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Assez court, le livre se partage en trois histoires : tout d'abord, la grande histoire du Mont-Saint-Michel, appelé « Mont-Saint-Michel au péril de la mer » à partir de 710 (Mons Sancti Michaeli in periculo mari) car très exposé aux foudres de l'océan (avant l'existence de la fameuse digue), cité des livres au Moyen-Âge, racontée par l'auteure, passionnée par ce lieu. Ensuite, l'histoire romancée d'Éloi, peintre de talent à l'époque de la Renaissance, qui, pour se guérir de la mort de sa bien-aimée, accepte de suivre son cousin moine au Mont-Saint-Michel, pour devenir copiste et reproduire toutes sortes de manuscrits, alors qu'il ne sait même pas lire. C'était avant l'invention de l'imprimerie par Gutenberg. Enfin, l'histoire personnelle de l'auteure, qui partage avec le lecteur son amour du Mont-Saint-Michel, en même temps qu'elle évoque sa réalité de jeune maman, qui la freine dans son élan d'écriture. Elle nous enrichit également, dans certains chapitres, de ses connaissances linguistiques (Dominique Fortier est aussi traductrice et réviseure) et de réflexions sur son rôle comme auteure ainsi que sur le sens des mots.
Cet entremêlement des histoires et des genres peut laisser le lecteur confondu au départ, mais la plume de l'auteur, qui m'avait subjuguée dans Du bon usage des étoiles, nous transporte finalement dans chacun des lieux qu'elle décrit. L'histoire d'Éloi, en particulier, est bouleversante. Celle des moines copistes du Mont, se heurtant aux mutations qui sont en route à cette époque, dont le travail est minutieusement décrit par l'auteure, permet de saisir l'ampleur de ce qu'ils ont accompli pour diffuser la connaissance à cette époque tourmentée. On observe la modernité de certains, et l'ignorance et la censure que d'autres veulent imposer.
Source : Pixabay.com (domaine public) |
Cette bibliothèque, si fragile, a subi le courroux des marées, et les affres du temps. Dans le roman, on assiste également au transfert périlleux de ses livres vers une autre abbaye, mieux protégée, moins humide.
Une partie des livres sera jetée à la mer par un frère, dans une « bibliothèque fantôme », pour qu'ils ne quittent les lieux du Mont-Saint-Michel, mettant en lumière toutes les contradictions et les bouleversements suscités par l'accès à ces ouvrages.
Malgré le grand pouvoir d'évocation de Dominique Fortier, nous restons un peu sur notre faim. J'en aurais pris encore et encore! Mais Au péril de la mer est à lire et à relire pour la petite et la grande histoire de l'humanité. Un ouvrage très personnel, « à mi-chemin entre le carnet d'écriture et le roman » selon son éditeur, qui s'inscrit dans une oeuvre déjà riche explorant différents styles.
Pour aller plus loin :
La critique de Christian Desmeules, dans Le Devoir
L'abbaye du Mont-Saint-Michel
Humeur musicale : Avec pas d'casque, Effets spéciaux (Grosse Boîte, 2016)
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