16 janvier 2011

Les corpuscules de Krause

Les corpuscules de Krause, Sandra Gordon, Éditions Leméac, 2010

D'après le dictionnaire Larousse, les corpuscules de Krause sont de «petits corpuscules arrondis que l'on trouve dans le tissu conjonctif et dans la muqueuse buccale.
Ils paraissent jouer un rôle dans la perception du froid et de la pression.»
Sur le site de Wikipédia, on trouve une information supplémentaire : « Il semblerait que ces récepteurs jouent un rôle dans le plaisir puisqu'ils sont présents sur le gland du pénis et du clitoris.». Ah ben.
«Je suis tombée par hasard sur le terme.  Je l’ai noté à quelque part et j’ai fait un peu de recherche.  À l’époque je bossais dans un hôpital, alors j’en ai profité pour faire quelques demandes d’emprunt au centre de documentation – une espèce de petite bibliothèque où l’on pouvait faire venir des articles dans des revues spécialisées en médecine.  Ça m’a permis de pratiquer mon anglais.  Ce que j’ai lu m’a servi à bâtir une partie de la charpente, de l’ambiance, de la cohésion et des personnages.  En filigrane.  J’ai vu les corpuscules de Krause comme une faculté désirante, un check engine humain.  Et je suis partie principalement à partir de ça.»
Lucie, jeune femme de 24 ans écorchée par la vie, quitte Montréal au volant de sa rabbit vers le nord. Sa voiture tombe en panne dans un village des Laurentides, La Conception. En attendant qu'elle puisse rouler de nouveau, Lucie va s'installer dans une chambre au-dessus du restaurant du village et côtoyer quelques habitants de la place, tous plus attachants les uns que les autres.
Pendant ce temps, Henri Korsakoff, écrivain vieillissant et alcoolique, promène sa vieille carcasse à la recherche de ses propres livres qu'il veut anéantir dans un grand bûcher.

Ce qui frappe dans ce premier roman, ce n'est pas tant le style, parfois confus et alambiqué, que la grande tendresse de l'auteure pour ses personnages, qu'elle dépeint avec un réalisme plus grand que nature. De la serveuse au grand cœur  au cuisinier du restaurant, homme de multiples talents, sans oublier bien sûr le personnage central de Lucie, fragile et que l'on sent sur la mince ligne entre la noirceur et la lumière. Son goût prononcé pour le gin ne l'aidera pas toujours à aller mieux.
Tous ces êtres vont se rapprocher grâce à la présence de Lucie, et cette dernière trouvera en eux une nouvelle famille, loin du toc et du sexe fast-food qu'elle avait à Montréal avec Geoffroy, qui abusait d'elle.

Si le style m'est apparu parfois opaque, on ne peut pas dire que Sandra Gordon n'a pas de talent de dialoguiste ni qu'elle ne possède pas un ton percutant. Mais il m'a semblé que certains passages auraient mérité d'être raccourcis et l'écriture resserrée par endroit.
Sandra Gordon écrit depuis plusieurs années sur son blogue et la langue s'avère y être parfois maniée avec plus de naturel que dans ce premier roman. Mais tout cela n'enlève rien au fait qu'elle reste une auteure québécoise à surveiller, et que ce livre, qui serait passé inaperçu sans le travail de La recrue du mois, qui recense tous les premiers romans d'auteurs québécois,  est à découvrir pour entendre une nouvelle et originale voix.

Une savoureuse entrevue de Sandra Gordon pour le site La recrue du mois
Le blogue de Sandra Gordon
L'article dans La Presse

[Lætitia Le Clech]

2 commentaires:

m a dit...

Je suis tout à fait d'accord avec toi concernant La Recrue: ils font un boulot incroyable qui mérite d'être souligné. Moi non plus je n'aurais pas entendu parler de ce bouquin si ce n'avait été d'eux.

Lætitia Le Clech a dit...

Oui d'ailleurs, la journaliste de La Presse Marie-Claude Fortin le dit aussi, le livre a été «noyé dans le déluge de la rentrée d'automne», et son article a été écrit seulement il y a quelques jours...