31 mai 2006

Pour poursuivre sur ma lancée bédéesque...

Une petite note ce soir pour évoquer ma lecture du jour. Durant ma longue pause de cette après-midi, j'ai eu le temps de lire une autre bande dessinée. Il s'agit de Pattes de velours, de Bertho (scénario) et Korkydü (dessins).
Une histoire toute simple et mignonne : Antoine est célibataire, encore amoureux de son ex (qui le mène en bateau), et à moitié dépressif. L'arrivée inopinée d'un chat, qui s'installe chez lui, va lui permettre de retrouver la propriétaire du mignon minou, de tomber amoureux d'elle, et de mettre en oeuvre, grâce au chat, des stratégies pour la revoir et la séduire.
Il n'y a rien d'extrêmement original dans cette histoire mais c'est très agréable à lire et les dessins jolis à regarder... Bref que du bonheur.

Et ce soir, avant d'aller me coucher, j'écoute : Beth Gibbons & Rustin Man ~ Out of Season (Barclay/Universal, 2002)

Pilules bleues ~ Frederik Peeters

Aujourd'hui, je vous amène vers des rivages inhabituels, j'ai nommé la bande dessinée !
J'ai toujours aimé la bande dessinée, et déjà quand j'étais plus jeune et en âge d'aller à la bibliothèque toute seule, j'empruntais toujours des tonnes de bandes dessinée, plus elles étaient épaisses, plus ça me plaisait, car ainsi ça me durait plus longtemps...
Sous l'influence de mon frère plus âgé, je me suis tournée assez rapidement vers la B.D. dite "pour adultes", ce qui n'a pas la même signification que pour les films...héhé ;-)
La B.D. pour adultes traitait de sujets de société, les personnages étaient plus fouillés, les aventures plus réalistes. Je me trouvais parfois avec entre les mains de véritables bijoux que je regardais pendant de longues minutes avant de les lire.
Le graphisme de certaines bandes dessinées me fascinait, je trouvais ça vraiment beau.
Cependant je n'ai jamais poussé ma quête beaucoup plus loin, me contentant d'en emprunter régulièrement à la bibliothèque et me délectant de certaines.
Depuis quelques semaines, je me suis remise à en emprunter à la bibliothèque. J'essaye parfois de trouver des titres conseillés par d'autres blogueurs passionnés de bande dessinée, comme Stella sur T'as pas un truc à lire ?, mais c'est parfois difficile car certains de ces livres ne sont pas encore sortis au Québec (je trouve parfois des titres plus anciens, comme cela a été le cas hier avec Craig Thompson, mais cela sera l'objet d'un autre article...).
Alors je me contente de parcourir les rayons, et d'en attraper une qui attire mon oeil, de la feuilleter et de la remettre à sa place ou de l'emporter avec moi...
La semaine dernière, je suis tombée sur ce livre, Pilules bleues, de Frederik Peeters, une magnifique couverture rouge pétant, une maison d'édition et une collection aux noms inspirants, Atrabile, collection Flegme.
Je l'ouvre, le feuillette : les dessins, noir et blanc, très beaux; beaucoup de dialogues. Le décor est planté. J'adore. Je le prends.
Comme c'est écrit sur la couverture, « Frederik Peeters est d'origine tulipe et gouda, et est né en 1974 (c'est la série des auteurs de 31 ans, après Olivier Adam !) à Genève. Il ne cesse depuis de se débattre, coincé quelque part entre la vie réelle et les histoires qu'il raconte :
Fromage confiture, Atrabile
Brendon Bellard, Atrabile
Les miettes (avec Ibn Al Rabin), Drozophile
Constellation, L'Association
Lupus - 2 volumes parus, Atrabile
Koma (avec Pierre Wazem) - 2 tomes parus, Les Humanoïdes Associés
Onomatopées, Cadrat Éditions »
Pilules bleues parle d'une rencontre amoureuse entre Frederik et Cati, qui a un petit garçon. Mais seulement, les choses ne sont pas aussi simples...
Très simplement, l'auteur rend le lecteur témoin de cette rencontre et de son évolution, face à la maladie. Les détails ne sont pas évités, mais jamais nous ne nous sentons mal à l'aise dans cette histoire.
Voici une très bonne critique (que j'aurais quasiment pu écrire, tant je suis d'accord avec !) que j'ai trouvée ici : «A travers une histoire simple et des thèmes universels (l'amour, la mort) et avec un brio qui nous laisse encore pantois, Peeters nous envoie une bonne claque à travers le nez tout en nous remplissant le coeur de sentiments généreux. Il nous parle de sa rencontre et de son histoire avec son amie, de ce maudit virus qui va bouleverser la donne, et de toutes les émotions les plus contradictoires qu'il va devoir apprendre à gérer: compassion, pitié, ou amour pur et inaltérable ? Plus frais et positif que noir et fataliste, ''Pilules Bleues'' nous invite, sans sensationnalisme, à regarder sous un angle jamais abordé le quotidien de la maladie, tout en nous balançant quelques vérités surprenantes et bien senties sur le sujet. Malgré la gravité du thème, ''Pilules Bleues'' se présente comme une oeuvre remplie de fraîcheur et d'humour qui ne devrait laisser personne de marbre.»
Pilules bleues se présente comme un retour aux choses essentielles, à un amour pur et sans conditions, une ouverture à l'autre qui nous fait parfois défaut. Les passages chez le médecin, et particulièrement les pages 100 à 139, sont extraordinaires et très touchants, tout en étant très drôles.
Je conseille vivement...
En écrivant ceci, j'écoute cela : Jorane ~ 16mm (Tacca musique, 2000)

30 mai 2006

Falaises ~ Olivier Adam

Editions de l'Olivier, 2005, 206 pages.

Biographie de l'auteur :
Olivier Adam est né en 1974. Il a grandi dans la région parisienne. Il a déjà publié quatre romans, avant Falaises :
Je vais bien, ne t'en fais pas (La Dilletante)
A l'Ouest (Éditions de l'Olivier)
Poids léger (Éditions de l'Olivier)
Passer l'hiver (Éditions de l'Olivier)
Il écrit également pour la jeunesse (École des Loisirs).

Poids léger a été adapté au cinéma, par Jean-Pierre Améris, en 2004.
Au Québec, Falaises était en lice pour le prix des libraires 2006 (voir ici), dans la catégorie roman hors Québec. Il n'a pas gagné.
Extraits :
«J'ai trente et un ans et ma vie commence. Je n'ai pas d'enfance et, désormais, n'importe laquelle me conviendra. Ma mère est morte et tous les miens s'en sont allés. La vie m'a fait une table rase où Claire et moi nous nous asseyons, où Chloé s'est invitée, un sourire très doux au coin des lèvres.» (page 14)

«On ne sait jamais rien de ce qui se noue entre les êtres, eux-mêmes souvent l'ignorent, et le découvrent en se perdant» (page 73)

«Je marche sur les pas de ma mère, je vais vers sa mort, plusieurs fois je tombe et mes genoux sont couverts de terre meuble, dans la paume de mes mains s'infiltre la boue, crissent des cailloux. Bientôt j'atteins le sommet des falaises, elles s'échancrent et se brisent sur des kilomètres. Je ne vois rien et le vent me colle en arrière, me saoule et me brûle les yeux. Je m'avance jusqu'au bord extrême, je pourrais fermer les yeux et tenter de deviner où s'arrête la terre, faire ce pas de plus qui me clouerait au sable, démembré, déchiqueté, fracassé des dizaines de mètres en contrebas.» (page 128)

«J'ai trente et un ans et rester en vie a longtemps été pour moi une activité à plein temps, un programmes, un horizon. Garder un semblant d'équilibre. Ne pas tomber en miettes ni fondre en larmes. Ne pas m'enfoncer, me laisser entraîner par ceux qui sont loin désormais, à qui j'étais lié et dont le poids me leste.
J'ai trente et un an et peu importe. Je sais le poids des morts. Et je sais le mauvais sort. Je sais la perte et le saccage, le goût du sang, les années perdues et celles qui coulent entre les doigts. Je connais la profondeur des sables, j'en ai éprouvé la résistance, la matière meuble, équivoque. Je sais que rien n'est fiable, que tout se défait, se fissure et se brise, que tout fane et que tout meurt. La vie abîme les vivants et personne, jamais, ne recolle les morceaux, ni ne les ramasse.» (page 204)

J'ai débuté ce livre hier soir, pour ne plus le lâcher que terminé, à 2h du matin.
C'est drôle car l'histoire se déroule en l'espace d'une nuit, durant laquelle le narrateur se remémore la mort de sa mère, quand il avait 11 ans, 20 ans jour pour jour auparavant. J'avais peut-être l'impression d'être avec lui, de parler avec lui, de l'écouter raconter des bribes de souvenirs. Ce qui est certain, c'est que je ne voulais pas le quitter. Je ne voulais pas refermer son histoire à peine commencée... Je l'ai donc lu jusqu'au bout.
Par certains aspects, ce livre m'a rappelé un peu le film Tarnation, autoportrait bouleversant de Jonathan Caouette (si vous ne l'avez pas vu, courrez-y !), 31 ans, qui dès l'âge de 11 ans (les similitudes entre les âges sont même troublantes !), décide de filmer la chronique chaotique de son enfance dans une famille texane. Il nous entraîne dans un tourbillon psychédélique à partir d'instantanés, de films d'amateur Super-8, de messages enregistrés sur répondeur, de journaux intimes vidéo, de ses premiers courts métrages et de bribes de la culture pop des années 80, accompagnés de scènes reconstituées, pour tracer le portrait d'une famille américaine éclatée par de multiples crises mais réunie par la force de l'amour.
Mais Falaises est un livre, et à la différence de Jonathan Caouette, le narrateur ne possède pas de souvenirs, ce qui rend l'exercice plus difficile et périlleux pour l'auteur.
Mais l'objectif est atteint, et pour ne pas l'avoir lâcher pendant deux ou trois heures (sur la fin je lisais moins vite ;-), je peux dire que j'ai été submergée par l'écriture mélancolique d'Olivier Adam, son style particulier, et par cette histoire tragique.
Rien ne nous indique que ce roman est autobiographique, mais les émotions sont senties et fortes, j'ai même trouvé dans des commentaires appartenant au blogue Voyage au bout de la lettre le témoignage suivant :
«J'avais l'impression que [le livre] "parlait" dans ma tête. Qu'il avait mis des mots sur mon chagrin et retranscrit point par point, pleur après pleur, culpabilité après culpabilité, ce que peut ressentir un enfant lorsqu'il perd sa mère dans de telles circonstances. Peut être qu'un jour je finirai "falaises"... alors, peut-être, je serai guérie.»
Petit bout par petit bout, le narrateur nous parle de la mort violente de sa mère, de la relation plus que difficile (impossible ?) avec le père, de ce magnifique lien entre le narrateur et son frère, Antoine : «Mon frère et moi, nous ne nous étions jamais parlé. Nous n'avions jamais eu de conversation. Nous n'avions rien à nous raconter, rien à nous prouver, nous nous aimions d'un amour infini, c'est tout(page 112)
Quand il évoque sa femme et sa fille, tout devient lumineux. «Aujourd'hui, plus rien ne me touche. Plus rien sinon Claire et Chloé. Et cette nuit, je ne parlerai pas d'elles. Non. Ou du moins pas vraiment. Non, je ne dirai rien d'elles, par superstition peut-être, oui, sûrement, pour les arracher l'une et l'autre au mauvais sort, à la malédiction. Je parlerai d'elles un autre jour, une autre nuit, et alors je dirai le rire de ma fille et ses cheveux contre ma joue, et je dirai le regard mélancolique de Claire et ma tête enfouie entre ses seins, ses mots simples et justes qui me font marcher debout, la tendresse qui nous tient, la consolation de vivre dans ses parages.» (page 173)
Ces rares passages amènent un baume à travers la violence du récit : la mort, l'incompréhension, les pulsions destructrices (drogues, alcool), la fuite (par le suicide, par le voyage). Et ce sont ces rares passages qui vont l'emporter, laissant le narrateur (et le lecteur) avec le goût amer de ses souvenirs dans la bouche, mais l'envie irrépressible d'être là, pour sa femme, pour sa fille, et un peu pour lui aussi.
En rédigeant ceci, j'écoute cela : Rufus Wainwright ~ Want two (Universal - 2004)

23 mai 2006

Marie-Jo Thério ~ Cabaret Music-Hall le 12 mai 2006

Marie-Jo Thério est née à Moncton, au Nouveau-Brunswick, et a grandi auprès d'une mère chanteuse et de trois frères musiciens. À 10 ans, elle entreprend des cours de piano, et commence à écrire, peu après, ses premières chansons. À l'âge de 17 ans, elle part à Montréal pour étudier la littérature et se retrouve dans les cafés et petites salles de spectacles de Montréal, derrière son piano. Après un court passage sur les plateaux de télévision, elle décide de se consacrer à la musique.
En 1995, paraît son premier album Comme de la musique. Quatre ans plus tard, elle sort La Maline et monte le spectacle Arbre à fruits, arbre à fruits. Acadienne dans l’âme, mais également amoureuse des voyages et de la découverte, Marie-Jo Thério habite, depuis l’hiver 2004, en France. Première artiste canadienne à avoir signé un contrat avec la maison de disques Naïve, elle lançait récemment là-bas son troisième album, Les matins habitables, qu’elle a coréalisé avec son complice Oliver Bloch-Lainé. Enregistré chez elle, ce disque regroupe de nouveaux titres et quelques chansons déjà parues sur des albums précédents.

J'étais curieuse de découvrir cette acadienne dont tout le monde parlait. D'ailleurs, c'est en la voyant dans l'émission Tout le monde en parle qu'instantanément je me suis décidée à acheter deux places pour son spectacle. Elle avait un petit quelque chose de juste assez touchant et d'un peu fou, et d'absolument charmant, enfin bref j'étais sous le charme sans la connaître quoi... En voyant en plus un extrait de concert, où l'on pouvait ressentir l'émotion et l'intensité de l'artiste, même à travers l'écran de télévision, je me suis dit qu'il ne fallait pas que je loupe une expérience scénique comme celle-ci...
Malheureusement, les spectacles dont on nous parlait dans l'émission étaient déjà tous complets. Mais la chanteuse (ou son producteur ? :-) a eu l'heureuse initiative d'offrir une semaine entière de supplémentaires à Montréal (toutes complètes elles-aussi en quelques jours), au mois de mai, dans la petite salle du Cabaret Music-Hall.
Malheureusement (bis), cette salle, si elle permet une certaine intimité et force la communication entre l'artiste et son public, n'est pas des plus confortables et des mieux agencées pour assister à un spectacle. Par exemple, le balcon, où nous étions, ne permet pas d'être face à la scène, ce qui est embêtant pour voir ce qu'il se passe, vous en conviendrez. Alors on se retrouve à se tordre le cou pour y voir quelque chose...
Passés ces inconvénients un peu décourageants, le spectacle en lui-même n'a pas été décevant. Tout ou presque a été dit sur cette tournée. Marie-Jo Thério a été acclamée ici (Québec) et ici (Sherbrooke) et aussi ici (Montréal)... Et aussi dans le journal Le Devoir, mais l'article est verrouillé...
La musicienne-chanteuse nous a fait entrer dans l'univers de son dernier album, Les matins habitables, en nous racontant des histoires inspirées par chacune de ses chansons.
Ainsi nous suivons son héroïne, qui s'installe au Café Robinson, à Moncton.
Marie-Jo Thério est à la fois poète, chanteuse et humoriste, et ne se gêne pas pour faire participer le public à son grand feu de joie (Cozy Fire), celui-ci (le public) le lui rendant bien.
Les musiciens (Bernard Falaise à la guitare, Fred Boudreault à la basse et contrebasse, Michel F. Coté à la batterie et aux percussions) ont été excellents et complices, juste ce qu'il faut.
Ainsi on a partagé pendant presque deux heures un moment déjanté avec cette artiste exubérante (mais elle n'a pas l'air comme ça, elle semblerait même presque timide !), qui parle beaucoup, et peut-être un peu trop. À un moment, on se demandait si la chanson allait partir ou pas... Mais c'était ça aussi, ce spectacle : un peu d'improvisation (contrôlée) avec beaucoup d'humour. Quand Marie-Jo se met à parler en chiak, elle devient complètement craquante et hilarante ! (Le chiak est un vernaculaire parlé en Acadie (province canadienne du Nouveau Brunswick) qui développe des structures originales à partir d'une hybridation avancée du français et de l'anglais. Il est généralement incompréhensible pour un francophone comme pour un anglophone. Source : Paul Laurendeau, La langue québécoise: un vernaculaire du français, Itinéraires et contacts de cultures, vol. 6, Paris - Québec, L'Harmattan, pp 91-106)
En conclusion, un spectacle et une artiste comme on les aime, le pack tout inclus en fait : voix, sensibilité, communication, générosité. Touchée...

Marie-Jo Thério poursuit sa tournée à travers le Québec jusqu'en novembre, avec quelques pauses françaises en juillet.
En rédigeant ceci, j'écoute cela : Nick Cave ~ The Boatman's Call (Mute - 1997)

18 mai 2006

Le prix des Libraires du Québec 2006


(Cliquez sur les photos et vous aurez un descriptif de chaque auteur et de son roman)

Avec un peu de retard mais à la demande générale de mes lecteurs assidus (rien de moins), je vais vous parler de la remise du prix des Libraires 2006, qui a eu lieu le lundi 8 mai dernier(ouhlala ça commence à dater...).
La «compétition» opposait cette année, dans la catégorie romans québécois : Nicolas Dickner, avec Nikolski, aux éditions Alto, Gilles Jobidon, avec L'âme frère, aux éditions VLB, Francine Noël, avec La femme de ma vie, aux éditions Leméac, Marie Hélène Poitras, avec La mort de Mignonne et autres histoires, aux éditions Triptyque, et Yvon Rivard, avec Le siècle de Jeanne, aux éditions Boréal.
Je n'en connais que deux dans cette liste (Nicolas Dickner, dont j'ai parlé par ici, et Marie Hélène Poitras), et les deux sont un régal. J'avais comme un pressentiment que l'un des deux l'emporterait. Je penchais d'ailleurs plus vers Marie Hélène Poitras...
And the winner is : Nicolas Dickner avec Nikolski ! Et oui, le jeune auteur a remporté son troisième prix littéraire cette année, après le prix Anne-Hébert, et le prix des Collégiens.
Pour tous ceux qui sont curieux de découvrir ce livre (et qui n'habitent pas le Québec), sachez qu'il sortira en France aux Éditions Denoël au printemps 2007. Encore un peu de patience les amis...
Dans la catégorie roman hors Québec, nous trouvions en nomination Olivier Adam, avec Falaises, aux éditions de l'olivier, Khaled Hosseini avec Les cerfs-volants de Kaboul, aux éditions Belfond, Audrey Niffenegger, avec Le temps n'est rien, aux éditions Michel Lafon, Éric Paradisi avec La peau des autres, aux éditions Gallimard, et Amanda Sthers avec Chicken street, aux éditions Grasset.
Le gagnant dans cette catégorie est Khaled Hosseini avec Les cerfs-volants de Kaboul.
Un autre compte-rendu ici.
Pour information, Nicolas Dickner a maintenant sa chronique dans l'hebdo culturel et gratuit du Québec, le journal Voir, et vous pourrez la lire en allant ici, et en cliquant sur «Hors champ» en haut en tout petit (c'est le nom de la chronique). Vous pourrez voir aussi qu'il a son blog sur le même site du journal Voir, l'ancien étant plus ou moins laissé à l'abandon (Takefu).
En écrivant ceci, j'écoute Catherine Major ~ Par dessus bord (Productions de l'onde, 2004)

02 mai 2006

Chinoises ~ Xinran


Éditions Philippe Picquier, 2003 (pour la traduction française), 328 pages.

Extrait
«L'impact de ma rubrique «Courrier de femmes» de dix minutes a dépassé toutes mes prévisions : le nombre de lettres d'auditrices a augmenté au point que j'en recevais plus d'une centaine par jour. Six étudiants devaient m'aider à dépouiller mon courrier. Les histoires qu'elles racontaient avaient eu lieu dans tout le pays, à des époques différentes durant les soixante-dix dernières années, et provenaient de femmes de milieux sociaux, culturels et professionnels différents. Elles révélaint des mondes qui avaient été cachés aux yeux de la majorité de la population, moi y comprise. Ces lettres étaient profondément émouvantes. Nombre d'entre elles contenaient des touches personnelles comme des fleurs, des feuilles ou des écorces séchées et des souvenirs crochetés à la main.»

Chinoises
Xinran est une animatrice de radio qui cherche à mieux connaître les femmes chinoises.
Elle décide de mener son enquête à travers son émission de radio diffusée la nuit. Elle recueille des témoignages, rencontre des femmes de tous les milieux, diffuse ses enregistrements et provoque le débat.
Finalement, après avoir immigré en Angleterre, elle réunit tous ces témoignages dans ce livre, Chinoises. Il a même été publié en Chine quelques temps après. Ce qui aurait été impossible auparavant, vu la teneur du propos.
Ce qui est relaté dans ce livre est assez effrayant. En plus d'en apprendre sur la condition des femmes chinoises, j'ai découvert un grand pan de l'histoire chinoise, et de certaines de ses horreurs.
J'ai été absolument bouleversée par le sort réservé à de nombreux hommes et femmes pendant la Révolution culturelle (1966-1976, selon l'historiographie chinoise, l'historiographie occidentale la considère achevée dès 1969), par le destin de ces enfants séparés de leurs parents pendant parfois plusieurs années. Et par les conséquences que ces événements ont pu avoir sur toute une génération, dont fait partie l'auteure.
Pires encore, ces récits de viols, d'abus, de mariages forcés, sur la pauvreté induisant l'ignorance et la vulnérabilité de ces femmes maintenues dans l'aveuglement.

À la question : «Où se situe la place de la femme dans la société chinoise ?», Xinran répond : «Sûrement pas au même niveau que l’homme ! Savez vous qu’en Chine beaucoup de mots utilisent l’idéogramme « femme » pour composer des mots désagréables ? Et la femme n’a pas de droits. Dans les villes jusqu’en 1990, l’homme avait le droit d’avoir une unité de travail, pas la femme. De toute façon, la Chine est un pays mâle. Les coutumes sont beaucoup plus favorables aux hommes qu’aux femmes. Toute la société a été construite pour les hommes. Les gens dans les villes voient moins de différences entre les hommes et les femmes. Elles perdurent pourtant.»
Finalement, ce livre nous montre la condition des femmes chinoises, mais ces témoignages ont de curieuses résonnances concernant d'autres pays...
Un livre universel alors ? Ce qui est sûr, c'est que ces témoignages apportent un début de compréhension culturelle, une vision de ce que les événements historiques peuvent faire subir à un peuple (on pense là au nazisme, aux extrémismes divers et variés...), et on se rend compte que l'Histoire n'est qu'éternel recommencement. Les femmes en sont souvent les premières victimes : les viols ne sont-ils pas une arme en temps de guerre ? Il n'y a qu'à penser au récent génocide rwandais.
Le débat est ouvert.
Le livre, même s'il présente de nombreux cas de résignations féminines et de soumissions à des codes et des dogmes entièrement fait par et pour les hommes, brosse aussi des portraits de femmes touchantes, qui se battent pour sauver ce qui leur reste : leur famille, leur amour, leur dignité. Poignant.

La démarche de Xinran est un aspect positif de l'évolution de la Chine et des mentalités de ce pays. Elle décrit, témoigne, montre toute l'horreur et parfois l'impensable de certaines situations. Mais jamais elle ne juge, et surtout elle ne se fait pas "justicière anti-hommes" ; au contraire elle essaye aussi d'écouter ce que les hommes ont à dire, pour preuve ces débats qu'elle provoque souvent avec son collègue de la radio.

Je vous recommande chaudement la lecture de Chinoises de Xinran, qui m'a également été conseillé par la mère de mon ami F.
Merci à elle.
À propos de l'auteure
Xinran est née en 1958 à Pékin.

Elle a été journaliste à la radio de Nankin. Pendant plusieurs années, elle a animé une émission chaque soir, intitulée Mots sur la brise nocturne.

En 1997, elle immigre à Londres où elle est journaliste pour le Guardian.

En 2005, elle publie un autre livre, un roman cette fois-ci. Funérailles célestes raconte l'histoire de Wen, qui est véridique. A l'époque où Xinran, journaliste à Pékin, recueillait les confidences des femmes dans son émission de radio (publiées dans Chinoises en 2003), elle a rencontré cette femme qui lui a raconté son histoire. Bouleversée par ce récit qui réveillait en elle un souvenir d'enfance, elle lui a consacré un livre, qui éclaire d'un jour poignant le rite des funérailles célestes.

Xinran a crée en Grande-Bretagne une association humanitaire, the Mother's Bridge of Love (MBL), le but de cette action est de permettre une meilleure intégration pour les enfants chinois adoptés par des parents non-chinois.
Plus d'infos sur la Révolution culturelle ici.
Un entretien avec Xinran ici.
En rédigeant ceci, j'écoute cela : Jack Johnson ~ On and on (Umvd Labels)