29 mars 2008

À l'abri de rien

À l'abri de rien, Olivier Adam, Éditions de l'Olivier, 2007

Lu en deux jours, le dernier roman d'Olivier Adam nous transporte dans une petite ville du Nord de la France, face à l'Angleterre, une région qui nous apparaît glaciale et pluvieuse, tant les descriptions de l'auteur nous transpercent la peau.
Dans cette région déjà ravagée par le chômage et la misère, de nombreux réfugiés, qui n'ont nulle part où aller, se terrent dans des blockhaus sur la plage et espèrent des jours meilleurs, là-bas, en Angleterre. De petits groupes de personnes leur viennent en aide, c'est le cas d'Isabelle, et de Bernard aussi, qui en logeait chez lui et qui a été arrêté par les autorités. Il semblerait que venir en aide à son prochain soit mal vu par la justice. Surtout quand on sait que le seul centre (Sangatte), monté par la Croix-Rouge, qui venait en aide à ces réfugiés, a été fermé en 2002 par le ministre de l'intérieur de l'époque, Nicolas Sarkozy...

« Se lever se nourrir travailler manger voir des amis aller au cinéma regarder la télévision passer voir sa mère s’occuper des enfants faire ses comptes les magasins l’amour tout est profondément pareil »

C'est dans cet univers qu'évolue Marie, le personnage central du livre d'Olivier Adam. Marie est mariée avec Stéphane, qui est chauffeur d'autobus, et ils ont deux enfants, Lucas et Lise. Par désœuvrement, par peur, par ennui, par un besoin de reconnaissance, de servir à quelque chose, Marie commence à aider une équipe de bénévoles qui nourrit et habille comme elle peut des réfugiés, que tout le monde dans la région appelle "les Kosovars", mais la plupart sont Irakiens, Iraniens, Kurdes.
Marie se jette à corps perdu dans cette œuvre, elle donne son temps, son argent, et elle sacrifie sa famille, négligeant même ses enfants qui sont pourtant le fil qui la relie à la vie. Elle se consacre totalement à la survie de ces hommes, même si cette entreprise est vouée à l'échec. Elle se sent utile et en vie. Mais lorsque tout dérape, et que ce qui était devenu sa raison de vivre s'effondre, Marie risque d'y laisser sa peau.

Olivier Adam, l'un des auteurs les plus brillants de sa génération (Falaises m'avait bouleversée), possède un véritable style cinématographique, où les émotions, palpables au possible, nous entraînent très loin, nous envahissent pour ne plus nous lâcher qu'une fois le livre fermé.
C'est encore ce qu'il se passe avec À l'abri de rien, où Marie nous entraîne dans ce qui est d'abord un acte de charité, d'entraide. Elle est touchée par ces hommes perdus, et nous aussi. Puis son dévouement devient presque de la folie, et nous nous disons : «Non, ce n'est pas possible d'aller si loin», mais le style nous percute, nous secoue, et nous terrasse. Oui c'est possible de sombrer dans un tel désoeuvrement qu'il en devient de la folie, de la confusion, et qu'il empêche le discernement.
Nous sombrons en quelque sorte avec Marie, mais nous, nous avons le contrôle sur l'histoire, alors qu'elle se laisse anéantir par ce qu'elle vit.
Cette histoire rassemble deux solitudes, celles de ces réfugiés souvent incompris, rejetés, et maltraités, et celle d'une femme perdue, livrée à elle-même, dans une misère émotionnelle (Marie ne se remet pas de la mort de sa sœur et ne trouve pas sa place dans cette société qui ne lui correspond pas) difficile.
L'un de mes meilleurs livres de 2008.

Ajout, le 6 avril 2008 : J'ai vu hier soir un excellent film qui complète bien ce sujet : It's a Free World, le dernier film de Ken Loach.

Et en écrivant ceci, j'écoute : Radiohead, In Rainbows (2007-2008), à Montréal en août 2008...

2 commentaires:

Anonyme a dit...

Merci pour ce compte-rendu ! Bonne fin de semaine.

Anonyme a dit...

bonjour ,une détresse d'espérances mais résignée
j'ai lu ce livre qui ma laissé sur ma FIN