29 février 2012

L'École des films

L'école des films, David Gilmour, Bibliothèque Québécoise, 2011 pour cette édition (2008 pour l'édition originale), traduit de l'anglais par Sophie Cardinal-Corriveau

Je viens de finir ce livre génial. Ça me donne l'occasion de vous diriger vers le billet que mon ami Stéphane, chroniqueur d'un soir, avait écrit sur ce blogue au sujet de L'école des films. C'est ici.
Je ne rajouterai pas une critique complète du livre, Stéphane l'a très bien fait. Juste dire que même sans enfant, ce livre fait beaucoup réfléchir. La décision que l'auteur prend vis à vis de son fils est touchante. Le père, certes très disponible (ce qui n'est malheureusement pas le cas de tous les parents), agit avec une grande ouverture, beaucoup d'écoute, de confiance et d'amour.
Si on peut en effet reprocher la sélection de films effectuée par le père, excessivement centrée sur le cinéma américain des années 50-70, on devine une volonté de bâtir chez son fils une culture cinématographique classique nord-américaine. Dommage de ne pas trouver plus de films européens, asiatiques, et que dire des films québécois, totalement absents. Les films canadiens se résument à David Cronenberg. Après, on s'étonne que les Oscars américains oublient Theo Angelopoulos lors de la présentation des personnalités du cinéma décédées cette année, ou que notre ministre conservateur du patrimoine canadien ne connaisse pas Atom Egoyan.
Peu importe, il s'agit de ses choix, les choix subjectifs d'un critique de cinéma de métier. Et quels que soient ces choix, l'expérience - si l'on peut appeler cela ainsi - reste fascinante, l'écriture, fluide, et l'on a réellement envie de visionner ces films après avoir lu le livre (on trouve d'ailleurs une liste de tous ces films en fin de livre). Et on a aussi envie de savoir comment va Jesse, le fils de l'auteur, ce qu'il fait aujourd'hui, et surtout, surtout, s'il est heureux.

On peut justement visionner une petite entrevue du père et du fils ici (le moins qu'on puisse dire, c'est que David Gilmour est plus bavard que son fils...)

[Lætitia Le Clech]

Humeur musicale : Marianne Faithfull, Before the Poison (Naive, 2004), ou comment faire un album sur lequel collaborent quelques-uns de mes artistes anglophones préférés : Marianne Faithfull entourée, pour l'écriture de l'album, de Nick Cave, PJ Harvey, et Damon Albarn (Blur)

18 février 2012

Habibi

Habibi, Craig Thompson, Éditions Casterman (pour la version en français), collection Écritures, 2011

L'édition française (Casterman)
Cinq ans que nous attendions le nouvel ouvrage de l'auteur de bandes dessinées américain Craig Thompson. Cinq ans à suivre son blogue Doot Doot Garden pour savoir l'état d'avancement de son travail.
Habibi est enfin là, entre nos mains, énorme œuvre de presque 700 pages, agrémentée de notes et de traductions de deux poèmes.
Et là, on comprend la somme de travail, de recherches effectuées par l'auteur, dans le but de nous offrir ce résultat somptueux.
Presque dix ans après la bande dessinée initiatique Blankets, qui a été mon initiation aux romans graphiques, Craig Thompson, qui est demeuré depuis tout ce temps ma référence en la matière, nous amène complètement ailleurs. Si on se demande ce qui l'a poussé à se pencher sur cette histoire d'amour singulière, on ne peut qu'admirer l'acharnement et la passion qui l'ont animé pour mener cette histoire jusqu'à sa conclusion.

L'édition américaine (Pantheon)
Habibi, c'est quasiment l'histoire de l'humanité, à travers l'amour que se vouent Cham / Zam (Habibi) et Dodola, dans un décor à la fois futuriste et antique. L'auteur traite dans son livre de notre rapport à la nature, à l'autre, tout cela en illustrant son histoire par des paraboles tirées du Coran et de la Bible. Si le fond s'en va parfois vers une fable apocalyptique qui n'évite pas certains écueils et raccourcis (notamment par la vision simpliste de la pollution par l'homme, et une appréhension plutôt personnelle de la sexualité), la forme nous subjugue littéralement.
Le dessin est d'une telle précision, quasiment hypnotisante, trait fin noir et blanc, détails arabisants pour illustrer les différents chapitres.
Un travail impressionnant et érudit qui fait de Craig Thompson un auteur tout à fait singulier et remarquable dans le monde de la bande dessinée.
Pour ceux qui pensent encore que la BD se résume aux supers héros et aux comics américains, Habibi est un bon moyen de découvrir un récit très riche et imaginatif, à la narration aussi complexe que celle d'un roman.
Si vous savez lire l'anglais, l'édition américaine vaut vraiment le détour. Dommage que Casterman n'ait pas reproduit l'enveloppe originale.

Libé en parle (Éric Loret)
Et Télérama aussi (Jean-Claude Loiseau)

[Lætitia Le Clech]

Humeur musicale : John Coltrane, Best Of (Blue Note)