03 novembre 2012

Les lisières

Les lisières, Olivier Adam, Éditions Flammarion, 2012

Les lecteurs de ce blogue le savent bien : Olivier Adam figure souvent en tête de liste de mes auteurs favoris.
Né en 1974, l'écrivain, également scénariste, a d'ailleurs souvent charmé ses lecteurs avec des titres comme Le cœur régulier, Des vents contraires, Je vais bien, ne t'en fais pas, ou encore par ses nombreuses oeuvres jeunesse. Plusieurs de ses romans ont été adaptés au cinéma.

Dans Les lisières, Olivier Adam nous offre tout à fait autre chose. Nous sommes dans l'autobiographie, tant la vie de Paul, personnage central de ce roman, se calque sur celle d'Olivier Adam. Ou en bordure de l'autobiographie, pour plagier le titre. Nous sommes sans cesse en périphérie de quelque chose, dans ce roman. Au seuil d'un chef-d’œuvre, peut-être. Mais trop d'éléments agacent pour en faire un roman parfait. 
En tout cas, Paul Steiner, lui, est en marge de sa propre vie. Rejeté par sa femme, éloigné de ses enfants, qu'il ne voit plus assez, il dérive, proche de la folie, proche de la dépression («la Maladie»). Il retourne à V., la ville où il a grandi, où ses parents vivent encore dans le petit pavillon qu'ils ont acquis à la sueur de leurs fronts, pour s'occuper de son père durant l'hospitalisation de sa mère.
Paul se sent extérieur à tout, à sa famille, à ses origines. Il revoit des amis d'enfance qu'il a laissés sans nouvelles depuis 25 ans, et particulièrement Sophie, de qui il était amoureux.
Et puis voilà, on se dit que tout cela est un peu convenu, que ça n'apporte pas grand chose de nouveau, que le style est trop appuyé ou répétitif, maniéré parfois. Mais l'auteur gratte dans tous les recoins de sa psyché (et de la nôtre), et de surprise en surprise, il nous amène toujours ailleurs au moment même où nous avions cette lassitude qui pointait.
 «Je suis arrivé à V. à deux doigts du sommeil. J'avais quitté l'autoroute les yeux mi-clos, dans le flou défilaient des entrepôts, des rangées d'immeubles HLM séparés par des pelouses rases et mitées, des alignements d'enseignes et de cubes en tôle, des nuées de panneaux d'affichage et de feux rouges. Puis j'avais traversé le fleuve. Sur la gauche, les arbres camouflaient les usines, filaient vers la campagne qui gagnait peu à peu pour s'épanouir, insoupçonnable, à trente kilomètres de là, en un désert  de colza, de blé, de maïs et de pommes de terre. De l'autre côté, c'étaient l'hôpital et la casse automobile, les zones industrielles, les supermarchés, les parkings, les nationales, les voies ferrées, les habitations verticales, milliers de fenêtres allumées dans le matin, de gosses s'habillant et croulant sous leur cartable, d'hommes et de femmes aux yeux gonflés s'apprêtant à courir vers la gare de RER, à s'engouffrer dans leur voiture pour gagner leur bureau, leur atelier, leur boutique, leur école, leur cabinet, Pôle Emploi.» (p.39)
Olivier Adam établit une géographie physique et mentale du parcours de son personnage (et nous offre au passage un beau cours de géographie de la France, comme l'extrait ci-dessus le montre), qui l'a amené de V. à Paris, puis au fin fond de la Bretagne, pour revenir à V. pour quelques temps. Son état moral, en dent de scie lui aussi, se révèle de moins en moins maîtrisé au fur et à mesure des découvertes qu'il fera sur lui-même.
Sa réflexion ira autant dans les sphères politiques que sociales, surtout sociales, lui qui a si bien réussi, alors que ses amis d'enfance galèrent. Pourtant tous issus du même milieu, avons-nous les mêmes chances de réussir dans la vie?

L'écriture était censée le sauver de sa dépression mais il se rend compte qu'il ne fait que tourner autour de sa maladie et que les mots ne peuvent parfois rien changer.
Un retour au Japon, pays qu'il chérit, peu de temps après le terrible séisme de mars 2011 (le tremblement de terre comme miroir de l'effondrement de sa vie), lui donnerait-il l'espoir de tout recommencer à zéro? Ou ne s'agirait-il pas plutôt d'une nouvelle fuite?
«Elle sait que j'y ai trouvé un refuge, un abri. Sans doute temporaire. Sans doute autant que le précédent. Mais j'aime à croire qu'en mettant des milliers de kilomètres entre elle et moi, en partant à l'autre bout du monde, j'ai semé la Maladie pour un bout de temps. J'aime aussi à croire qu'ici quelque chose m'en protège. Qu'elle ne viendra pas jusque là, qu'elle n'osera pas. Je ne sais pas. Un écran. Les océans. Les esprits.» (p.443)
La critique de François Busnel dans L'Express
La critique de Macha Séry dans le journal Le Monde

Lætitia Le Clech

Humeur musicale : Sophie Hunger, The Danger of Light (Two Gentlemen / Rough Trade, 2012) 

2 commentaires:

Sylvie F. a dit...

L'idée de la Maladie qui poursuit le personnage, qui joue presqu'à cache-cache avec elle me plait et me parle. J'y vois une course poursuite qui a l'issue fatale. Peut-être aurai-je le loisir de lire ce livre un de ces jours.
Sylvie F.

Lætitia Le Clech a dit...

@Sylvie : Issue fatale pas forcément...
Je te le prêterai ma chère!
Merci de ton commentaire.