28 septembre 2010

D'autres vies que la mienne

D'autres vies que la mienne, Emmanuel Carrère, Éditions P.O.L., 2009

2009 : Prix Marie Claire du roman d’émotion (ça alors !)
2009 : Prix des lecteurs de l'Express
2009 : Prix Crésus
2010 : Globe de Cristal

Plusieurs articles décrivent Emmanuel Carrère comme quelqu'un de narcissique. Mais quel auteur ne l'est pas un peu au moins ? Avec D'autres vies que la mienne, l'auteur français a voulu justement se sortir de cette logique narcissique pour se mettre à la disposition des autres et raconter leurs vies.
Cet exercice, comme il le dit lui-même, lui a permis de se rapprocher des autres hommes au lieu de s'en distinguer, ce qui lui a donné encore plus de satisfaction. Ce qui lui a permis de se découvrir un peu lui-même. Ce qui lui a permis quelque part de se sentir heureux.
Il faut dire que les histoires qu'Emmanuel Carrère raconte dans son livre sont des histoires de lutte, de deuil, de maladie, de mort. A priori pas facile à lire, d'ailleurs j'ai beaucoup pleuré ou eu envie de pleurer.
Ces histoires lui ont en quelque sorte été commandées par leurs protagonistes. Ainsi Philippe, dans la première histoire :
« Toi qui es écrivain, tu vas écrire un livre sur tout ça ?
Sa question m'a pris au dépourvu, je n'y avais pas pensé. J'ai dit qu'à priori, non.
Tu devrais, a insisté Philippe. Si je savais écrire, moi, je le ferais.
Alors, fais-le. Tu es mieux placé pour le faire.
Philippe m'a regardé d'un air sceptique, mais moins d'un an après il l'a fait, et bien fait.»
Emmanuel Carrère l'a fait aussi, et bien fait également, compte tenu de son talent que je découvre avec ce livre.
Cette première histoire, c'est celle de Philippe, Jérôme et Delphine, rencontrés au Sri-Lanka, en 2004. L'année du tremblement de terre épouvantable qui a provoqué un immense tsunami qui a ravagé les côtes indonésiennes, du Sri-Lanka, du Sud de l'Inde, et de la Thaïlande.
L'auteur et sa compagne étaient en vacances à Medaketiya, le quartier des pêcheurs de Tangalle, dans le Sud du Sri-Lanka. Ils y ont rencontré Jérôme et sa femme Delphine, la trentaine, leur petite fille Juliette et le père de Delphine, Philippe. Ce dernier vivait quelques mois par an dans ce paradis sur terre. La vague du tsunami a emporté Juliette, 4 ans.
Que faire face à la mort de son enfant, de sa petite fille ?
Bien sûr, il n'y aucune solution miracle, juste survivre à une mort si violente et injuste est déjà en soi tout un travail. Exorciser cette injustice par l'écriture est un bout du chemin accompli dans le processus de deuil. Emmanuel Carrère nous relate donc ce processus, lui qui reste un peu en retrait lors de cet événement, qui observe plus qu'il n'agit (contrairement à sa conjointe qui elle, se jette dans l'action face à l'horreur), mais qui, à travers cet événement, va bâtir les fondations de son couple et de son amour.

Que faire face à la mort de sa compagne, de sa sœur ?
C'est le propos de la deuxième histoire qu'Emmanuel Carrère nous raconte. L'histoire de Juliette, une autre (quelle coïncidence !), sœur d'Hélène, la conjointe de l'auteur, qui était déjà présente lors de la terrible vague au Sri Lanka.
Juliette est juge. Elle a eu dans son adolescence un cancer du système lymphatique, qui a été traité par radiothérapie. Malheureusement, les rayons ont affaibli sa colonne vertébrale et elle est restée avec une presque paralysie d'une jambe et une grande faiblesse dans l'autre. Peu de temps après les événements vécus par l'auteur et sa compagne au Sri Lanka, Juliette fait une rechute de son cancer, qui sera cette fois fatale.
Autour de cette jeune femme lumineuse gravite son mari, Patrice, qui «sait où il est» et leurs trois petites filles, à qui Emmanuel Carrère dédie son livre :
«Moi qui suis loin d'eux, moi qui pour le moment et en sachant combien c'est fragile suis heureux, j'aimerais panser ce qui peut être pansé, tellement peu, et c'est pour cela que ce livre est pour Diane et ses sœurs.» (p.310)
Il y a aussi Étienne, le collègue juge de Juliette, homme plus âgé qui a eu lui aussi un cancer jeune qui lui a coûté une jambe. Emmanuel Carrère consacre la plus grande partie de son récit à la relation entre ces deux juges boiteux, qui ont été de «grands juges», s'adonnant à la défense des consommateurs endettés face aux grandes entreprises de crédit telles que Cofinoga ou Cofidis, (d'où le prix Crésus obtenu en 2009). L'auteur débroussaille pour nous le jargon judiciaire afin que nous comprenions le rôle de ces juges et que nous connaissions un peu mieux Juliette. Cette partie juridique est quelque peu déstabilisante au départ mais devient passionnante car faisant totalement partie des personnalités de Juliette et Étienne.

Un des livres les plus bouleversants et passionnants que j'ai pu lire ces derniers temps, parce qu'il apporte un regard profondément humain sur la maladie, la mort et la peur qu'on en a, il met des mots là où ça fait un peu mal, et il engage à une réflexion sur le rôle de l'écrivain, sur la réalité parfois plus grande et plus forte que la fiction et il nous présente aussi des personnages profondément attachants et aimables (au sens premier du terme), ce qui nous réconcilie beaucoup avec l'humanité toute entière.

Ce livre sera adapté au cinéma par Philippe Lioret (Welcome), avec Vincent Lindon. Sortie prévue quelque part en 2010.

À lire : Les larmes de Ceylan, de Philippe Gilbert, le grand-père de la petite Juliette qui a finalement écrit son livre lui aussi.

Une entrevue avec Emmanuel Carrère dans Les Inrocks

En écoutant ceci, j'écoute Under Byen, Samme Stof Som Stof (Morningside, 2006)

25 septembre 2010

La trilogie berlinoise

La trilogie berlinoise - L'été de cristal, de Philip Kerr, éditions Le Livre de Poche, 2008 (1989 pour l'édition originale )

Cette nouvelle édition révisée, au Livre de Poche (Collection Policier), réunit les trois volets écrits par l'Écossais Philip Kerr entre 1989 et 1991 : L'été de cristal, La Pâle Figure et Un requiem allemand.
Ces romans policiers, fort populaires, mettent en scène Bernhard Gunther, détective privé berlinois au caractère bien trempé, insolent, cynique et séducteur.
Un vrai détective comme on les aime ! Mais celui-ci, en plus, vit à Berlin, et adore sa ville. De plus, il y vit à une période riche de l'Histoire avec un grand H : la fin des années 30, où toute l'Allemagne a lentement basculé dans l'horreur de la dictature hitlérienne.
Extrêmement riche en détails sur le fonctionnement interne des différentes milices hitlériennes (Gestapo, SD = Sicherheitsdienst ou service de sécurité en français, Police criminelle, SS, etc.) et les différentes factions qui s'opposaient au sein même des émules d'Hitler (Goering et Himmler qui divergeaient), le premier volet (L'été de cristal) nous entraîne dans une enquête où ces personnages historiques et détestables vont apparaître dans toute leur splendeur criminelle.
Le livre oscille entre enquête policière, action et humour dans plus de la moitié du livre, et plonge dans l'horreur de l'Histoire dans le dernier quart... En effet, nous côtoyons Dachau, l'un des pires camps de concentration où étaient enfermés essentiellement des opposants au régime Hitlérien, mais aussi de nombreux Juifs, homosexuels, Tziganes, etc.
Notre détective y fait un petit séjour déterminant pour la fin de son enquête et pour sa survie. L'auteur change radicalement de ton à ce moment de l'histoire pour nous décrire les traitements subis par les prisonniers et le fonctionnement de ce camp.
Ayant déjà hâte de lire les deux autres tomes de cette trilogie, je n'ai pas pu m'empêcher de faire le rapprochement avec Enfant 44, dont j'ai parlé il y a peu de temps sur ce blogue, pour la reconstitution méticuleuse des lieux et des événements historiques, et la similitude des deux régimes, Stalinien et Hitlérien, alors même que ces deux dictatures se disent si opposées : dans le fond, le dévouement total à la patrie au détriment de la liberté individuelle, le culte de la personnalité des chefs Staline et Hitler, l'exécution de masse des opposants au régime (souvent sans preuves concrètes) ou de toute personne n'appartenant pas à la "race pure", etc.
Les deux auteurs font vraiment office de professeurs d'histoire dans ces deux livres et on se dit que ça prend des livres comme ça pour faire aimer l'histoire !

Une page personnelle explique le fonctionnement et le rôle de la Gestapo ici
Une critique intéressante

En écrivant ceci, j'écoute un peu d'électro : Aeroplane, We can't Fly (Eskimo/NEWS, 2010)

24 septembre 2010

Traité de savoir-vivre

Traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes Russes, de Gary Shteyngart, Éditions de l'Olivier, 2005 (pour l'édition en français), traduit de l'anglais par Sophie Brunet et Michelle Herpe-Voslinsky

Quatrième de couverture :
«Juif, Russe, Américain, New-Yorkais, 25 ans, études brillantes, issu d'une famille parfaitement assimilée (père médecin, mère femme d'affaires), Vladimir Grishkin s'ennuie dans les bureaux insalubres d'une association d'aide à l'insertion des immigrants. Vladimir a de l'humour, un accent charmant. Et il est très malin. Peu scrupuleux, il est tout de suite repéré par un certain Ribakov, lequel en échange d'un vrai passeport lui promet une vie meilleure... à Prava, capitale d'un pays imaginaire en Europe de l'Est.
Traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes Russes raconte l'assimilation à l'envers - autant dire la désintégration - d'un émigrant chic renonçant à Manhattan pour s'improviser mafieux dans un monde à la Kusturica. Picaresque, loufoque et savant, pas toujours moral, ce roman totalement cosmopolite, et qui se moque de tous les clichés, est aussi «une manière de corriger l'Histoire»

Autant vous le dire tout de suite, cette chronique sera courte et peu inspirée. Il se trouve que je n'ai pas réussi à entrer dans cette histoire peut-être trop loufoque pour moi, et surtout au style pompeux et brouillon. Et fait rarissime, je n'ai même pas fini ce livre, dont la lecture était décidément trop laborieuse. L'une de mes amies l'a adoré, je lui laisse la place dans les commentaires si elle le souhaite pour nous en expliquer les raisons.

Il y en a aussi d'autres qui ont aimé :
Critiques libres
Le Matricule des anges

23 septembre 2010

Le Souffle de l'harmattan

Le Souffle de l'harmattan, de Sylvain Trudel, Éditions Typo, 2001 (1986 pour l'édition originale)
Prix Molson du roman, 1987
Prix de l'Académie canadienne-française en 1988
Prix Canada-Suisse, 1988
Finaliste pour le prix du Gouverneur général du Canada

Harmattan : vent chaud, sec et poussiéreux d'Afrique de l'Ouest qui souffle vers le sud en provenance du Sahara dans le golfe de Guinée en hiver, entre la fin novembre et le milieu du mois de mars.

Hugues Francoeur, un jeune garçon adopté rencontre Habéké Axoum, lui aussi adopté par sa famille canadienne.
«Habéké, en tant que noir de couleur, faisait jaser à cause du manque de préparation et l'étrangeté africaine. C'était la première fois qu'un Noir authentique nous apparaissait tel quel, hors téléviseur, et nous, les jeunes, on voulait toucher du doigt pour voir si c'était du pareil au même. On a bien vu que ce garçon avait une douce peau de chocolat, des cheveux de laine, des yeux plein de vie, un nez de boxeur, des dents comme les touches d'un piano et des jambes infinies reliées entre elles par des genoux tout en os. Il articulait le français mieux que nous et son nom était comique.» (p.35)

Unis par leurs différences physiques (Hugues est lui même d'origine asiatique) et leur curiosité, Habéké et Hugues tentent de comprendre le monde à leur manière, se sentant profondément différents et refusant d'entrer dans «l'ère adulte» afin de ne pas tromper l'enfant en eux.
«Il faut comprendre que , quand on accumule les années dans sa tête, tout devient de plus en plus vrai, tellement vrai que bientôt l'invisible ne se voit plus et les royaumes s'effondrent. C'est alors qu'arrive l'adultère avec son hypocrisie. L'adultère, c'est l'ère adulte avec un passé d'enfant figé dans la roche. L'ère adulte annonce la fin des glaciers et la fin des mammouths. C'est l'hiver et le froid qui engourdissent tous les pouvoirs et c'est là que commence le début de la fin.» (p.10)

Refusant donc de quitter leur monde imaginaire, les deux enfants suivront les traces de leurs ancêtres (Mekkonen le dedjené) afin de fuir la réalité par des croyances et des superstitions que les adultes qui les entourent n'arrivent pas à comprendre.
«Personne ne peut envahir la pensée parce que la pensée c'est l'exil et que chacun a l'exil qu'il désire. Habéké et moi, on s'était promis de visiter nos exils un beau jour.» (p.14)
Le style, comme vous pouvez le voir dans ces différents extraits, est absolument délicieux, et les deux jeunes garçons nous apparaissent d'autant plus touchants. Ce style à la fois poétique, imagé, et complètement déjanté nous entraîne très loin dans les émotions des deux garçons, si bien que le choc final est encore plus fort, car pendant les trois quarts du livre nous sommes du côté des deux jeunes, même dans leur folie la plus pure, nous les comprenons, mais le récit sombre progressivement dans l'horreur, les bêtises des deux jeunes étant de plus en plus inexplicables.

Le pouvoir des mots à son paroxysme.

Documentation critique sur l'auteur et son œuvre

En écrivant ceci, j'écoute Alela Diane, To Be Still (Rough Trade Records, 2009)

22 septembre 2010

Enfant 44

Enfant 44, de Tom Rob Smith, Éditions Belfond, 2009

Moscou, 1953. Leo Demidov est un inspecteur du MGB (ancêtre du KGB), qui recherche et exécute les dissidents du régime stalinien. Par dissidents, on entend tous ceux qui expriment des idées contraires au régime ou qui ont une activité politique contraire au régime.
Il est marié avec Raïssa, qui, elle, est institutrice et enseigne à ses élèves comment être de bons petits patriotes communistes : la pensée unique, le dévouement total à la patrie, ce qui exclut toutes les libertés que nous connaissons (pensée, religion, presse, liberté de mouvement, etc.).
Leo et Raïssa ne sont pas forcément à l'aise là-dedans, on le comprend surtout à travers le personnage de Raïssa qui semble avoir vécu des événements traumatisants, mais ont-ils vraiment le choix ?
Le fils d'un collègue de Léo est retrouvé mort, assassiné d'après son père. Bête accident de train, dit la police. Affaire close.
Mais quelques temps plus tard, pour avoir défié l'autorité, Léo est déporté avec sa femme dans une région au nord de Moscou, dans un village pauvre et où la vie ne sera pas aussi facile que dans la capitale. Mais c'était ça ou le goulag. Cette "mutation" permettra à Leo, qui est affecté à la milice locale, de découvrir d'étranges meurtres d'enfants, ressemblant fort à la mort du fils de son ancien collègue. Et si celui-ci avait raison et que son fils avait été assassiné ?
C'est le début d'une longue enquête, très périlleuse, car elle engage non seulement Leo mais aussi sa femme, et surtout elle ne fait pas partie des tâches que Leo doit effectuer dans son nouvel emploi. Il risque donc cette fois la peine de mort pour avoir bravé le régime.
Même si la mort de Staline cette année-là semble apporter un peu de renouveau et de liberté dans une société minée par la pauvreté et la méfiance des uns envers les autres.

Ce polar mené d'une main de maître nous entraîne dans un pays et une époque tout à fait propices à l'horreur et au suspense. On en apprend énormément sur le régime stalinien, et la manière dont on se débarrassait des dissidents politiques. Exécution de masse, goulag, pauvreté, peur, c'était le quotidien de la majorité des Russes à l'époque. Aujourd'hui, depuis l'éclatement du régime communiste, de nombreux interdits ont été levés, heureusement, mais la pauvreté est toujours omniprésente, surtout en dehors de Moscou.
Dans le livre de Tom Rob Smith, auteur anglais né en 1979, on est happé par l'atmosphère glauque et les rebondissements de l'intrigue. Certains passages sont tout de même un peu tirés par les cheveux : le héros s'en sort toujours alors qu'on lui prévoie plus d'une fois une mort certaine. Il m'a semblé aussi que les motivations du tueur n'étaient pas très réalistes, mais enfin, quand on y pense, les motivations d'un tueur ne sont jamais réalistes, car quelqu'un en arrivant à des meurtres aussi sordides a avant toute autre chose de gros problèmes dans la tête...
Peut-être que les liens entre les divers événements ne sont pas assez fluides.
Par contre, les connaissances de l'auteur sur le régime stalinien sont impressionnantes et rendent le tout très réalistes. Il s'agit à la fois d'un thriller et d'un manuel d'histoire, un peu comme La trilogie berlinoise de Philip Kerr l'est pour l'histoire de l'Allemagne nazie., que je suis en train de lire. Mais ici s'arrête la comparaison. Car Enfant 44 est loin d'avoir l'humour et la dérision de la Trilogie berlinoise, on est véritablement plongé en pleine horreur.

J'ai lu en quatrième de couverture - avant de commencer le roman - qu'une adaptation au cinéma était en cours...
En voyant le nom du principal protagoniste, Leo, je n'ai pas pu m'empêcher de voir Leonardo DiCaprio dans le rôle de l'inspecteur. Cette image m'a poursuivie tout au long de ma lecture et m'a quelquefois gênée...
Cependant, ce n'est certainement pas pour rien que ce livre sera adapté : le style de l'auteur est très cinématographique, preuve en sont mes visions avec Leonardo DiCaprio...

Tom Rob Smith a publié un deuxième thriller qui se veut une suite d'Enfant 44 : Kolyma, aux mêmes éditions Belfond.

La critique de Télérama
Le site de l'auteur

En écrivant ceci, j'écoute Gonzales, Ivory Tower (Gentle Threat, 2010)

21 septembre 2010

Dans la nuit brune

Dans la nuit brune, Agnès Desarthe, Éditions de l'Olivier, 2010

La biche brame au clair de lune
Et pleure à se fendre les yeux
Son petit faon délicieux
A disparu dans la nuit brune
(p.135)

Disparition.
Un jeune homme, Armand, se tue à moto. C'est l'amoureux de Marina, la fille de Jérôme, agent immobilier d'une cinquantaine d'années, divorcé, un peu perdu, et qui se questionne sur son passé. Qui sont ses parents ? Que s'est-il passé dans la forêt avant ses 3 ans ? Pourquoi ne se souvient-il pas ?
Mais pour le moment, il faut que Jérôme soit là auprès de sa fille qui est effondrée après la mort de son premier grand amour. Mais Jérôme est totalement démuni face à ce chagrin, lui qui ne sait pas comment exprimer ses propres émotions...
Un inspecteur, Alexandre Cousinet, entrera dans sa vie pour l'aider à résoudre quelques énigmes. Il enquête sur la disparition d'une autre jeune fille, Clémentine. Il y a aussi Rosy, la meilleure amie de Marina, qui par son caractère volontaire, apportera quelques pincées de philosophie et aussi de mystère à Jérôme. Et puis Vilno, l'Écossaise, personnage peut-être un peu superflu, qui cependant, donnera un peu d'espoir à Jérôme.

Agnès Desarthe nous avait offert Mangez-moi en 2006, qui est son seul autre roman que j'ai lu et que j'avais adoré, d'ailleurs.
Dans son dernier roman, on reconnaît sa plume et ses thèmes favoris : les relations parents-enfants, la quête identitaire, le deuil.
Pas très jovial me direz-vous. Pas forcément nouveau non plus. Mais ces thèmes là ont de multiples déclinaisons. Dans la nuit brune nous offre la vision d'un homme qui, toute sa vie, a fermé les yeux, sur sa vie, sur ses émotions, sur ses failles, ses difficultés de communication. Jusqu'au jour où un drame abominable, la mort injuste d'un jeune homme de 18 ans, le bouleverse à un tel point qu'il devra tout réapprendre ou presque. Au fur et à mesure de sa réflexion, Jérôme parvient à revenir en arrière, sur ce passé mystérieux dans les bois, sur ce qui pourrait expliquer pourquoi aujourd'hui il se sent si seul et différent.
Ce personnage très touchant, parfois exaspérant par son incapacité à être, mélange le passé et le présent, le rêve et le réel pour comprendre sa vie qu'il a laissée passer sans s'en rendre compte.

Ce qui au départ était l'histoire d'un deuil d'une jeune fille et d'un père désœuvré, car il adorait le jeune amoureux de sa fille :
«- C'était un très gentil garçon, dit Jérôme. Très attirant.
Paula ouvre de grands yeux, interloquée. Jérôme réfléchit un instant et poursuit.
- Oui, attirant. À cause de sa peau. Et puis il avait un sourire très large, très joyeux. Je ne l'ai pas vu beaucoup. Marina et lui étaient tout le temps dehors, mais à chaque fois qu'on s'est croisés, j'avais...comment te dire ça ? Tu vas te moquer de moi. J'avais comme une boule au cœur.» (p.28)
devient une quête identitaire axée sur Jérôme.
Jérôme qui essaie tant bien que mal de se sortir de la nuit brune et de se diriger vers la lumière...

Le site de l'auteure

En écrivant ceci, j'écoute Lætitia Sadier, The Trip (Drag City, 2010)

13 septembre 2010

Lectures de voyage

Pour mes trois semaines de voyage en train à travers le Canada, j'ai bien sûr emmené avec moi quelques lectures...
Catégorie romans :
- Traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes Russes, de Gary Shteyngart, Éditions de l'Olivier, 2005
- Enfant 44, de Tom Rob Smith, Éditions Belfond, traduit par France Camus-Pichon, 2009
- Le souffle de l'harmattan, de Sylvain Trudel, Éditions Typo, 1988 (2001 pour l'édition Typo)

Romans achetés en cours de route :
- Into the Wild, de Jon Krakauer, Anchor Books, 1996
- Rue Deschambault, Gabrielle Roy, Éditions Boréal Compact, 1955, 1994 pour la présente édition

Catégorie revue :
- Intégrale de la revue Le Tigre, de janvier à juin 2010 (j'ai rattrapé mon retard)

Ouvrage acheté après mon voyage :
- Histoires de trains, textes réunis par Alain Laurent, Éditions Sortilèges, 2003