alors pour tout vous dire, et parce que je me dois d'être honnête avec vous, j'hésitais entre ça et faire une petite rétrospective sur Lady Snowblood de Kazuo Koike et Kazuo Kamimura. Finalement je me suis dit que la gymnastique suédoise et les perversions japonaises pouvaient bien attendre un peu d'autant que les trois volumes sont déjà parus depuis deux bonnes années.

Donc je vous préviens, il ne sera pas question ici et maintenant de l'histoire d'une mère violée que sa fille, née en prison, va venger. Non, moi je préfère vous parler des petits atermoiements de la bobogeoisie californienne narrée par notre très française - du moins de ce que je sais... - Sandrine Revel et... Ah pardon, mais on m’interrompt pour me dire que l'auteure est bordelaise ! Ah tiens, c'est pas loin de chez moi ça, Bordeaux. Oui... Oui... d'accord... Oui, attendez je leur dis : alors je dois aussi vous communiquer l'adresse de son blogue. Bon, voilà qui est fait... Ah ! non, mademoiselle ! Non, ça suffit maintenant, je sais que je devrais la connaître mais bon vous savez, moi je ne connais pas tout le monde à Bordeaux et je fréquente peu cette ville surtout depuis que le maire a décidé de se tirer un boulet dans le pied en torpillant ses promesses. Alors bon, maintenant hop ! Un coup de baguette et je repars à écrire ma critique comme par enchantement.

Ainsi, je vous disais que moi, j'ai bien aimé la bédé de Sandrine, parce que l'histoire est rigolote : dans un monde où la sorcellerie est reconnue, utilisée et même soignée comme une addiction, une femme pas bien dans son couple, pas bien dans sa peau décide de faire un pacte avec le diable pour rajeunir, reconquérir son mari et retrouver une digne position dans la société... Bien entendu on pourra y voir nombre de parallèles avec nos modes de vie.

Le trait et le choix des couleurs sont sympas, très américains. Ça tombe plutôt bien, je ne suis pas difficile : j'aime bien la bédé alternative américaine (Ghost World, Black Hole, Ice Haven, Blankets... ) dont je reparlerai à l'occasion. Et puis mince alors, c'est quand même plus sympa de relater les petites cachotteries d'une femme mûre dans une société où tout doit être parfait que de découper des vilains môssieurs à grand coups de katana, quand même !

Je sais, je sais, chacun ses goûts. Il paraît que Quentin Tarantino préfère les katanateries féminines, lui. Moi, personnellement, je me sens mieux à braver les interdits en Californie qu'à voir des femmes se faire découper leur... Enfin, bref j'avais dit que je ne parlerai pas de Lady Snowblood. Donc je ne dirai rien de plus... Allez, si quand même une impression très personnelle comme toujours, mais vite, hein, parce qu'on est ici pour présenter la bédé de Sandrine, je vous le rappelle !

Donc, je fais vite : Kazuo Koike, le scénariste, est une gros pervers et donc attendez-vous à un scénario toujours limite, prêt à dévoiler les charmes de l'héroïne et des autres personnages féminins au beau milieu de mâles apparentés à des taureaux, pas franchement fins, qui n'attendent pas pour remuer tout ce qui bouge. Bref, ce n'est certainement pas de la haute voltige. Et c'est là qu'intervient la finesse, la douceur et la volupté du dessin de Kazuo Kamimura en complète opposition : sous sa plume, Lady Snowblood se dote d'une âme, d'une sensibilité, d'un esprit. Et c'est ce qui fait qu'on a envie de suivre ses aventures jusqu'au bout des perversions du scénariste, juste pour ses beaux yeux et sa fluidité. C'est tout le paradoxe de cette oeuvre qui est donc à lire, mes cher-e-s ami-e-s.

Voilà, j'ai fini de vous parler de Lady Snowblood, et puis j'ai également fini de vous parler de Sorcellerie et Dépendances, oeuvre originale, contemporaine, intelligente qui plaira san doute à ceux qui aiment bien lire des bédés comme on regarde un film ou comme on lit un livre ; des bédés avec une âme, des bédés pour adultes donc...

Allez, sur ces bonnes paroles, je vais lire le dernier tome paru de Pluto de Naoki Urasawa...

Sorcellerie et Dépendances, un coup de botox magique, par Sandrine Revel.

Lady Snowblood, un grand n'importe quoi tout en finesse, par Kazuo Koike et Kazuo Kamimura (trois tomes, éditions Kana, 2007-2008 )

François Nicaise

[Note de Lætitia : en mettant le texte de François en ligne, j'écoute le dernier album de Kanye West, My Beautiful Dark Twisted Fantasy (Universal, 2010) sur le site Luisterpaal. Les critiques de cet album sont dithyrambiques et comme ce n'est pas du tout mon style habituel de musique, j'ai bien hâte de me faire ma propre opinion... fin de la note...]

18 novembre 2010

La nuit de l'illusionniste

La Nuit de l'illusionniste, Daniel Kehlman, traduit de l'allemand (Beerholms Vorstellung) par Juliette Aubert, Éditions Actes Sud, 2010 (l'édition originale date de 1997, mais l'auteur l'a entièrement remaniée en 2007)

Dans ce premier roman du jeune auteur prodige germano-autrichien Daniel Kehlman (né en 1975 et déjà 9 romans ou essais, dont 4 traduits en français), nous suivons le récit d'Arthur Beerholm, jeune homme qui va se consacrer à la magie.
D'enfant adopté à jeune orphelin s'apprêtant à devenir prêtre, le destin peu commun d'Arthur nous est raconté par lui-même, dans ce qui semble une confession rédigée dans l'urgence.
Nous apprendrons ainsi comment Arthur est devenu magicien, de ses débuts avec un jeu de cartes jusqu'à ses cours pris avec son maître Jan Van Rode, de son découragement jusqu'à la parfaite maîtrise et l'assurance totale.
Arthur est un tel maître de l'illusionnisme (ou devrais-je dire de l'illusion ?) que son récit lui-même semble être un vrai tour de prestidigitation, transgressant la barrière entre la fiction et la réalité à plusieurs reprises.
«La certitude n'existe pas. Jamais. Et encore moins pour les magiciens.»
Lui-même atteint un tel sommet dans son art qu'il en arrive à interagir sur la réalité, à moins que ce ne soit qu'un rêve, ou la folie qui l'a atteint. Car comment rester sain quand on peut déformer la réalité de cette façon ? Quand on a une vision de la vie totalement métaphysique ? Comment ne pas être pris pour un fou quand on s'adresse à Vivianne, une fée créée par Merlin l'Enchanteur ? À moins que Vivianne n'existe réellement ? Toutes ces questions nous traversent l'esprit tout comme elles traversent l'esprit mathématique d'Arthur. Mathématiques auxquelles Arthur se réfère souvent, leur conférant un rôle de première importance, presque sacré...
«Crois moi : il y a peu de raisons plus valables de faire des cauchemars que de découvrir, caché au cœur des mathématiques, le germe de la folie. Ou celui de la révélation.»
Si j'avais été déçue par Les arpenteurs du monde, au sujet ambitieux et pourtant terriblement attirant pour moi, celui-ci m'a beaucoup plu. Sa brièveté et son sujet original n'y sont pas pour rien. Le style, on le sent, est très travaillé (pas étonnant quand on apprend que l'auteur a entièrement revu son livre 10 ans après l'avoir écrit), et cela me fait un choc de lire que je n'avais justement pas aimé le style des Arpenteurs du monde (en réalité, je ne me souvenais plus de ne pas l'avoir aimé!).
Cependant, la progression du récit d'Arthur dans la Nuit de l'illusionniste est assez chaotique, l'idéal est certainement de lire le livre d'une traite pour ne pas se perdre trop. Cela accentue encore une fois l'urgence de ce récit, le besoin de raconter ou d'expliquer quelque chose de difficile à saisir, comme une illusion finalement...


En écrivant sur ce livre, j'écoute Les Vulgaires Machins, Requiem pour les sourds (India Records, 2010)

15 novembre 2010

Comment ça marche ?

Le blogue existe depuis maintenant 4 ans et demi. Ça fait beaucoup de billets (234 exactement) ! Beaucoup de critiques et surtout, beaucoup de lectures...
J'ai essayé, au début et pendant les 4 premières années, de classer les billets par les noms d'auteurs des bouquins. Cela donnait une liste qui, bien sûr, ne cessait de s'allonger...
Il y a 6 mois, j'ai décidé de classer mes billets par genre et/ou par nationalité. J'aime cela car ça offre plus de hasard quand on clique sur un libellé, comme "auteur(e) américain(e)" par exemple. On découvre alors tous les billets se rapportant à des auteurs américains. Et on peut avoir alors de belles surprises. Si vous cherchez tous les articles écrits par François, vous n'avez qu'à cliquer sur le libellé "François". Il faudrait que je fasse la même chose pour moi d'ailleurs !
Vous pouvez trouver ces libellés à droite, dans la colonne "thématiques".
De plus le moteur de recherche situé tout en haut de la page permet aussi de faire des recherches plus précises.

Depuis l'arrivée de François sur ce blogue, beaucoup de nouvelles idées ont été mises en place progressivement, dont le groupe Lectures d'ici et d'ailleurs. Pour vous y inscrire, il suffit de vous enregistrer en haut à droite de cette page. Cela vous permettra de rester informés de toutes les nouvelles publications. Nous souhaitons mettre en place deux ou trois autres petites choses, et le groupe sera un bon moyen d'en être informés.

Voilà pour ce soir. Je vous souhaite comme d'habitude de belles lectures !

En écrivant ceci, j'écoute Jérémy Kisling, Le ours (Naïve Records, 2005)

Sophia libère Paris

Sophia Libère Paris, Capucine et Libon, Collection Shampooing ( éditions Delcourt ) 2010

Paris, 18 Novembre 1870. Des hordes de Prussiennes viennent à bout des derniers remparts de la ville ! Bientôt la capitale sera sous leur contrôle ! A la mairie de Paris, rien ne va plus ! Il est temps de faire appel à Sophia !
Sophiaaaa, la brun-euh, ton décolleté n'est pas de mouss-euh ! Et oui, Sophia la plantureuse, mélange de Sophia - justement - Lauren, Xéna la guerrière et plein d'autres encore, va déballer sa marchandise plus d'une fois pour éviter la catastrophe et Dieu sait qu'elle a de sacrés arguments !
Hum... Attendez voir un peu... De quoi est-il question au juste ? Décolleté ? Plantureuse ? "Déballer sa marchandise" ??!!
Ah ah... Vous allez voir... Si je vous dit que pour sauver Paris, il faudra empêcher les Prussiennes de racheter toutes les propriétés de la ville et donc faire appel à une notaire experte expatriée au beau milieu de l'Afrique (sans blagues...). Si je vous dit également qu'il sera question de règlements de comptes sentimentaux entre Sophia et toutes ses ex dans tous les endroits qu'elle traversera accompagnée de sa chère et (pas très) tendre Rima... Je vous vois venir, vous sentez l'embrouille à plein nez ! Et vous avez raison !
Parce que soyons honnête deux secondes : une nana plantureuse qui exhibe poitrine à chaque fois qu'elle se bat, c'est à dire toutes les quatre minutes à peu près ; qui se tape souvent les filles qu'elle croise, n'ayons pas peur des mots - non non non - dans un univers exclusivement féminin (oui, il n'y a pas d'homme de toute l'histoire), eh bien c'est complètement n'importe quoi !
Mais en même temps c'est particulièrement original, et réussi, qui plus est !
Euh.. Excuse-moi, mais t'es en train de dire que de voir une nana qui montre sa poitrine, qui se bat à moitié à poil avec d'autres filles et qui finit au lit avec quasiment tout le monde, ça te plaît et c'est original ?
Ah... Je ne vais pas dire le contraire, après tout je ne suis qu'un homme faible... Et la partie reptilienne s'agite avec émoi devant un tel spectacle... Sss...
Non, sérieusement, ce qui m'a plu c'est que cette histoire, c'est une histoire de gros mec viril bien planté, genre Arnold qui exhibe ses muscles ruisselant de sueur dès qu'il peut en beuglant : "mêmeuh pas mal", retournée pour être jouée entièrement par des filles, dans un univers de filles d'une façon très féminine. En gros c'est un peu comme un film porno tourné par une femme : ça reste du porno mais la "sensibilité" est différente. Là, ça reste du roman de cape et d'épée, complètement déjanté certes, mais avec une autre sensibilité.
On sent que les auteurs se sont vraiment éclatés.
L'histoire complètement dingue reste bien cadrée. La succession des événements est logique et les personnages principaux ont tous un truc bien à eux. L'univers est donc cohérent et on en est que plus surpris. On se laisse entraîner vers des destinations vraiment particulières sans se perdre et surtout avec le sourire.
C'est, d'ailleurs, le deuxième sentiment que j'éprouve à propos de cette bande dessinée - le premier étant la stupéfaction vous vous en doutiez... - : ça ne se prend pas au sérieux et donc je me suis bien amusé.

Alors je comptais partager quelques extraits choisis et puis finalement je me suis dit qu'il vaut mieux lire les dialogues croustillants accompagnés des dessins évocateurs. Pas de chocolat sans piment, je vous le dis !

Pour finir, je vous renvoie à l'excellente interview des auteurs sur le site des éditions Delcourt.

Allez, allez, vous verrez ! On s'amuse, on se défoule et on se demande bien s'il n'y avait que de la camomille dans le grog des auteurs... Hips !

Sophia Libère Paris, une véritable aventure bonnet "D", par Capucine et Libon

François Nicaise

Note musique de Lætitia : en mettant en ligne ce texte, j'écoute 3 gars su'l sofa, Cerf-Volant (Pixelia, 2009)

12 novembre 2010

Les justicières en sari rose

Je vous ai parlé du livre, Moi Sampat Pal, chef de gang en sari rose, il y a quelques temps déjà.
C'est maintenant le film qui sort sur nos écrans, dans le cadre de l'excellent festival RIDM.
À voir absolument, le dimanche 14 novembre à 14 h 30 au cinéma ONF ou le dimanche 21 novembre à 16 h à la Cinémathèque québécoise.(photo : Reuters)

Article dans La Presse

07 novembre 2010

Les années douces

Les Années Douces, tome 1, Jirô Taniguchi, Hiromi Kawakami, Casterman, Écritures 2010

Très cher lecteur, très chère lectrice, c'est toujours avec beaucoup d'impatience et un peu d'appréhension que je me décide à lire le dernier Taniguchi.
Cet auteur dont Lætitia parle depuis quelques temps déjà ( 2006... ouf ! ) est un spécialiste du style Taniguchi...
Ah ? Tiens ? T'es en train de nous dire que Jirô Taniguchi fait du Taniguchi ? Comme si par exemple Djian faisait du Djian ou Murakami du Murakami ?
Exactement ! Enfin c'est presque ça... Disons que pour les Murakami ça dépend un peu duquel on parle, bien entendu, mais sinon c'est ça.
Donc je vais essayer de vous expliquer l'indicible angoisse qui me remonte la moelle épinière chaque fois que je tiens entre les mains le dernier Taniguchi. C'est terrible, viscéral : j'ai peur de me retrouver avec un Taniguchi répondant à tous les critères du Taniguchi, c'est à dire un Taniguchi qui ne dévie pas d'un iota de la formule Taniguchi.
Ah ah ! On y vient... Je sens en vous monter la graine de la compréhension. Car si mon très cher Jirô est un auteur / dessinateur que je vénère, il a une furieuse tendance à s'enfermer dans son style, si je peux me permettre...
Alors là, c'est sûr, je ne peux pas aller plus loin sans décrire le fameux "style Taniguchi" !
Tout d'abord il y a le personnage chez Taniguchi qui est toujours un peu figé. Attention, je ne veux pas dire que les personnages n'éprouvent pas d'émotions, mais ils ont cette allure un peu robotisée, aseptisée, conventionnée qui fait que si on prend les Taniguchi, qu'on scanne les différents personnages et qu'on les passe à la loupe de ce cher détective d'un autre temps, les uns après les autres, on s'apercevra que l'amour, la haine, le désir, la tristesse sont abordés d'une façon quasi "hollywoodienne", c'est à dire de façon assez caricaturale et très conventionnelle.
Ensuite le trait des visages garde toujours un peu la même ligne. On se demande un peu si les personnages n'ont pas tous un lieu de parenté... Enfin, remarquez si ! Ils ont le même Dieu, le même père finalement. Ils sont tous les enfants de Jirô... Ah... Ce Jirô, alors...
Ensuite, Jirô est un sacré rêveur, un gentil naïf et un grand nostalgique ; un apôtre de l'automne, du temps qui passe et des choses qui arrivent à leur terme, car tout à une fin et tout finit par passer ou s'accomplir. Ça aussi, c'est du Taniguchi.
Bon, bon est-ce que c'est grave en fait ? Eh bien disons que non, ce n'est pas grave et en même temps c'est parfois très gênant.
Ce n'est pas grave parce que quand je lis un Taniguchi, souvent je suis pris dans l'ambiance, dans ce travail subtil sur les décors - l'élément que je préfère d'ailleurs - qui me transporte et me fait rêvasser tranquillement façon infusion verveine ou camomille d'un long après-midi d'automne quand les feuilles recouvrent tendrement la terre et que le vent porte l'écho du cri des oiseaux qui s'envolent vers des destinations plus clémentes. Quelle douceur...
Et puis vient le temps du souvenir. Qu'ai-je retenu du dernier Taniguchi ? De quoi était-il question ? Quelle était la trame principale... Aïe ! Mince ! Zut ! Voyons voir... Ah lalalala. Je suis coincé ! Eh oui c'est ça qui me pose problème : lu tranquillement, oublié rapidement.
Mais mince alors ! Et les personnages ? Euh... Ben je me souviens des personnages de celui-ci.... Ah non, ils étaient dans celui-là... Ah non, mince je sais plus trop en fait.
Et l'intrigue. Il y a tout de même une intrigue, bon sang ! Oui, oui il y en a une. Mais j'avoue que je serais bien en peine de devoir m'en souvenir...
Attend, tu es en train de dire que tu lis un Taniguchi et que tu l'oublies aussi vite ? En clair, tu n'aimes pas Taniguchi !!
Mais si, mais si, c'est ça le pire ! C'est que j'adore ce que pond mon petit Jirô. J'adore tout ce qu'il fait, mais las, le temps passe et les souvenirs s'étiolent. Alors tu imagines bien, Taniguchi et Kawakami, bonjour le contemplatif ! C'est la douceur au carré, l'apologie du dimanche éternel puissance dix !
Car, voyez-vous chers lecteurs, il se trouve qu'étant passionné de littérature japonaise, j'avais déjà lu le roman de Kawakami dont est tiré le dernier manga de mon ami Jirô. Et j'en avais conservé un souvenir plaisant, quoique pas indélébile.
Mais là mélangez le récit posé de Kawakami à la passion de jirô pour l'éternité et ça donne quelque chose à la limite de la consistance du sirop d'érable, si je puis dire... Et ce n'est que le premier tome. Ouille !
Bon, bon je lirai le deuxième tome et on verra bien. Mais j'en tremble encore...

Je profite de cette critique pour vous donner mon "Jirô Top Five", classement très très personnel des livres de mon ami.
C'est toujours un peu difficile de faire un classement, mais bon je sais que Jirô ne m'en voudra pas si je ne colle pas trop aux ventes.... Et puis il sait que je l'adore, alors...

1 - Le Gourmet Solitaire : si vous n'êtes jamais allé au Japon, c'est celui qui vous fera partir. Si vous y êtes déjà allé c'est celui qui vous donnera envie d'y retourner !
2 - Le Sommet des Dieux : une oeuvre monstrueuse sur la montagne et l'égo des hommes, ça se dévore !
3 - Seton : le western contemplatif, peut-être celui qui montre toute l'occidentalité de Taniguchi.
4 - K : autre récit montagnard qui renoue avec l'amour de J.T. pour la montagne
5 - L'Orme du Caucase : à lire désespérément
Allez, parce que je vous adore, j'en profite pour glisser un autre manga qui n'est pas de Jirô mais qui vaut son pesant de ramen : Le cheminot de Takumi Nagayasu et Jirô Asada (Panini Comics, 2001). Si vous aimez Jirô, vous adorerez celui-ci... Et si vous le lisez, surtout laissez vos com' pour me dire ce que vous en pensez !

Les Années douces, calme plat au pays du Soleil Levant par Jirô Taniguchi.

François Nicaise