30 avril 2010

Je lis en anglais...

Depuis quelques temps, j'essaye de lire en anglais et je me rends compte que la BD offre de belles choses à ce niveau là. De plus, c'est plus facile pour moi qui ai - disons - un niveau intermédiaire pas toujours extraordinaire (mais meilleur à la lecture et à l'écrit qu'à l'oral par exemple), car les images et le style plus incisif permettent de mieux saisir le propos.
Je me suis donc aventurée dans la lecture de Nylon Road, de Parsua Bashi, qui ne pourra pas échapper à la comparaison avec Marjane Satrapi et son magnifique Persepolis.
Et ensuite j'ai lu The Hipless Boy, de Sully (de son vrai nom Sherwin Tjia), un jeune Montréalais originaire de Toronto, poète, peintre et illustrateur.

Nylon Road, de Parsua Bashi, St. Martin's Press Publishers, 2009 (pour l'édition anglaise)
L'auteure, Iranienne, nous parle de son immigration en Suisse, et de sa difficile intégration, que ce soit pour apprendre la langue (l'allemand, car elle est en Suisse allemande, à Zurich), pour se faire des amis ou se trouver du travail. Par des flash-backs et des confrontations intéressantes avec ce qu'elle a été à 6 ans, à 18 ans, adulte, etc., on apprend également ce que fut et ce qu'est la vie en Iran durant la Révolution Islamiste, à partir de 1979. Elle évoque sa vie de femme mariée, son difficile divorce et l'impossibilité pour elle de voir sa fille.
Parsua Bashi est née en 1966 à Téhéran. Elle a suivi des études en design graphique à l'Université de Téhéran. Pour en savoir plus, voici le lien sur son site ici.
Nylon Road est son premier roman graphique.
Cette biographie évoque des événements tristes et graves. En se questionnant sans cesse sur son identité, l'auteure arrive à trouver le courage de vivre sa nouvelle vie en Suisse, sans oublier tout ce qu'elle a vécu et tout ce qui lui reste en Iran. On ne peut qu'être admiratif de ce courage, du courage de milliers de personnes qui décident de quitter leur pays d'origine pour s'installer dans un nouveau pays dont ils ne connaissent rien ou presque. Et cela souvent après avoir supporté des choses horribles, inhumaines.
Le support graphique, la bande dessinée, apporte un ton plus ludique à ces sujets graves. La langue n'a pas été trop difficile à comprendre. Je crois que cela vient du fait que l'auteur est allophone, le vocabulaire et les expressions ne sont pas trop tirées par les cheveux...
Une belle découverte.

The Hipless Boy, de Sully, Conundrum Press, 2009
Il en est tout autre chose de ce livre de Sully, dans lequel il a fallu que je laisse passer quelques dialogues très imagés que je n'arrivais pas à saisir... J'ai ainsi par exemple compris après bien des pages que "dunno" voulait dire "don't know"... Cela fera peut-être rire les anglophones qui me liront (y-en-a-t-il ?), mais quand on n'est pas habitué, et bien...
Je dois donc dire que ce livre m'a beaucoup apporté au niveau de la langue, même si je n'ai pas tout compris.
L'histoire - je devrais dire LES histoires - se déroulent à Montréal (quartier McGill pour la plupart il me semble), ce qui ajoute encore un attrait pour moi. Chaque petite histoire est entrecoupée d'un texte qui narre la plupart du temps une invention ou une anecdote reliée à l'un des amis de l'auteur, Owen.
Le livre en lui-même, "physiquement" parlant, est très joli, belle couverture orange qui accroche l'œil, format très agréable. Vraiment une belle découverte.
Sully nous raconte des tranches de sa vie quotidienne, dans lesquelles il est souvent entouré de ses amis Owen et Minerva, deux personnalités assez originales.
Le personnage central, l'auteur lui-même, est un jeune homme plutôt très sympathique et gentil, célibataire, ouvert à la rencontre, curieux, toujours prêt à aider... Les histoires sont assez rigolotes pour la plupart mais une cependant vient changer le ton et apporte une touche dramatique au livre. Touche nécessaire qui permet de découvrir une autre facette du personnage.
Les dernières pages du livre nous donnent quelques informations supplémentaires sur les anecdotes racontées dans le livre (d'où lui est venue l'inspiration), ce qui est intéressant et rare.
Le dessin est très agréable, et m'a fait pensé à Craig Thompson, comparaison que j'ai retrouvée dans d'autres critiques.
Voici le site des éditions Conundrum Press.

En écrivant ceci, j'écoute Lastfm, en ce moment Télépopmusik, Swamp (Capitol, 2005)

24 avril 2010

Les ensembles contraires

Les ensembles contraires, Kris et Éric T (scénario), Nicoby (dessin et couleur), éditions Futuropolis, 2008 (1ère partie) et 2009 (2ème partie)

Une bien belle histoire que voilà, magnifiquement mise en couleur par Nicoby (qui signe d'autres ouvrages aussi sous le nom de Korkydü).
Christophe et Éric sont très différents de part leur personnalité et les milieux d'où ils viennent. Et pourtant ils deviennent amis. Les deux jeunes adultes traverseront les années - et les épreuves - main dans la main. Éric connait son lot de malheurs et Christophe est toujours présent pour l'aider. Ensemble ils connaissent aussi leurs premiers émois amoureux avec les filles qui évoluent autour d'eux.
Le premier volume se termine sur un événement dramatique et c'est avec beaucoup de fébrilité que j'attends de pouvoir emprunter le deuxième tome.

D. Ollivier, dans sa critique, compare Les ensembles contraires à Pourquoi j'ai tué Pierre, d'Olivier K et Alfred, et au Journal, de Fabrice Neaud, qui sont des ouvrages magnifiques que j'ai lus aussi. Je rajouterai à cette liste Lucille, de Ludovic Debeurme, BD bouleversante sur l'amitié. Ce sont toutes des histoires extrèmement touchantes, humaines, sensibles. Ce qui rassemble les trois premières, c'est l'élément autobiographique (il me semble que ce n'est pas le cas pour Lucille). Les deux auteurs des Ensembles contraires ont en effet puisé dans leurs propres vies pour nous livrer cet ouvrage.

L'illustrateur Nicoby utilise les couleurs chaudes pour les moments plus joyeux et les couleurs froides pour les périodes tristes ou difficiles. Ainsi le récit alterne de façon très efficace entre la fin de l'adolescence des deux jeunes hommes et leur vie dix ans plus tard.

Une très touchante découverte que je vous recommande fortement.

Le site de Futuropolis.

En écrivant ceci, j'écoute Jan Garbarek, Officium, avec le Hilliard Ensemble (ECM Records, 2000), petit moment d'intériorisation...

14 avril 2010

Épluchures de patates


Le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates, de Mary Ann Shaffer et Annie Barrows, Nil éditions, 2009

Et vous, qu'auriez-vous fait pour tenir le coup durant une guerre ou une occupation ? Comment auriez-vous vécu les interdictions, les bombardements, le couvre-feu, les humiliations, la mort, la pauvreté, la faim ?
Et bien, à Guernesey, durant l'occupation allemande de la Seconde Guerre Mondiale, les habitants de cette petite île anglaise ont créé un club de lecture.
Au départ ruse pour se protéger de la réprimande des Allemands pour avoir enfreint le couvre-feu, ce club se matérialise et devient bien plus qu'un lieu où partager ses lectures.
C'est ce que découvre Juliet Ashton, jeune romancière londonienne qui a connu le succès durant la guerre en écrivant des chroniques humoristiques qui soulageaient les Anglais face aux atrocités qu'ils vivaient. Le pouvoir de l'humour et du rire n'est plus à prouver...
Un jour, un certain Dawsey lui écrit, après avoir trouvé son adresse dans un livre. Il souhaite lui demander des informations sur un auteur, Charles Lamb, qu'il affectionne particulièrement. Et il lui parle donc de ce fameux club de lecture. Intriguée, notre auteure décide de quitter Londres pour se rendre à Guernesey et rencontrer tous ses nouveaux amis (plusieurs lui ont écrit suite à la première lettre de Dawsey).
La deuxième partie du livre se situe donc entièrement sur cette île Anglo-Normande. Je dois dire que le texte donne envie de se rendre sur cette petite île dont on ne sait presque rien.
Le saviez-vous, vous, que les Allemands avaient occupé Guernesey durant la Seconde Guerre Mondiale ? Et bien je l'ai appris dans ce livre.
L'intrigue se base sur des échanges épistolaires entre les différents protagonistes (Juliet et son éditeur Sydney, Juliet et Dawsey, Juliet et Sophie, sa meilleure amie, etc.), et ce qui est au départ une excellente idée devient vite un peu facile... De plus, ils s'échangent des lettres comme nous des courriels, à la vitesse de l'éclair, et je dois dire qu'à un moment donné, nous avions oublié que nous étions en 1946. Cet aspect a troublé ma lecture par moment.
Même si au delà de cela, il y a cet humour très british (pourtant les auteures sont américaines), ce style fluide, ces aventures rocambolesques qui nous font la plupart du temps oublier les quelques problèmes techniques du roman.
Un roman bonbon, qui fait du bien, rempli d'humour. La fin est un peu mièvre, même si elle nous fait plaisir...
Au final, ça se lit vite, alors ne vous privez pas, c'est un bon roman de vacances qui nous en apprend quand même sur la réalité de l'Occupation pendant la Seconde Guerre Mondiale et la vie après la guerre. C'est aussi une ode à la lecture et le récit contient quelques moments délicieux lors des réunions du club de lecture (les membres du club choisissent leurs lectures selon ce qui se trouve dans la bibliothèque de la fondatrice du club et ça va de Sénèque à Jane Austen en passant par ce fameux Lamb). Je ne crois pas que Juliet Ashton soit très représentative des femmes anglaises de l'époque, mais pourquoi pas ? Certains diraient que je m'attache aux détails, et je leur répondrais que oui, en effet, je m'attache aux détails et je le revendique... D'ailleurs, j'ai même remarqué des erreurs de dates dans certaines lettres (lettre postdatée par rapport à sa réponse) et j'ai eu quelques réticences sur le style entièrement épistolaire, alors même que je suis une amatrice inconditionnelle de lettres, de vraies lettres là, vous savez, écrites au stylo sur du papier à lettre. Oui oui ça existe encore !
Comme le dit Marine Landrot, dans son article pour Télérama, «en plus d'être un délectable ­catalogue des excentricités littéraires de toute une communauté, ce roman est empreint d'une profonde humanité. C'est un chant d'amour à la lecture, démarche humble et silencieuse.»
Ça compense pour les critiques que je viens d'en faire, n'est-ce pas ?
Je remarque que sur la couverture du livre en France, il y a un bandeau avec un commentaire d'Anna Gavalda : «Absolument délicieux», et bien voilà exactement qui résume très bien ce que j'en pense et qui peut conclure cet article : Le Cercle des amateurs d'épluchures de patates est un excellent Anna Gavalda. Voilà qui ravira les amateurs du genre.

Un mot sur les auteures (je recopie la notice biographique de l'éditeur) car ça vaut le coup :
Mary Ann Shaffer est née en 1934 en Virginie-Occidentale. C'est lors d'un séjour à Londres, en 1976, qu'elle commence à s'intéresser à Guernesey. Sur un coup de tête, elle prend l'avion pour gagner cette petite île oubliée où elle reste coincée à cause d'un épais brouillard. Elle se plonge alors dans un ouvrage sur Jersey qu'elle dévore : ainsi naît sa fascination pour les îles Anglo-Normandes. Des années plus tard, encouragée à écrire un livre par son propre cercle littéraire, Mary Ann Shaffer pense naturellement à Guernesey. Le Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates est son premier roman, écrit avec sa nièce, Annie Barrows, elle-même auteure de livres pour enfants. Mary Ann Shaffer est malheureusement décédée en février 2008 peu de temps après avoir su que son livre allait être publié et traduit en plusieurs langues.

La critique du Nouvel Observateur
Une petite vidéo
(je vous rassure, le livre parle d'autre chose que de patates)

En écrivant ceci, j'écoute Blonde Redhead, Misery is a Butterfly (4AD/Beggars Banquet, 2004)

06 avril 2010

33, chemin de la Baleine

33, chemin de la Baleine, Myriam Beaudoin, Éditions Leméac, 2009

33, chemin de la Baleine est le troisième roman de Myriam Beaudoin, jeune auteure québécoise (née en 1976), et le deuxième qu'elle publie chez Leméac.
Elle nous transporte dans le Québec des années 50, alors que les femmes n'avaient pas droit à la même place que de nos jours, que la religion catholique était omniprésente dans la société québécoise, et alors que la folie, même la folie d'aimer trop, était prohibée, cachée, honteuse.
Certains y ont vu surtout un roman sur l'amour fou, j'y ai vu en premier un roman sur la non-communication, que ce soit dans le couple ou dans la famille, malgré le style épistolaire du livre.
Bon, je vous raconte l'histoire ou en tout cas, le synopsis, comme on dit en cinéma : en 1950, Éva vient de se marier avec Onil Lenoir. Elle est très jeune, vient de la campagne, est croyante et pratiquante, et a une famille nombreuse ; lui est plus âgé, écrivain célèbre, athée, sa famille n'est jamais évoquée. Il doit s'isoler pour écrire son prochain roman à succès... et part à l'Isle-aux-Coudres, sans sa femme. Elle l'attend, et lui écrit de longues lettres sans jamais recevoir de réponses ou presque.
Cette histoire dans l'histoire nous est révélée par la lecture de ces fameuses lettres, par un homme mystérieux qui rend visite à une certaine Éva dans un hôpital pour personnes âgées...
Vous me suivez toujours ?
Le roman se déroule donc à deux époques : une époque plus contemporaine, où nous suivons la rencontre de cette Éva, vieille femme qui semble ne plus avoir toute sa tête, et Jacques, un mystérieux visiteur qui semble connaître certaines choses sur le passé d'Éva, et les années 50, très bien reconstituées, qui revivent grâce à la lecture des lettres.

Le roman se met en place lentement, embarquer a été difficile au début. Les lettres me semblaient un peu mièvres et je me suis surprise à penser qu'Éva (jeune) était niaiseuse.
Au fil de ma lecture (assez rapide finalement, le livre est assez court), on sent une évolution dans le style d'écriture d'Éva.
L'auteure amène de petits détails de façon très progressive dans le récit, qui nous permettent de placer toutes les pièces du puzzle.
Cette histoire d'amour tragique et déconcertante en bouleversera plus d'un tant le destin d'Éva nous apparaît cruel et insupportable. Qui ou qu'est-ce qui aurait pu éviter cette lente descente aux enfers ?
Un roman finalement intéressant et pas mauvais, mais inégal, et dont certains éléments étaient parfois difficiles à comprendre. Par exemple, quel est l'intérêt de la seconde intrigue entre Jacques et Solène, l'infirmière qui s'occupe de la vieille dame ? Cette histoire là est peu développée, et aurait probablement méritée soit plus d'attention, soit de ne pas exister.
Le livre mérite tout de même le détour pour découvrir une jeune auteure qui ne s'arrêtera probablement pas là, et pourquoi pas lire ces deux précédents romans : Un petit bruit sec, aux Éditions Triptyque, et Hadassa, aux Éditions Leméac...

Le site Internet de l'auteure Myriam Beaudoin
L'article dans Le Devoir