30 août 2006

Mon expérience au cinéma


En ce moment au Québec se tourne un film américain, comme cela arrive souvent.
I'm not there est un film sur la vie du chanteur Bob Dylan.
Six personnages incarneront ses diverses personnalités. Richard Gere joue un Dylan assez âgé, un cow-boy vivant en retrait de la société, traitant ainsi des influences western dans la musique du chanteur. Ces scènes ont été tournées dans la région des Cantons-de-l'Est. Le film est doté d'un budget de 30 millions de dollars et est réalisé par Todd Haynes, un cinéaste indépendant. Ce dernier avait été mis en nomination en 2003 pour l'Oscar du meilleur scénario avec Far from Heaven (excellent film !). Christian Bale, Heath Ledger, Marcus Carl Franklin, Cate Blanchett et Ben Whishaw se partageront les autres personnalités de Bob Dylan.
Hier j'ai eu l'opportunité de faire de la figuration pour ce film. Les scènes tournées concernaient la période des années 60, 1966 plus exactement, année où Bob Dylan est passé du pur folk à une musique plus électrique. Ce tournant dans sa musique n'a pas été apprécié par tout le monde, c'est le moins qu'on puisse dire. D'après les fans du chanteur, cette année là, et un concert en particulier, à Londres, ont marqué à jamais la carrière de Bob Dylan.
C'est ce concert à Londres, au
Royal Albert Hall, que nous tournions hier dans les décors du théâtre Outremont de Montréal.
Pour ces années-là, l'actrice incarnant Bob Dylan est Cate Blanchett, absolument époustouflante. Car ce qui fait la particularité de ce film, c'est que Bob Dylan est représenté à la fois par des hommes et des femmes. Chaque facette de sa personnalité peut ainsi être plus approfondie.
Cate Blanchett devait donc «performer» devant un public fort mécontent (nous) de sa trahison (le passage du folk à l'électrique). Nous avons tourné la scène sous toutes ses coutures (il fallait que le théâtre ait l'air rempli, or nous n'étions que 150 figurants), toute la matinée avec la présence de l'actrice sur la scène devant nous. Et pour une présence, c'est une présence cette actrice... Très charismatique ! Elle s'est complètement approprié le personnage de Dylan, arrogant et sous l'influence de pas mal d'amphétamines (pas l'actrice, Bob Dylan !).
L'après-midi, nous avons poursuivi - sans Cate Blanchet - la même scène (au balcon, à gauche, à droite, filmé de la scène, filmé de côté...), et nous avons également tourné la toute première scène du film.
Une machinerie impressionnante, avec tous ces techniciens, ces assistants, tout ce matériel, ces écrans partout... Ce n'était pas ma première expérience de figuration, mais j'avoue que celle-ci avait un petit quelque chose de plus attirant encore, vu que ce film en devenir évoque une star de la musique, et le monde de la musique m'attirant plus qu'autre chose. Même si je ne suis pas une fan finie de Bob Dylan, j'avoue que je commence à comprendre l'importance qu'il a pu et peut encore avoir dans le paysage musical international.

il faut dire aussi que d'avoir la chance de participer à une entreprise cinématographique comme celle-ci (budget de 30 millions de dollars, réalisateur connu et respecté, acteurs vedettes) a quelque chose d'excitant. De plus, l'équipe du tournage était très sympathique, et j'ai aussi rencontré d'autres figurants gentils et intéressants, ce qui m'a changé de la fois précédente, où un jeune homme prétentieux m'avait tenu la jambe en me parlant de ses ambitions cinématographiques.

En conclusion, cette journée (de 15 heures tout de même) de travail m'a profondément donné envie de découvrir la vie de Bob Dylan, ainsi que de voir ce film, qui en est pour le moment à la moitié du tournage. Encore un mois au Québec, puis le montage, puis la post-production etc. Je ne sais quand le film sera sur les écrans, mais une chose est sûre, il a l'air très intéressant, riche et instructif, un peu tordu aussi (faut être tordu pour imaginer les différentes facettes d'une personnalité et les faire jouer par des hommes et des femmes distincts !), avec de bonnes performances d'acteurs.

I'm not there, de Todd Haynes, prochainement sur vos écrans...

Et en rédigeant ceci, j'écoute bien sûr Bob Dylan, l'album du «virage électrique»,
Highway 61 revisited
(CBS music products Inc., 1965)

Journal d'hirondelle



J'ai déjà reçu (merci Amazon !), et lu le dernier "enfant" d'Amélie Nothomb, Journal d'hirondelle, sorti en France le 22 août dernier, toujours aux Éditions Albin Michel.
Je vous en parlerai bien sûr d'ici quelques semaines !

18 août 2006

Retour aux origines

Fortune de France (tome 1), de Robert Merle, Éditions de Fallois, 1992 (édition originale parue en 1977), 445 pages.

Avant de vivre au Canada, avant de travailler dans mon domaine actuel, je me destinais (probablement) à une carrière de professeure d'histoire-géo, ou de chercheure, ou historienne. En tout cas, j'avais la passion de l'histoire, de tout ce qui avait façonné le monde pour en arriver où nous en sommes aujourd'hui. Je m'intéressais particulièrement à l'histoire dite «ancienne» (grecque et romaine) et à l'histoire moderne et contemporaine. L'histoire médiévale, quant à elle, m'attirait moins, tout ces rapports de force, de seigneur à vassal, toutes ces guerres, cette violence me rebutaient quelque peu. Il faut dire que mes professeurs d'université semblaient peu enthousiastes vis-à-vis de leur spécialité. Si j'avais eu Robert Merle comme professeur, c'est certain qu'aujourd'hui, je serai une prof d'histoire médiévale passionnée !
Robert Merle est né en Algérie en 1908. Il fait ses études secondaires et supérieures à Paris. Licencié en philosophie, agrégé d'anglais, docteur ès lettres, il a été professeur de lycée, puis professeur titulaire dans les facultés de lettre de Rennes, Toulouse, Caen, Rouen, Alger et Paris-Nanterre où il enseigna jusqu'à sa mort en 2004.
Dans cette véritable saga (Fortune de France) dont je n'ai pour le moment lu que le premier tome (sur un total de 13...), il se fait porte-parole de Pierre de Siorac, issu d'une famille protestante, et nous conte l'histoire de cette famille, tout au long de la seconde moitié du XVIème siècle. En ces temps troubles, la vie de la famille de Siorac ne sera pas de tout repos. L'opposition entre les catholiques et les protestants fait rage à ce moment là, pour atteindre un point culminant lors du massacre de la Saint-Barthélémy, en 1572. Le roi Henri IV, protestant, mettra un terme à ces guerres de religion en signant le 30 avril 1598 l'Édit de Nantes.

« Pierre de Siorac, le personnage qui dit "je" dans Fortune de France, naît en 1551, dans le Périgord méridional, d'un père huguenot. Sa maison s'élevait non loin de Sarlat, à la croisée de deux villages qui, au XVI ème siècle, s'orthographiaient Taniès et Marcuays. Autour de Pierre de Siorac s'organise un récit concentrique, dont le premier cercle est une famille, le second, une province, le troisième, un royaume, mais sans que les princes reçoivent ici plus d'attention que nécessaire pour comprendre l'heur ou le malheur de ceux qui, en leur lointaine sénéchaussée dépendaient de leurs décisions.» (Avant-propos par Robert Merle)
Évoquer sans passéisme le passé, dit Robert Merle, est pour moi une démarche de même nature qu'anticiper l'avenir : retrouver le présent en s'en évadant (double plaisir), exciter mon imagination par le dépaysement, user voluptueusement d'un langage nouveau, proposer enfin à ceux qui en ont cure quelques leçons oubliées.
La particularité de cet ouvrage est en effet que Robert Merle écrit en ancien français. Nous avons accès à un glossaire en fin de livre, qui nous aide à la compréhension de certains mots. Mais une chose m'a frappée, certains mots d'anciens français ressemblent vraiment à des mots québécois utilisés aujourd'hui !
Voici un extrait qui m'est particulièrement cher (p. 332) :
En effet, l'action se situe ici exactement dans la rue où j'ai vécu pendant 20 ans ! Au bout de cette rue, il y a une grande maison, entourée de hauts murs. À côté, une petite place, avec une croix, comme il se doit. Autour, quelques champs, d'autres maisons, de nouvelles constructions. Cette grande maison est celle où Étienne de La Boétie est mort, avec, à son chevet, Michel de Montaigne. Pas n'importe qui tout de même ! J'ai toujours été imprégné des ces noms (mon école primaire était l'école La Boétie), et voilà qu'un livre immortalise à jamais ces lieux de mon histoire à moi.
C'est de cela qu'est imprégnée cette grande saga de Robert Merle : une réalité historique certaine à travers le récit romanesque d'une famille et de personnages très attachants.
À mettre entre toutes les mains pour se réconcilier avec cette époque, qui marque la fin du Moyen-Âge, le début de la Renaissance et la transition vers l'époque moderne. On ne peut également s'empêcher de trouver des similitudes avec notre époque contemporaine, qui voit encore aujourd'hui tant de guerres et de colères liées aux différences, qu'elles soient religieuses, culturelles ou autres. Mais ceci n'est pas nouveau... Et le débat sur le rôle de l'Histoire aura lieu un autre jour... !
Ceci dit, j'ai hâte au tome 2 !
En écrivant ceci j'écoute cela : Patricia Barber ~ Verse (EMI ~ 2002)

08 août 2006

O.V.N.I.


La Flouve, le parfum de Balzac, de Lise Bissonnette, éditions Hurtubise, 128 pages.

«La flouve est le nom français de ce qu’on appelle au Québec le foin d’odeur. Une graminée poussant au hasard, sans prétention, folle au vent mais résistante.» Lise Bissonnette

Lise Bissonnette est Présidente directrice générale de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, nouvel établissement culturel national né de la fusion de la Grande bibliothèque du Québec, de la Bibliothèque nationale du Québec et des Archives nationales du Québec. Mme Bissonnette était auparavant, directrice et éditrice du quotidien Le Devoir. Elle a exercé cette fonction pendant huit ans. Auparavant, elle a été journaliste pour de nombreux médias : The Globe and Mail (Toronto), Le Soleil (Québec), L'Actualité (Montréal), etc.

Pendant une vingtaine d’années, elle a donné régulièrement des conférences sur la politique et la
culture québécoises à la demande de divers organismes, au Québec, au Canada, aux États-Unis et en Europe, et a été invitée comme analyste ponctuelle à diverses émissions d’affaires publiques, en radio et télévision.
Lise Bissonnette est l’auteur de deux recueils de chroniques culturelles et politiques, La passion du présent (1987), Toujours la passion du présent (1998) et de quatre ouvrages de fiction : Marie suivait l’été (1992), Choses crues (1995), Quittes et doubles, Scènes de réciprocité, recueil de nouvelles (1997) et Un lieu approprié, roman (2001), tous publiés chez Boréal. En 2001, elle a aussi publié un essai Des lettres et des saisons, dans la série Écrire proposée par les Éditions Trois-Pistoles.
Elle est, depuis mai 2004, membre de l’Académie des lettres du Québec.

O.V.N.I. sur ce blog et O.V.N.I. dans la littérature québécoise, comme le précise son auteure («inclassable»), La Flouve nous raconte l'histoire d'une maison, la maison que Lise Bissonnette a acquise avec son conjoint en 2001 sur les rives de la Rivière-des-Prairies.
Le livre est difficile à classer, car il appartient à plusieurs genres: essai et fiction, histoire et littérature. Il fait appel, selon Le Devoir, autant à la réalité qu'au monde de l'invention.
L’ouvrage est à ce point inclassable que l’auteure plaint le pauvre bibliothécaire qui aura à le cataloguer.
Voici l’histoire d’un lieu, La Flouve – du même nom que cette plante sauvage qui pousse encore dans son jardin – qui a survécu au temps et à la misère, comme l’herbe sous le pavé, indocile, chétive et même rebelle. Ce livre contient également une nouvelle inédite de l’auteure, d’une vingtaine de pages.
De maisonnette bleue, sur la boulevard Gouin, à Bordeaux (Le Bordeaux de Montréal...), elle devient un espace de vie tout à fait contemporain, rempli d'art et de livres.
Nous voyons l'élaboration de cette véritable "oeuvre d'art", des plans proposés par Pierre Thibault (allez voir dans les projets, vous trouverez quelques photos de La Flouve), à la construction (par l'entreprise Praxi) autour de la maison originale. Cette dernière est totalement intégrée à la construction finale.
À travers cela, nous suivons l'histoire de la maison bleue, la vie de ses habitants, basée sur des recherches historiques et généalogiques. Lise Bissonnette nous entraîne alors dans l'histoire d'un quartier, situé en bordure de la Rivière-des-Prairies, où une dizaine de familles vivaient au 19ème siècle à l'ombre du moulin du Gros-Sault.
À la fin, nous retrouvons une nouvelle assez originale : Balzac et Banville observent l'une des habitantes de cette maisonnette, la première qui a appris à signer de son nom. Les deux auteurs discutent du destin de cette femme, qui sent la flouve, le foin d'odeur.

Le livre est agrémenté de nombreuses photos, qui illustrent toutes les étapes de la construction de la maison. Le livre se distingue par son iconographie riche et soignée.

Cet ouvrage est très intéressant pour les mordus d'histoire (comme moi) et les architectes et artistes en herbe. Il pose aussi la question de savoir comment conserver le patrimoine d'un lieu tout en le faisant évoluer vers quelque chose de nouveau. En écrivant ce livre, Lise Bissonnette permet de garder une trace de cette maison bleue sur les bords de la Rivière-des-Prairies. Cette maison aurait probablement été rasée ou perdue, et avec elle une partie de l'histoire du Québec. Bien sûr, l'entreprise de Lise Bissonnette et de son conjoint n'aurait pas pu être réalisée par n'importe qui, car il a fallu des moyens importants et des rêves un peu fous pour mener à bien ce projet énorme.
Mais avec sa très belle plume, Lise Bissonnette arrive à nous faire partager sa passion pour ce lieu, qu'elle a agrémenté d'une salle d'écriture... et d'une bibliothèque, bien sûr.
Elle arrive ainsi à nous faire rêver...
« Lors de notre dernier salon, j’ai raconté mon emballement face au récent ouvrage de Lise Bissonnette, La Flouve (Hurtubise HMH). Une œuvre inclassable coiffée d’un titre bizarre, où l’histoire, l’architecture et la littérature font si bon ménage. J’y ai trouvé une manière inspirante de raconter la vie d’une maison que rien ne destinait à la postérité, le modeste écrin culturel où elle fut érigée, son prolongement dans le temps et l’espace, ces âmes qui l’ont habitée, celles plus récentes qui y ont cherché refuge. Je ne veux pas trop vous en dire, mais la recherche dans les archives est livrée avec une véritable intelligence et une plume magnifique.

Et pour moi, la joute oratoire - le dernier chapitre, assez risqué et bien réussi - entre Banville et Balzac, reste inoubliable. Les deux coqs littéraires s’étirent le cou des rayons de la bibliothèque du médecin et argumentent toute une nuit sur la nature du rapport entre le bon docteur et Célina, cette patiente qui sent la flouve, ce foin d’odeur, la presque lavande. Simplement pour la description de la tenue de Célina, ça mérite une lecture à voix haute !
»
Ariane Émond, site d'Alternatives
En écrivant ceci, j'écoute cela : The Girl with the Pearl Earring, Alexandre Desplat
Et bien sûr, toujours pour des raisons que j'ignore, je n'arrive pas à placer de photos dans ce billet... Je commence à penser sérieusement à changer de "fournisseur de blogs". Connaissez-vous une plate-forme bloggesque digne de ce nom ? J'aimerais avoir assez de connaissances informatiques pour utiliser DotClear mais tout ça est du charabia pour moi alors si vous avez des suggestions...
Bon, finalement, j'ai réussi, mais en combien de temps ? Et même pas comme je voulais en plus...