31 décembre 2008

L'immeuble Yacoubian

Je termine l'année en lisant un livre magnifique : L'immeuble Yacoubian, d'Alaa El-Aswani, auteur Égyptien.
Je ne l'ai pas terminé donc je vous en reparlerai en 2009.
Aussi, point de vue BD, je viens de terminer le tome 1 du Photographe, de Guibert, Lefèvre et Lemercier, aux Éditions Dupuis (Aire Libre). L'histoire d'un photographe qui décide de suivre des médecins de MSF en Afghanistan, en 1986. Ceux-ci sont basés au Pakistan car à cette époque, la guerre règne entre les soviétiques et les Moudjahidin (1ère Guerre d'Afghanistan). Les missions humanitaires sont donc très risquées et demandent une minutieuse préparation. L'expédition en elle-même, du Pakistan à l'Afghanistan, est très éprouvante physiquement et moralement. C'est tout cela que ce premier volume nous raconte, le tout en mélangeant les dessins et les vraies photos de ce photographe.
Magnifique.
[En faisant mes recherches, j'ai découvert que le photographe de l'histoire, Didier Lefèvre, est décédé en 2007 d'une crise cardiaque.]

Je vous souhaite à tous une bonne année 2009 et toujours plein de lectures et de découvertes culturelles !

07 décembre 2008

Somewhere Else

Pour moi qui raffole de la bande dessinée et que la musique passionne, je ne pouvais pas tomber mieux que sur cette BD de Pascal Jousselin intitulée Somewhere Else, avec en sous-titre : Jazz, confidences et oreilles de lapin.
Édité chez Treize Étrange, une collection des Éditions Milan à cette époque (Treize Étrange fait maintenant partie des Éditions Glénat), cet album regroupe seize petites histoires ayant toutes un rapport avec le jazz (par leurs titres, déjà, comme Summertime, par exemple), partant d'une mélodie ou parlant du statut de musicien, d'artiste ou du bonheur que la musique procure.
On flirte parfois avec le fantastique, qui n'est pas sans rappeler le réalisme magique de Gabriel Garcia Marquez (décidément, je le ressors beaucoup celui-là !) : une pluie de harengs pourris, le fantôme de Fred Astaire, une moquette devenue toute molle, un homme aux oreilles de lapin, et j'en passe...
Une de mes histoires préférées, Olé (comme le titre d'un album de Coltrane), montre la puissance de la musique et comment elle peut nous faire oublier le quotidien et nous transporter littéralement ailleurs. Une autre, Blasé, montre la difficulté de vivre de sa musique pour un homme, saxophoniste, qui travaille sur les toits de sa ville pour gagner de l'argent, et qui est sur le point de lâcher la musique pour vivre décemment. Sa rencontre avec l'une de ses fans changera sa façon de voir les choses.
Tant de petites tranches de vie qui viendront toucher la corde sensible des amoureux de la musique et des artistes, pas ceux, là, qui sortent des gros tubes et que l'on voit partout, mais ceux de l'ombre, qui galèrent et tentent de faire partager leur passion de la musique à tout ceux qui veulent les entendre.
À découvrir.

«Pascal Jousselin n'a pas, encore, son portrait au panthéon des auteurs incontournables, et pourtant… Son œuvre, si elle est loin d'être pléthorique, est truffée de joyaux tel ce Somewhere else venu d'ailleurs. Recueil de contes décalés et sages, cet album ne désarçonne pas, il apaise, il enchante. Nul besoin de mondes imaginaires extravagants et de sorcelleries fantasmagoriques pour voyager à des années-lumières de notre quotidien blafard. La découverte de ces quelques vies qui défilent, avec le jazz comme métronome, simples et d'une plénitude ordinaire, suffit à dépayser.»
La suite ici, sur le site de BD Gest'.


En écrivant cela, j'écoute (et regarde) le concert de Camille au zénith de Paris, qui était généreusement disponible sur le site de la chanteuse pendant une semaine, juste après le spectacle. Probablement un DVD pour bientôt (j'espère)...

24 novembre 2008

Woodpigeon


Ici et ici, des articles sur mon groupe fétiche de l'année, Woodpigeon, élu album du jour par le journal anglais the Guardian.


Jorane depuis 10 ans

J'ai reçu ce matin mon album de Jorane, cette compilation nommée sobrement Dix.
Dix, pour dix ans de création, dix ans de présence dans le paysage artistique québécois et dix ans de travail pour se faire connaître partout. C'est un album double, le premier volet contient dix chansons choisies par les fans, qui ont été sollicités cet été pour choisir une pièce de chaque album. Je n'ai pas eu le temps d'y participer même si on me l'a demandé à moi aussi :)
Le deuxième volet regroupe dix pièces qui ont été écrites pour le cinéma mais qui n'ont jamais été commercialisées sur disque.

Il y a presque dix ans, je voyais Jorane pour l
a première fois à Bordeaux, en France, dans une grande salle, trop grande pour la trentaine de spectateurs présents. Nous avons eu droit à un spectacle unique, juste pour nous... Depuis, le chemin parcouru par Jorane est impressionnant et il vaut mieux s'y prendre à l'avance pour acheter un billet ! Je n'ai cessé de la suivre depuis toutes ces années, allant à chacun de ses spectacles et achetant chacun de ses albums. Je crois que c'est l'artiste à laquelle je suis la plus fidèle...
J'ai eu droit à une dédicace de Jorane sur cet album, que j'ai commandé depuis plusieurs semaines sur le site de Tacca Musique, qui produit Jorane depuis le début. J'avais assez hâte de le recevoir !
Je souhaite une très longue carrière musicale à Jorane et j'espère qu'elle ravira nos petite oreilles bientôt. Pour le moment, la madame attend des jumeaux et a sûrement autre chose à faire :) !

Voici mon CD dédicacé par Jorane (les 500 premiers qui ont acheté l'album y ont eu droit...:)

Article du
Voir.
Un autre article ici.

En écrivant ce petit mot, j'écoute Jorane, Dix (Tacca Musique, 2008)

23 novembre 2008

Voyage au Proche-Orient et en Asie Centrale

L'attentat, de Yasmina Khadra, Éditions Pocket (Éditions Julliard), 2005, 246 pages
Les cerfs-volants de Kaboul, de Khaled Hosseini, Éditions Belfond, 2005, 384 pages

Je parlerai de ces deux livres ensemble puisqu'ils traitent tous deux d'événements contemporains qui nous touchent tous. De plus, la rédemption de l'un (Amir dans Les cerfs-volants...) peut faire penser à la recherche et à la compréhension de l'autre (Amine dans L'attentat). L'année de publication de ces deux livres est la même, 2005 (même si Les cerfs-volants est sorti en anglais en 2003), et leur succès à tous deux a été retentissant.
Les deux livres sont des livres coup de poing, et ces deux histoires sont si dramatiques qu'on en ressort incompréhensifs face à une telle horreur.

Le premier, L'attentat, narre l'histoire d'Amine, brillant chirurgien d'origine arabe parfaitement intégré à la vie israélienne et même naturalisé israélien. Marié, habitant dans une magnifique maison dans un quartier huppé de Tel-Aviv, il ne lui manque pas grand chose pour parfaire sa vie. Jsuqu'au jour où une femme kamikaze se fait sauter dans un café, tuant de nombreuses personnes. Amine, à l'hôpital ce jour-là, doit travailler d'arrache pied pour sauver le plus de vies possible. En soirée il est rappelé à l'hôpital pour identifier un corps : celui de sa femme. Or, celle-ci s'avère être l'auteure de l'attentat, la kamikaze.
Le sol se dérobe sous les pieds d'Amine. Commencera alors une véritable quête pour le brillant chirurgien qui, dans sa bulle dorée, n'a rien vu venir, n'a rien senti, et surtout ne peut pas comprendre que l'on agisse avec une telle violence pour défendre une cause dans laquelle il ne se sent pas investi.
Son retour vers ses racines, son obsession de la vérité et son entêtement l'emmèneront dans les pires situations de sa vie, jusqu'à atteindre un point de non-retour.
La quête de cet homme est saisissante, car elle touche non seulement à des événements très présents dans l'actualité et l'Histoire, sans tenter de prendre parti pour l'un ou l'autre camp, mais en plus, elle aborde la (mé)connaissance de l'autre. Comment un homme partageant la vie d'une femme depuis plusieurs années ne s'est-il pas rendu compte de ce qui animait celle-ci ? Le regard des autres à ce sujet est éloquent, l'accusation de complicité en premier lieu venant faire douter le narrateur lui-même, puis l'incompréhension face à sa douleur.
La méconnaissance de l'autre peut être élargie ici à la méconnaissance des autres peuples, des autres cultures, ce qui amène souvent à ces guerres incessantes.
Après Les Hirondelles de Kaboul (Afghanistan), L'attentat (Israël; Prix des libraires 2006) est le deuxième volet de la trilogie que l'auteur consacre au dialogue de sourds opposant l'Orient et l'Occident. Les sirènes de Bagdad (Irak) en est le troisième volet.
Yasmina Khadra est un auteur algérien né en 1955. Il est l'auteur d'une vingtaine d'ouvrages et a reçu de nombreux prix littéraires. Il est considéré, notamment par J.M. Coetzee, prix nobel de littérature en 2003, comme l'un des plus grands écrivains contemporains.
On peut visiter le site Internet de Yasmina Khadra ici.

«On ne parlera pas ici de beauté, le terme serait à juste titre déplacé. Mais L'attentat frémit de vérité humaine. Ne cède rien de cet humanisme lucide qui anime chacun des livres de Yasmina Khadra. Il confirme un art magistral de se saisir d'un sujet brûlant et de le mettre en scène, jusque dans ses plus insupportables contradictions» J.C Lebrun L'Humanité. 14 octobre 2005 «L'abomination aurait-elle ses raisons que notre raison ne connaît point ? Dès que cette hypothèse s'immisce, le roman se tend, prend une densité que le premier ton, narratif, n'annonçait pas forcément. Est-ce parce que l'histoire relatée en évoque tant d'autres, toutes récentes et toutes proches ? Est-ce parce que l'exploration de la psychologie du terrorisme introduit le doute dans nos mentalités occidentales (nos valeurs, notre mode de vie ne seraient-ils pas enviables ?). L'attentat est une déflagration lugubre sur cette fin d'été. Le lire, c'est attenter à sa quiétude : s'ensuit un long frisson dont on ne sait s'il est d'angoisse ou d'aise.» Etienne de Montety Le Figaro Magazine 27 août 2005


Les cerfs-volants de Kaboul est une véritable épopée, se déroulant sur plusieurs dizaines d'années de la vie du narrateur, Amir, entre l'Afghanistan de son enfance, l'Amérique de son immigration et le retour dans un pays occupé par des Talibans extrémistes.
Amir et Hassan sont très liés durant leur enfance, quasiment comme des frères, même si Hassan fait partie d'une classe sociale inférieure à celle d'Amir (et l'on voit dans le livre que cette notion est importante en Afghanistan). Mais un jour, après avoir assisté impuissant à une scène d'agression contre Hassan, Amir porte le poids de sa culpabilité et n'arrive pas à assumer le regard d'Hassan. Il le trahit alors, dans un geste irréversible. Puis c'est la guerre avec l'URSS et la fuite vers les États-Unis, à San Francisco.
Amir et son père vivent là plusieurs années difficiles, mais Amir s'en tire bien et poursuit des études. Jusqu'au jour où il reçoit un appel d'Afghanistan lui demandant de revenir car «il existe un moyen de [se] racheter» pour lui. C'est alors un retour dans un pays ravagé par des années de guerre et de luttes violentes, sous un régime menés par des Talibans sanguinaires. Il retrouvera là ses vieux démons et pourra peut-être les conjurer.

Les actes d'Amir sont condamnables, mais l'auteur nous montre toute la lourdeur que sa faute lui fait porter durant toute sa vie. Amir est marqué à jamais par ce qu'il a vécu avec Hassan, par le comportement de son père, à qui il veut absolument plaire mais qu'il n'arrive pas à atteindre, sa "faute" l'empêchant de s'affirmer.
Son retour en Afghanistan est pour lui un véritable retour sur les terres de son passé, avec tous les souvenirs que ça implique, les bons et les moins bons. Il se retrouve face à son ennemi, ce qui était un peu prévisible. Dès le début, je me doutais que l'on retrouverait ce "méchant" personnage d'Assef quelque part.
La description du régime des Talibans, qui veulent réaliser leurs idéaux, à savoir bâtir « le plus pur État islamique du monde », fondé sur une stricte application de la charia, ne fait pas dans la dentelle, et on n'a pas de mal à croire cette description. Après cette lecture, j'avais un peu plus de compréhension face à l'intervention en Afghanistan. Par contre, ce qui me laisse plus perplexe, c'est l'implication des États-Unis dans l'évolution des différents conflits reliés à l'Afghanistan, un coup avec les Talibans (en 1996), un coup contre (en 2001), mais on n'en est pas à une contradiction près, n'est-ce pas ? Ceci étant dit, cette thématique n'est pas développée dans le livre, ce sont mes recherches qui m'amènent à cette réflexion.
La partie se situant dans l'Afghanistan des Talibans est véritablement dramatique, tellement qu'à un moment donné, je me demandais quand ça allait arrêter. L'escalade dans la terreur et la violence n'en finissait plus.
Le dénouement, plus heureux que malheureux (je laisse ça vague tout de même), amène un peu de répit et laisse entrevoir un futur plus joyeux. Mais comment savoir ? C'est aussi la question que l'on peut se poser face à l'actualité des derniers mois dans ce pays déchiré, aux richesses extraordinaires, qu'elles soient minières, agricoles (y compris l'opium...) ou culturelles (L'Afghanistan actuel est la patrie de naissance de Rumi, célèbre mystique qui a influencé le soufisme). Carrefour de l'Asie Centrale, l'Afghanistan a toujours eu une histoire mouvementée, ayant été occupé par l'Empire Perse, par Alexandre Le Grand ou encore Genghis Khan. Ce qu'il sera demain reste encore incertain.

Ces deux livres m'ont vraiment tenue en haleine, d'une part par leurs histoires, toutes deux romancées, mais si ancrées dans le réel, et d'autre part par le style et les thèmes soulevés : histoire, politique, rapports interculturels et interreligieux. Des livres chocs, qui auront tous deux leurs adaptations cinématographiques : l'un est déjà sorti, Les cerfs-volants de Kaboul, l'autre est à venir... pour quand ? Si vous avez la réponse, laissez-moi un commentaire !

Ajout du 3 janvier 2009 : J'ai regardé hier soir un film que j'ai loué après en avoir lu beaucoup de bien en faisant mes recherches concernant L'attentat de Yasmina Khadra. Il s'agit de Paradise Now, de Hany Abu-Assad, qui retrace le parcours de deux amis d'enfance Palestiniens, qui doivent commettre un attentat suicide à Tel Aviv. Le sujet est traité de façon très subtile, avec un certain parti pris, mais cela permet de voir vraiment ce qui pousse ces jeunes à se tuer pour leur cause. On les comprend...ou pas. Eux-mêmes sont souvent perdus face à leurs convictions. Mais enfin, cela apporte un pierre de plus sur ce sujet traité amplement dans L'attentat et aussi dans Les sirènes de Bagdad, du même auteur. À voir.

En écrivant ceci, j'écoute Ethiopiques 4 (Buda Musique)

11 novembre 2008

Théâtre

Ce mois-ci, je suis allée deux fois au théâtre, fait suffisamment rare pour être souligné...
La première fois, c'était pour Top Dogs, une pièce du Suisse Urs Widmer, produite par le Théâtre de la Marée Haute et donnée à l'Espace Geordie, une minuscule salle.
La deuxième fois, c'était pour Le Bruit et la Fureur, un texte de William Faulkner et une production du Théâtre de l'Opsis, théâtre qui a pour mission «de rendre accessible le théâtre classique et la découverte d’auteurs contemporains étrangers».
Cette fois, c'était à l'Espace Go.

Au lieu de vous raconter les histoires de ces deux pièces (ce que font très bien les articles que je vous ai mis en lien), que j'ai toutes les deux aimé, par leurs sujets brûlants tellement contemporains (alors que les deux textes originaux datent un peu...) et le jeu des acteurs, je vous parlerai plus de mon expérience théâtrale. En effet, je suis peu habituée à aller au théâtre, comme je l'ai souligné. Ces deux pièces étaient à des lunes l'une de l'autre mais quelles expériences ! La première nous projetait littéralement DANS la pièce, puisque la scène était quasiment intégrée aux gradins. De plus, nous étions au premier rang, ce qui augmentait encore plus l'impression de faire partie de la pièce. Les acteurs, au jeu intense (beaucoup de cris et de colère), nous faisaient donc vivre leurs émotions de façon assez directe.

Le Bruit et la Fureur, de William Faulkner, est une histoire assez sautée, comme on dit par ici. Famille dysfonctionnelle, obsessionnelle, suicide, folie avérée ou latente, les 2 h 20 de la pièce ne sont pas de tout repos. Encore une fois, la proximité théâtrale nous projette au sein de cette folie, et l'on ne ressort pas indemne de cette expérience.

Ce que je vous raconte là peut paraître assez naïf, ou en tout cas évident, mais pour moi qui suis assez novice, j'ai été bouleversée par cette proximité avec les acteurs, et l'intensité de leur jeu, bien plus puissant qu'au cinéma, auquel je suis plus habituée. Tout cela me donne bien sûr envie d'aller plus souvent au théâtre, en espérant que ce sera le cas...

Quelques articles sur Top Dogs dans le Voir : ici et .
Quelques articles sur Le Bruit et La Fureur : ici, et ...

En écrivant ceci, j'écoute Karkwa, Le coup d'état (album Les tremblements s'immobilisent, 2005)

28 octobre 2008

Tout est illuminé

Tout est illuminé, Jonathan Safran Foer, collection Points (Le Seuil/Éditions de l'Olivier), 2003, 405 pages.

Jonathan Safran Foer est l'auteur de l'un des livres m'ayant le plus bouleversée en 2007, Extrêmement fort et incroyablement près, Éditions de l'Olivier.
Ce deuxième roman trouvait sa source dans les attentats du 11 septembre 2001 qui ont transformé l'Amérique et le monde à jamais.
Dans sa première publication, écrite à l'âge de 25 ans et intitulée Tout est illuminé (il a le sens du titre), l'auteur puise dans ses origines juives et dans l'histoire de sa famille pour nous offrir un texte habilement construit et extrêmement fort.
Le personnage principal de Tout est illuminé, Jonathan Safran Foer lui-même, part à la recherche de la femme qui a jadis sauvé son grand-père des nazis, en Ukraine, dans un Shetl nommé Trachimbrod. À partir d'une photographie, et aidé par Alex, un jeune homme traducteur qui rêve à l'Amérique, le héros (ainsi Alex le nomme-t-il) va parcourir le pays dans une quête initiatique de ses origines.
La narration démarre avec le récit de la vie dans le Shetl de Trachimbrod en 1791, dans un style frôlant le réalisme magique de Gabriel Garcia Marquez (un bébé "apparaît" dans la rivière, un homme vit avec une scie dans la tête, etc.) et ce n'est peut-être pas pour rien que j'ai lu - complètement par hasard - Cent ans de solitude tout de suite après Tout est illuminé. L'histoire du shetl se poursuit jusqu'en 1942, alors que la Deuxième Guerre Mondiale fait rage et que les Juifs d'Ukraine sont exterminés par les Nazis.
Les chapitres sont ensuite découpés entre cette narration historique et les lettres qu'Alex envoie à Jonathan après le retour de celui-ci chez lui aux États-Unis, et le récit des recherches de Jonathan à proprement parler. Il s'agit de la rencontre de l'ouest et de l'est, des rêves d'Alex aux déceptions de Jonathan, l'un étant un peu le pendant de l'autre.
En fait, Alex est là pour traduire et aider Jonathan à écrire son livre, ce qui donne naissance à une langue savoureuse et très imagée, puisqu'Alex est on ne peut plus approximatif avec la langue anglaise (le texte original est en anglais bien sûr). De là, un coup de chapeau aux traducteurs du livre en français, Jacqueline Huet et Jean-Pierre Carasso, qui ont su reproduire des expressions sorties de nulle part...
Un conseil : si vous débutez ce livre, et que vous vous sentez déconcertés par le début, forcez un peu la lecture, afin de découvrir un texte étonnant, alliant «le burlesque à la tragédie» en faisant un détour dans le monde du réalisateur Émir Kusturica.

Voici une belle introduction pour vous encourager à découvrir ce jeune auteur :

«Jonathan Safran Foer fait partie de ces écrivains inventifs qui conçoivent la littérature comme "un désordre des dents". Maniant le verbe avec une rare dextérité, il fait subir au langage toutes les distorsions possibles sans que cela jamais ne vire à l'exercice de style ou à l'incompréhension fumeuse. Parce que ce jeune auteur américain a trouvé en littérature le meilleur prétexte qui soit pour nous entraîner à la suite de ses phrases à l'humour foudroyant : une histoire à raconter. Une histoire pleine d'accidents banals et d'incroyables résurrections, de bébés sauvés des eaux, d'étudiants égocentriques, de vieillard malheureux, de rabbins pernicieux. De moments graves aussi. Une histoire donc.
Alex, un jeune Ukrainien, vivant aux crochets de sa famille, collectionnant selon ses dires, filles et succès, est entraîné par son père dans un voyage improbable à travers le pays : guider un écrivain juif américain, Jonathan Safran Foer lui-même à la recherche de ses origines et d'un village détruit en 1941 par les nazis. Si vous ne dépassez pas le premier chapitre (impossible), vous vous direz que l'auteur a bien du talent et de l'humour, pour faire s'exprimer de la sorte son personnage. En entamant le second chapitre, vous penserez que Jonathan Safran Foer est un écrivain profond, véritable, qui aurait bien du mal à dissimuler ses qualités. Et que dans le difficile exercice d'un premier roman cultivant tous les styles, inventif ou solennel, riche ou effilé jusqu'à l'essentiel, ce nouvel auteur américain frise le génie. »
--Hector Chavez


Un blogue qui parle du livre
Et un autre...

En écrivant ceci, j'écoute Stuart A. Staples, Leaving Songs (Beggars Banquet, 2006), avec une superbe chanson (That Leaving Feeling) à laquelle participe la Montréalaise Lhasa De Sela...

26 octobre 2008

Un mercredi soir au Club Soda

Catherine Major - Spectacle Rose Sang - Club Soda, mercredi 22 octobre 2008

Catherine Major avait présenté son dernier album, Rose Sang, paru en janvier 2008, au Verre Bouteille, à Montréal, le 5 février dernier, en formation intimiste piano-contrebasse (déjà Mathieu Désy).
Depuis, elle a reçu quelques prestigieux prix (Jutra pour la meilleure musique de film pour Le Ring, prix Félix-Leclerc de la chanson) et a fait la première partie de Véronique Sanson aux Francofolies cet été.
Le spectacle Rose Sang présenté au Club Soda mercredi dernier était un peu le mélange de toutes ces expériences des derniers mois : un grand souffle de maturité dans sa musique et son attitude, de la connivence entre tous les (excellents) musiciens (Martin Lavallée aux percussions, Mathieu Désy à la contrebasse et François Richard aux claviers, plus une participation d'Alex McMahon, le réalisateur de Rose Sang), des arrangements parfois magnifiques (Sahara avec les voix des 3 musiciens en chœur).
Si on rajoute un éclairage que j'ai trouvé vraiment réussi (beaucoup de rose, forcément), un son qui s'est ajusté rapidement pour être à son meilleur (et là, c'est rare que je souligne ce point de façon positive), on obtient là un retour (même si elle n'en était pas partie) de Catherine Major sur le devant de la scène de la chanson québécoise, après un premier album prometteur (Par dessus bord, 2004) et une tournée en 2006 qui m'avait enchantée.
L'artiste, que l'on a pu voir à Tout le monde en parle en mars et en couverture du Ici dernièrement, part pour une tournée complète au Québec (voir son site Myspace) et j'ai ouï dire que suite au succès du spectacle de mercredi, il y aurait une supplémentaire à Montréal en février 2009.
Catherine Major est également en nomination pour trois prix au Gala de l'Adisq, qui aura lieu dimanche prochain, pour l'album populaire de l'année, l'auteur-compositeur de l'année, et la meilleure réalisation
À surveiller donc...

Articles à lire :
Article du Devoir par Sylvain Cormier
Article du Soleil par Nicolas Houle
Article de La Presse par Alain Brunet

En écrivant ceci, j'écoute Jan Garbarek, I Took Up the Runes (ECM Records, 1990)

22 octobre 2008

Cent ans de solitude

Cent ans de solitude, Gabriel García Márquez, Éditions du Seuil, 1995 (Première édition en 1967)

Difficile de résumer ce livre ou d'écrire des choses neuves sur cette œuvre magistrale. Pour résumer, nous pouvons dire que Cent ans de solitude relate l'histoire de la famille Buendia, dans un village imaginaire nommé Macondo. Le patriarche, José Arcadio Buendia, en est le créateur. C'est le point de départ d'une histoire qui nous présente tous les personnages de cette famille poursuivie par le sort, mais aussi au destin épique. Avec la lecture de ce chef-d'œuvre de la littérature hispano-américaine et mondiale, ce fut pour moi la découverte du réalisme magique (terme utilisé depuis 1925 par la critique littéraire et artistique) de García Márquez, juxtaposition d'éléments fantastiques, ésotériques, dans une réalité et un cadre tout à fait vraisemblables. Au départ un peu déconcertée par ces incursions magiques dans le récit, j'y ai finalement trouvé une manière de me reposer, de m'évader des histoires dramatiques racontées en toile de fond. Le moment où j'ai terminé la lecture de Cent ans de solitude a coïncidé avec la sortie d'une première biographie de Gabriel García Márquez, que je lirai prochainement je l'espère (pour l'instant seulement disponible en anglais je crois).
Une belle découverte, qui me fait penser à chaque fois que la littérature et les beautés qu'elle peut nous faire découvrir sont presque inépuisables...

En écrivant ceci, j'écoute Elliot Goldenthal and Various Artists, Bande originale du film Frida

07 octobre 2008

Paris

Vu en avant-première la semaine dernière, le dernier film de Cédric Klapisch m'a déçue par certains aspects et réjouie par d'autres. Il ne me reste pas cependant - une semaine après son visionnement - de sensations de bonheur béat, comme Chacun cherche son chat, par exemple, avait pu m'en procurer.
Le film nous offre une brochette d'acteurs exceptionnels, Juliette Binoche, Fabrice Luchini, Romain Duris, Albert Dupontel, entre de nombreux autres. Les personnages sont généreux, humains et touchants, comme la plupart du temps dans les films de Klapisch. Mais il y en a un peu trop, pas assez approfondis, trop caricaturaux (les hommes du marché surtout) et d'autres, excellents, qu'on ne voit presque pas assez (merveilleuse Karin Viard en boulangère très parisienne).
Le propos est bien sûr touchant, un jeune homme souffre d'une maladie du coeur (on ne sait pas quoi exactement) et seule une transplantation pourrait - peut-être - le sauver. Ils se met alors à observer de sa fenêtre les gens, ceux qui passent sous ses fenêtres, ceux qui habitent son quartier et ceux qui l'entourent dont sa soeur, mère célibataire désabusée et fragile.
Cela donne lieu à des chassés-croisés de personnages blessés, en quête d'amour et de bonheur simple, au milieu d'une ville que le réalisateur aime plus que tout.
Cédric Klapisch a d'ailleurs déjà mis en scène la capitale française, enfouie sous le sable, dans le film Peut-être, avec Jean-Paul Belmondo et Romain Duris, film d'anticipation sorti en 1999.

Je vous le conseille quand même parce qu'un film de Klapisch est toujours un plaisir à voir... Mais si vous souhaitez vous replonger dans la filmographie de l'un des réalisateurs les plus talentueux de son temps (et l'un de ceux que je préfère, ça paraît, non ?), rabattez-vous sur Chacun cherche son chat, ou Le péril jeune, ou encore, dans un autre style, Un air de famille...

Les tous débuts d'un jeune acteur, qui doit aujourd'hui se marrer en voyant ça...



En écrivant ceci, j'écoute Roberto Fonseca, Zamazu (Enja, 2007)

02 octobre 2008

Mauvaises graines mais excellentes récoltes :) !!!

Nick Cave and The Bad Seeds - Métropolis de Montréal, 2 octobre 2008
Nick Cave est de ces artistes au charisme hallucinant, avec biographie à rallonge, collaborations à n'en plus finir, évoluant dans son art avec fougue et honnêteté, du punk des premiers albums en 1984 à la chanson intime des albums plus récents comme The Boatman's Call (1997) ou No More Shall We Part (2001). Sa musique n'est pas commerciale, plutôt underground, mais il remplit des salles de 2000 personnes qui le vénèrent.
Certaines de ses chansons sont cultes, comme The Mercy Seat, de l'album Tender Prey, paru en 1988. Depuis cette date, Nick Cave a chanté cette chanson dans quasi chacun des concerts qu'il a donnés, c'est sa préférée. Nous y avons aussi eu droit - pour mon plus grand bonheur - hier soir.
Le personnage est fascinant, sorte de poète écorché, maudit et malheureux, aujourd'hui beaucoup plus serein semble-t-il. Rescapé de plusieurs overdoses, il a brûlé la chandelle par les deux bouts, comme on dit si bien et de façon convenue...
Il a fait chaviré le coeur de nombreuses femmes (dont P.J Harvey), et la paternité l'a paraît-il assagi (et lui a inspiré un très beau disque, The Good Son, en 1990). Ses enfants vivent dans le monde entier, 3 en Australie, sa patrie natale, 1 au Brésil, et ses jumeaux à Londres, son lieu de résidence actuel.
Il s'intéresse au cinéma, a travaillé avec Wim Wenders (Les ailes du désir et Until The End of The World), et a aussi publié des livres (And the Ass Saw the Angel, King Ink I et II).

Je ne sais plus exactement comment je l'ai découvert... Probablement dans la bande originale du film de Wim Wenders, Until the End of the World, vers 1991, ou bien dans ma frénésie de découverte de l'Australie, pays qui m'a longtemps fait rêver, et duquel je voulais tout connaître...
C'est le Nick Cave calme que j'ai le plus aimé en premier, touchée par sa voix hyper grave et mélancolique, il m'a fait le même effet que Leonard Cohen (dont il est un grand fan) que j'écoutais aussi sur vinyl à l'époque. Bref, il n'en fallait pas plus pour que je m'intéresse à lui de près. Avec son groupe de mauvaises graines, les Bad Seeds, il a produit presque 15 albums, sans compter les autres groupes (The Boys Next Door, The Birthday Party, Grinderman...). Il y en a donc beaucoup à écouter de Nick Cave, tout comme il y a beaucoup à dire sur lui.

Mais revenons au concert d'hier soir. Nick Cave faisait partie de cette catégorie d'artistes mythiques que j'aimerais voir au moins une fois dans ma vie en concert. Et bien j'ai eu cette chance grâce à Pop Montréal qui a réalisé un grand coup cette année !
Ce que j'ai adoré du concert, c'est qu'il y en avait vraiment pour tous les goûts : autant pour ceux qui aiment le côté plus calme de Cave que pour ceux qui l'aiment déchaîné, des chansons du dernier album, Dig Lazarus Dig !!! (2008), en passant par Get Ready for Love (Abbatoir Blues, 2004), The Mercy Seat et Deanna (Tender Prey, 1988), The Weeping Song (The Good Son, 1990), Red Right Hand (Let Love In, 1994), Stagger Lee (Murder Ballads, 1996)... plus toutes celles que je n'ai pas reconnues.

Le groupe a été bien généreux dans sa prestation et même le grand Nick Cave, surplombant le public des premiers rangs (duquel nous n'étions malheureusement pas), s'accroupissait souvent pour toucher les mains tendues vers lui.
Son acolyte Warren Ellis, jouant du violon, du bouzouki, de la mandoline et de plein d'autres mini-guitares bizarres a produit tout un numéro psychédélique et déjanté en faisant quelques roulades arrières et chantant allongé sur la scène, et offrant à lui seul un spectacle intégral de danse...

Ce que j'ai adoré aussi, c'est que pour la première fois, j'ai vu le public défier l'organisation du concert et se révolter pour avoir un troisième rappel... Ah ça, que c'était plaisant ! Nous avons eu droit à deux autres chansons, alors que les techniciens avaient déjà débranché les amplis...
Nous sommes donc repartis rassasiés, espérant qu'ils reviennent avant 6 ans...

«Jeudi, j’ai assisté à mon énième spectacle de Nick Cave au Métropolis. Chic, moustachu, très rock et très en forme dans un amphithéâtre plein à craquer. Les nuances orchestrales, les ponctuations douces et fines, tous ces effets de style ont fait en sorte qu’on n’a pas regretté les décharges d’autrefois. Non, Nick Cave ne s’est pas autoparodié, loin de là. Il a appris à vivre le rock avec les années qui s’accumulent. Voilà un des artistes les plus complets de sa génération - rock, cinéma, littérature, toutes des formes maîtrisées, d’excellent niveau. Oui, une fois de plus, on a pu contempler un grand créateur. Merci Monsieur Nick.»

Alain Brunet, La Presse, 3 octobre 2008

« Non, il n'y a rien de pire qu'un événement raté. Et bien pire qu'un événement raté parce qu'on a choisi de ne pas le vivre, il y a celui qu'on a vécu sans vraiment y être. Le spectacle de Nick Cave d'il y a six ans est de ceux-là. Quand je pense que c'était pour la tournée de No More Shall We Part, un des albums qui me soient le plus cher, je m'en arracherais les cheveux. J'ai mis plusieurs années à aimer Nick Cave. À l'époque, j'aimais seulement ses chansons les plus connues comme « Red Right Hand » ou « The Weeping Song », et déjà un peu « As I Sadly Sat By Her Side », peut-être. En fait, je crois que j'avais découvert cette dernière pendant le spectacle... Mais par la suite, de quel amour l'ai-je aimé! Je ne crois pas qu'aucun artiste musical me soit plus cher que Nick Cave.

En le revoyant sur scène, mon amour s'est vu à nouveau confirmé. Je me suis rappelée lorsque je l'ai vu sur scène à quel point sa performance m'avait impressionnée déjà à l'époque. Jamais n'ai-je vu chez qui que ce soit d'autre un tel charisme, une telle intensité et une telle sensualité! Dieu qu'il sent le sexe! Nick Cave a une de ces façons de bouger et sa voix, sa voix... Comme l'écrivait avec justesse ma bien-aimée, sa voix est encore plus belle en spectacle que sur disque. Elle se déploie dans toute sa force... Le spectacle était merveilleux. J'étais complètement sous tension pendant toute sa durée. »
Chronique trouvée sur Lucidité Homicide, 04 octobre 2008.


En écrivant ceci, j'écoute Nick Cave and The Bad Seeds, The Lyre of Orpheus (2004)


16 septembre 2008

Marathon de culture à Montréal

Dimanche dernier, j'ai eu ma première expérience au Marathon de Montréal, j'ai couru les 10 km.
Tout s'est bien passé, et je me dois de remercier :
Ghinzu, Rufus Wainwright, Karkwa, Calexico, Radiohead, Arcade Fire, Patrick Watson, Yann Perreau, Amy Winehouse, Patti Smith, Soulwax, Pierre Lapointe, Laetitia Sheriff et Jorane, qui m'ont bien encouragée tout le long du parcours avec leurs chansons.

Que ferait-on sans eux (et tant d'autres) ? On ne courrait pas, en tout cas, pas moi...;-)

Au fait, ça me fait penser (pas de musique, pas de culture, etc.) : vous viendrez au spectacle organisé au Club Soda mardi prochain à 19h pour protester contre les coupures dans la culture ? C'est gratuit, avec beaucoup de beau monde, et c'est important. Encore mieux si vous emmenez vos amis qui ne savent pas encore pour qui ils vont voter le 14 octobre...

Et puis aussi, vendredi c'est le lancement du 8ème numéro de la revue Biscuit Chinois, qui a pour thème les dépanneurs. On se demande comment cette revue aurait pu survivre sans quelques subventions gouvernementales...
Rendez-vous le vendredi 19 septembre à 19 h 30 à l'Espace La Risée, 1258, rue Bélanger Est à Montréal.

En écrivant ceci, j'écoute Alexandre Désilets, Escalader l'ivresse (Maisonnette, 2008)

10 septembre 2008

Babyji


Babyji, d'Abha Dawesar, Éditions Héloïse d'Ormesson, 2007, 445 pages.

Dans les années 90, à Delhi en Inde, nous suivons l'apprentissage de la vie et l'émancipation sexuelle («tendance Gazon Maudit») d'Anamika, jeune et brillante lycéenne de 17 ans, qui découvrira l'amour dans les bras de trois femmes différentes, tout en essayant de comprendre le monde dans lequel elle vit, à travers nombre d'événements politiques qui ont secoués l'Inde de ces années-là. L'intérêt des diverses "conquêtes" de la narratrice vient du fait que les trois femmes qu'elle côtoie viennent de trois castes différentes : une est une servante, l'autre une étudiante, et la troisième une femme divorcée. La narratrice elle-même est une brahmine, la caste brahmane étant la plus importante en Inde. Tous ces personnages vont donc évoluer à travers des relations improbables, mais qui chacune, incarne une vision de l'Inde contemporaine (la domination toujours présente de certaines castes sur d'autres, la peur de la liberté tant recherchée et l'influence de l'Occident, la dualité entre tradition et modernité, que l'on retrouve par exemple chez les enfants nés d'immigrants de première génération).
L'impertinence sulfureuse de la narratrice s'oppose aux contraintes de cette Inde, et Anamika se heurte souvent aux préjugés et aux interdits d'une société qu'elle finit par vouloir fuir (son souhait de partir aux États-Unis).
La rencontre avec le père de son meilleur ami et le souhait d'Anamika de tranformer le bad boy de sa classe en un élève modèle viendront s'ajouter à son apprentissage existentiel.
Anamika se montre souvent autoritaire et égoïste, voulant dominer les autres, se comportant comme un homme dans une société où les rôles sont très marqués. On ressent souvent son malaise, le fait qu'elle soit partagée dans ses sentiments, ses attirances, à l'aube de sa majorité, elle se découvre, parfois avec peur.
Un roman initiatique très intéressant, avec un soupçon d'érotisme, pour découvrir l'Inde dans une partie de sa complexité, et une jeune auteure (née en 1974) qui promet.

De la même auteure :

Miniplanner, Cleis Press, November 2000
Dernier été à Paris, Éditions Héloise d'Ormesson, 2008

«Delhi est une ville où tout se passe dans la clandestinité, une ville sans amour mais avec des tonnes de passion.»
Abha Dawesar

Le blogue d'Abha Dawesar, en français s'il-vous-plaît !
Et Abha Dawesar sur Myspace !

En écrivant ceci, j'écoute Éthiopiques, super découverte du week-end dernier.

17 août 2008

Élégie pour un Américain

Élégie pour un Américain, Siri Hustvedt, Éditions Actes Sud, 2008, 394 pages.

À la mort de leur père, Erik et Inga font leur devoir de mémoire en partant à la recherche d’une mystérieuse Lisa, évoquée dans les écrits de leur père.
En voulant comprendre la vie de leur père, ce sont leurs propres vies qui vont être bouleversées. Erik, brillant psychiatre, se remet de son divorce en tombant amoureux de sa nouvelle locataire, Miranda, une jamaïcaine mère célibataire aux prises avec un ex, artiste photographe un peu trop harcelant. Inga, auteur d'essais philosophiques, que la mort de son mari, un auteur célèbre, a traumatisée, tente de mettre à nu les émotions de sa fille Sonia, tout en affrontant les fantômes de son passé, et notamment une maîtresse de son mari…
Tout cela sur fond de 11 septembre, dans une Amérique qui se remet en question, et où les racines de chacun n’ont jamais eu autant d’importance (les esclaves marrons pour Miranda, les immigrants norvégiens pour Érik et Inga).
Ce livre est à ranger sur la même étagère que Extrêmement fort et incroyablement près de Jonathan Safran Foer, L’histoire de l’amour de Nicole Krauss, ou même (et surtout) Lignes de faille de Nancy Huston.
Il évoque avec beaucoup de finesse notre monde contemporain, avec notre quête d’identité perpétuelle, la lourdeur et la folie de nos sociétés consuméristes. Les personnages sont poussés à l'introspection permanente.

Siri Hustvedt, grande connaisseuse artistique (elle a écrit Les Mystères du rectangle, essais sur la peinture, en 2006), se rapproche ici du monde de la psychanalyse, par son personnage principal. Autour de lui gravite plusieurs artistes : Miranda, qui peint, et Jeffrey Lane, son ex, qui par son propos et sa façon d’agir, n’est pas sans rappeler l’artiste disjoncté de Tout ce que j’aimais, son précédent roman.

D’ailleurs, Siri Hustvedt use d’un procédé que j’aime particulièrement : elle refait vivre certains de ses personnages de ses précédents livres dans de petites scènes. Ainsi, dans la scène du souper chez Inga, on retrouve un Léo vieillissant, qui ne s’est jamais remis de la mort de son fils Matthew dans Tout ce que j’aimais. Ces petits « caméos littéraires » assurent une continuité dans ses ouvrages et ses thématiques.

New York reste elle-même un personnage à part entière, et l’on retrouve tout l’amour que l’auteur porte à cette ville dans ses descriptions. Les quelques voyages des deux protagonistes principaux dans leur Minnesota natal reconnecte l’auteur avec ses origines norvégiennes et avec la thématique de l'immigration.
La trame narrative est jalonnée par les rencontres avec les clients d’Erik, âmes perdues et esseulées, qui le confrontent dans sa propre solitude.
La mélancolie qui se dégage à la lecture de ce livre nous ramène au titre, une élégie étant un poème lyrique de facture libre, écrit dans un style simple qui chante les plaintes et les douleurs de l'homme, les amours contrariés, la séparation, la mort.
Élégie pour un américain est un roman complexe, qui se lit par petites touches.

"Elégie pour un Américain" ne déçoit pas. C'est un très beau texte, ambitieux, fort, lourd aussi, à force de pousser les uns et les autres dans leurs retranchements, jusqu'au bout de leurs blessures et de leurs manques. (...) On pense effectivement à Don DeLillo ou à Richard Ford dans sa façon de psychanalyser l'identité, les névroses états-uniennes, d'une écriture sans affectation. Non sans exceller à rendre les émotions palpables, les sentiments tangibles. Siri Hustvedt est vraiment un grand écrivain.
Delphine Perras, L'Express 06/06/2008

12 août 2008

«Camille, le petit lapin Energizer de la chanson» (Philippe Renaud, Journal La Presse)

Qualifié par plusieurs journalistes du Québec comme l'un des meilleurs shows des Francos 2008, le spectacle de Camille était tout à fait dans la continuité de ses précédentes tournées. La recherche musicale, axée sur le corps et les voix, était très surprenante et enthousiasmante. Malgré mon immense fatigue et le fait que j'étais seule à ce spectacle, je me suis laissée emporter par la douce folie de Camille. Un seul instrument sur la scène, un piano tour à tour effleuré et trituré par Majiker, l'acolyte de Camille depuis plusieurs albums. Le reste, que des humains : Ezra et Sly (du groupe Saïan Supa Crew), qui font les percussions avec leurs voix, Martin Gamet, le bassiste sur la précédente tournée, est ici accompagné de deux autres choristes pour accompagner par la voix et les pieds les chansons des deux albums Le Fil et Music Hole. Deux autres choristes viennent compléter le tableau. Tout ce petit monde réuni pour nous offrir une expérience musicale assez inédite. L'artiste a réussi à enthousiasmer la majeure partie du public présent au Métropolis, aidée par son naturel bien connu des fans...
Je dois avouer quelque chose que j'ai regretté dès le lendemain : j'étais si fatiguée que je suis partie avant la fin, un peu avant minuit. J'ai donc loupé quelques chansons à la toute fin. Mais j'avais heureusement entendu l'une de mes chansons préférées,
Pâle Septembre, de l'album Le Fil, dans une version magnifique (j'en avais des frissons). Il faut dire que la première partie était un peu trop longue à mon goût (Thomas Hellman), mais c'est un peu toujours comme ça quand on vient pour un artiste en particulier.

Un article sur Camille dans
La Presse
La critique du concert par
Philippe Renaud

Longueur d'ondes

Le journal Longueur D'Ondes, qui - oh ça alors - vient de ma région, Bordeaux, a publié dans l'un de ses derniers numéros une entrevue assez longue de Camille, confrontée à Gonzales, artiste canadien (pianiste et producteur, entre autres choses). La revue était justement distribuée à la sortie du spectacle de Camille, que je suis allée voir le jeudi 31 juillet au Métropolis.
Je vous la copie/colle ici, car elle était bien intéressante, enfin une entrevue en profondeur sur l'art, la création et l'inspiration musicale.

« Vos nouveaux albums s’ouvrent sur des titres très entraînants, très dansants, qui parlent au corps. Est-ce un élément important de votre inspiration ?
Gonzales : Je ne danse jamais. Je ne m’exprime pas trop avec mon corps. Et surtout, je ne crois pas en l’inspiration. J’essaie de faire de la musique tout le temps. J’évite ainsi de mettre la pression sur l’acte "sacré" de la création. C’est dans l’oreille de l’auditeur que l’inspiration se passe. En plus, pour ma génération, la musique sur laquelle on danse est beaucoup moins festive que celle qu’on trouve sur Gospel with no Lord [Ndla : l ’ouverture de l’album de Camille] ou Working together, sur mon album.

Camille : Moi, je fais beaucoup de danse par contre. Le rapport entre le son et le mouvement m’intéresse beaucoup. J’ai donc fait ce choix du travail sur ma voix, et par définition sur l’instrument de la voix, c'est-à-dire le corps. Je ne tente plus de parfaire ma technique au piano, mais de développer la connaissance de mon propre corps, et du mouvement. La pratique de la danse a influencé ce dernier album : je voulais faire quelque chose de joyeux et d’ouvert, plutôt que dancefloor, même si il y a des clins d’œil au disco.

G : Solo Piano [Ndla : le précédent album de Gonzales] peut être considéré comme un album dansant. Il ne faut pas limiter la danse aux morceaux uptempo, des claps, des claquements de doigts ou des grosses caisses qui marquent le rythme.

C : Pareil, pour le mouvement. Il ne faut pas le réduire à un truc de clubbing. Je ne travaille actuellement sur les chants religieux, et l’important, c’est de chercher les rapports entre le son, le mouvement et le geste.

Est-ce à dire que la musique est nécessairement un laboratoire ?
C : Oui ! C’est forcément exprimer quelque chose que tu as dans la tête et qui n’est pas dans l’air du temps. Je n’écoute pas de hip-hop, mais je suis influencée par ces mecs avec leur subwoofer à fond, dans leur voiture. Ça m’a du coup, donné envie de travailler sur des subs Pas de style particulier, donc, juste des éléments qui me touchent et qui m’imprègnent.

G : C’est la différence entre entendre et écouter. Les artistes qui ont une musique personnelle, sont plus dans l’entente qu’à l’écoute. L’écoute, c’est chercher quelque chose. Quand je dis que l’inspiration n’existe pas, je veux dire que l’inspiration active n’existe pas. Quand tu cherches, que tu attends, que tu mets une pression sur l’acte "sacré" de la création, c’est généralement que tu n’es pas sûr de ce que tu veux faire ou dire. En réalité, la création est plus liée à l’inconscient ou à une passivité d’entente.

C : Ton corps retient ce qui lui correspond, ce qui y pénètre naturellement. Il n’est pas dans une démarche volontaire de copie ou d’assimilation. Moi, je m’imprègne et je laisse les choses se décanter. Un disque n’est que le témoin d’un moment de ta vie. Ça ne sert à rien de se dire : « Je veux faire un disque dans ce style-là ». C’est à la fois un exercice mental et spontané. Corps, esprit, émotions, c’est l’expression de l’être humain en entier.

Selon vous, pourquoi faites-vous figures d’OVNIS ou de fous ?
G : Il y a une époque où nous serions passés pour des conservateurs, pour des artistes conformistes. C’est juste une réaction aux mythes auxquels croient les musiciens de notre génération : notre démarche parait par rapport à eux, plus originale. En fait, j’ai une approche très conservatrice : je suis les règles musicales qu’on m’a inculquées. Je ne suis pas en train de chercher quelque chose de nouveau dans la musique, mais une manière d’exprimer ma personnalité, mes défauts et mes contradictions. Je mets de l’humour sur des mélodies mélancoliques, et pour certains, c’est bizarre ou inattendu. Mais, c’est juste moi ! Les musiciens qui font de la musique mélancolique essaient d’avoir une image plus sensible. Mais, je n’y crois pas et surtout, je ne le suis pas ! Employer le mot « fou », c’est vraiment trop relatif. Prenons mon pote, Philippe Katerine qui pour moi, compte vraiment artistiquement. Il est tout sauf un clown ou un fou. Au XVème siècle, à la cour royale, personne ne l’aurait considéré comme un fou. Il aurait peut-être été le poète le plus prisé de la Cour de France.

C : Et être fou, qu’est-ce que c’est ? Ça veut dire qu’à aucun moment, tu n’es maître de ta créativité, de ton énergie ou de ta violence. La musique, c’est incompatible avec ce manque de maîtrise. A partir du moment où il y a création, il y a expression et donc, on n’est plus dans la folie. Peut-être, serais-je folle si je n’avais pas la musique…

G : C’est comme les tueurs en série. Jusqu’au passage à l’acte, ils cachent leur mal-être…

C : Combien même tu dis « je veux tuer tout le monde », mais que tu le chantes, alors, tu n’es pas fou ! Parce que tu as exprimé ton démon, tu l’as sublimé.

Votre folie, c’est peut-être sans verser dans l’impudeur, de beaucoup vous dévoiler dans vos albums, de révéler toutes vos facettes ?
C : On n’a pas peur des contradictions. Mais, est-ce ça la folie ? Je ne crois pas. Pour moi, la vie, c’est accepter les contraires. La folie, ce serait plutôt être puriste, intégriste, vouloir que tout soit pareil. Mais, être dans la contradiction, c’est plutôt sain et ça me permet d’être très heureuse.

G : Supprimer les contradictions pour faire un tube, voilà la folie ! Parfois, je rencontre des artistes dont la musique m’endort, et je découvre qu’ils ont d’autres facettes, des contradictions. Et je me dis : « Mais pourquoi je ne les entends pas ces contradictions ? ». Voilà la folie : avoir de la matière pour "entertainer" les gens et ne pas s’en servir ! That’s crazy !

Tous les deux, vous portez une très grande attention à mettre en scène votre musique.
Camille : La pop, c’est plus que des chansons. C’est une globalité, un univers, un esprit autour des chansons. Je sélectionne et j’arrange les chansons en fonction de cette couleur musicale. C’est pour ça que je m’attache beaucoup à la production.

Gonzales : Pour moi, c’est une évidence : il ne faut négliger tous les à-côtés de la musique. Pendant des siècles, les artistes l’ont fait. Il y a le contenu - la musique, mais aussi le contenant, dont il ne faut pas se foutre. Respecter la musique, c’est aussi trouver son équivalent visuel, scénique et même philosophique. Ne pas le faire, c’est nier la communication. Ne pas construire un univers autour d’un album, c’est une insulte faite au public.

C : Si tu ne fais pas ce travail-là, on le fait à ta place et tu deviens un produit marketing. Et tant mieux, d’ailleurs : ça nous oblige à le faire. Je ne pense pas que Mozart se prenait la tête sur des couvertures de disques... (Rires)

G : Oui, mais il se prenait la tête pour savoir comment il allait se comporter à la Cour, comment il allait faire son entrée... D’ailleurs, son pote Salieri n’a pas fait ce travail de recherche. Il n’a pas osé. Il a fait la même chose que Mozart, mais il n’a pas construit d’univers autour de sa musique. Il pensait que la musique suffisait. Peut-être respectait-il trop l’acte de création pour le salir avec ces questions. Résultat : les gens se sont fait une image fausse de lui, celle d’un conformiste. Tout ça à cause de son manque d’audace.

Le français, l’anglais, ce sont des matières sonores indifférenciées ?
G : Pas du tout. Moi, je n’oserai jamais enregistrer en français, parce que j’ai un accent quand je chante, et que pour moi, chanter ne peut pas correspondre à ce manque de maîtrise. (S’adressant à Camille) Mais, toi, tu chantes sans accent - ton lead est souvent en anglais. Et quand tu chantes en français, c’est toujours plus détaché. C’est plus comme un chœur grec…

C : Sur Le Fil, j’avais en tête cette idée de chœur qui commente l’action. L’anglais est pour moi, plus dans la spontanéité et le français reste la langue de mes études, de l’analyse et des nuances. Et aussi de mon inconscient. L’anglais lui permet d’aller droit au but, d’aborder des sensations plus viscérales, à la fois les plus élémentaires et les plus profondes, plus universelles - « I love you », « I am hungry »... La pop anglaise a cette possibilité-là de faire sonner les mots les plus simples, contrairement au français. Regarde toute la musique noire-américaine. I will survive¸ c’est très simple et en même temps, hyper puissant : tout part de l’intention !

G : Ou Staying alive…

C : Ou Staying alive. Toute la tension y est tellement incarnée. En français, pour que ça soit incarné, tu dois raconter quelque chose. En revanche, le français tire sa force des sons, avec des consonnes, idéales pour le drame ou le réalisme à la Piaf. Quand elle chante, elle s’appuie sur les consonnes. Elle s’enracine. En plus, il s’agit d’une langue latine parfaite pour adapter par exemple, un standard brésilien, grâce à toutes les consommes percussives et fricatives. L’anglais, c’est plus du chewing-gum. Tu peux te mettre en bouche les voyelles et les faire durer des heures.

G : Quand j’enregistrais, il y avait dans le studio, un chanteur français de R’n’B. Parfois, entre deux prises, je l’entendais chanter et je n’entendais que son accent français. Rien que son « oh oh » sonnait faux. C’est pénible de vouloir plaquer l’anglais sur le français. L’inverse, aussi. Par exemple, l’album Monsieur Gainsbourg¸ ils ont traduit du Gainsbourg en anglais. Ce n’était pas terrible.

C : Tu ne peux pas traduire des mélodies parce qu’elles sont indissociables d’une langue. Le problème de la pop actuelle, c’est qu’on se calque sur la pop anglaise. Du coup, on pense que l’allemand ou le français ne sont pas des langues musicales.

G : Et Schubert, ça sonne mal ? (Rires)

C : Toutes les langues génèrent un imaginaire, des rythmes, des mélodies. Dans Music Hole, j’ai fait le choix de l’exactitude [Ndla : de la prononciation]. Je voulais faire des chansons, qui comme des standards, racontent des histoires, qui puissent vous embarquer. D’ailleurs, mon coréalisateur, Majiker, est anglais et si ça n’allait pas, il me le signalait. En revanche, dans God is sound, ce qui m’a intéressé, c’est le travail des sonorités. Mon propos n’est pas d’être dans l’exactitude. Je ne parle ni arabe ni chinois. Ce sont des matières sur lesquelles je vais improviser.

Alors, quel rôle joue la spiritualité dans la création ?
C : En fait, je déteste parler de spiritualité : c’est très intime et ça peut être très vite galvaudé. Mais à propos de la musique, et de la voix en particulier, il y a effectivement une vibration assez cosmique : ça part en soi, se diffuse dans un lieu et atteint les autres. La musique relie au monde.

G : Camille ayant une approche scientifique de sa voix, peut-être y trouve-t-elle quelque chose de mystique. Moi, c’est l’inverse : j’ai une approche scientifique de la musique, je me concentre sur l’harmonie…

C (l’interrompant) : C’est un truc incroyable, l’harmonie ! Ce sont des lois qui nous dépassent totalement !

G : La mélodie, c’est extrêmement cérébral. Le rythme, plus corporel. Et l’harmonie joue sur les émotions. C’est ce qui a le plus de pouvoir. C’est le plus dur à quantifier et à maîtriser. Comme j’ai longuement étudié les harmonies, j’y vois peut-être moins de mystère que Camille. En revanche, comme je ne maîtrise pas le chant et que le son de ma voix est plus instinctif, j’ai un rapport plus mystique avec les mots que je chante. Et l’effet sur le public est tout aussi mystérieux. C’est ce qui donne du pouvoir à la musique.

Et le pouvoir vous intéresse ?
G : Bien sûr ! C’est la raison pour laquelle je fais de la musique. J’ai besoin d’exercer ce pouvoir ; c’est dans mon caractère. Ce qu’il y a de bien dans la musique, c’est que les gens viennent à tes concerts et paient pour que tu exerces ton influence sur eux. Ils veulent être manipulés. C’est beaucoup moins dangereux ainsi que si j’avais été homme politique…

C : Dans la musique, le pouvoir n’est pas qu’en toi. Tu es un médium. Même si tu maîtrises tout sur scène, tu jouis tout de suite des effets de ce pouvoir sur le public. Tu as un retour immédiat. C’est hyper épanouissant.

G (avec un fort accent québécois) : Ça tue sa mère, Christ ! »

(entrevue réalisée par Samuel Degasne et Sylvain Dépée, pour le numéro 44, avril/juin 2008)