26 décembre 2006

Mangez-moi...

Non, ce n'est pas une demande spéciale pour Noël...
Mais le titre du dernier roman d'Agnès Desarthe, aux Éditions de l'Olivier. Agnès Desarthe est née en 1966. Elle a publié, aux Éditions de l'Olivier, Quelques minutes de bonheur absolu (1993), Un secret sans importance (Prix du Livre Inter 1996), Cinq Photos de ma femme (1998), Les Bonnes Intentions (2001) et Le Principe de Frédelle (2003). Elle est aussi traductrice (Cynthia Ozick, Aimee Bender, Emma Richter) et auteur de livres pour enfants. Dans ce roman appétissant, Myriam, la quarantaine, ouvre un restaurant qu'elle baptise Chez moi. Au fur et à mesure, nous apprenons d'où Myriam vient, quel est cet événement qui a bouleversé sa vie, qu'est-ce qui la rend si fragile, si fuyante parfois, alors que c'est par ailleurs une femme de caractère, qui cuisine avec créativité, à nous en mettre l'eau à la bouche... Myriam fera heureusement des rencontres qui lui redonneront confiance en la vie : Ben, «le meilleur serveur de Paris», un jeune garçon mystérieux et plein de bon sens, Vincent, le fleuriste amoureux, Ali, le vendeur de légumes... J'ai dévoré ce roman délicieux. À une période de Noël où les soupers et les plats se sont succédés, ce livre a nourri mon esprit par son style, ses images alléchantes (la confection des plats) et sensuelles, ou poétiques (l'évocation du petit cirque). C'est un livre sur le plaisir qui cache également des thèmes plus douloureux comme l'amour (ou plutôt le non-amour) maternel et son apprentissage difficile. Le titre évoque Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, car Myriam, comme Alice, n'a jamais la bonne taille pour affronter les événements de sa vie. En réalité, c'est elle qui ne se sent pas en mesure de les affronter.
Mais Myriam est une femme forte, de celles qui se relèvent même dans la pire des situations, une femme forte au grand coeur, et avec quelques brèches, quelques cassures. Le portrait de cette femme m'a beaucoup touchée, dans la même lignée que les héroines (avec un tréma, je n'arrive plus à le faire sur ce site...) de Barbara Kingsolver.
À mettre sous toutes les dents...

Un lien très complet (vous pourrez même entendre Agnès Desarthe) : passion du livre
Le site d'Agnès Desarthe

11 décembre 2006

Babel, commentaires croisés sur le film


Suite au visionnement du film Babel, qui m'a beaucoup marquée et qui m'a poussée à une intense réflexion, j'ai parlé de ce film avec de nombreuses personnes. L'une d'entre elles ne l'a pas du tout aimé. J'ai voulu essayer de comprendre pourquoi, et j'ai aussi voulu mettre en avant les critiques de ceux qui l'ont aimé. Bon, c'est sûr j'ai un parti pris, puisque le film m'a touchée et bouleversée. Je voulais voir si les valeurs véhiculées par ce film avaient autant marqué mes amis que moi. Je voulais partager le choc que ce film a été pour mon entourage proche (la personne qui m'a accompagnée ce soir là en parle encore...) et moi...
À ceux qui me demandent ce que j'en ai pensé, moi, je répondrai que je partage beaucoup de l'avis de Maude.


Avant de commencer, vous pouvez lire ces critiques de journalistes professionnels, à la fois positives et négatives :

Dans Libération
Dans Le Monde
Sur le site de Radio-Canada

Le commentaire de Maude :
« Sans hésitation je dirais que ce film est un vrai chef-d'oeuvre! Il peut être ardu à digérer pour certains étant donné son intensité, ce qui expliquerait à mon avis que des gens l'aient détesté, mais on peut difficilement y voir des défauts. Chaque personnage est construit et développé avec finesse, le ton est juste, le scénario est brillant. Ce qui est aussi difficile c'est ce portrait assez triste de la situation des classes moins favorisées qui s'en sortent le moins bien dans cette histoire. N'est- ce pas le reflet d'une réalité qu'on ne veut pas voir? Le rythme du film est dur, il nous fait vivre des émotions intenses, il ne nous permet pas de respirer bcp en cours de route. Pour moi, c'est le film qui m'a le plus marqué cette année. Toutes les histoires m'ont touchée également je crois, le désarroi de la petite Japonaise très fortement et la famille Marocaine sans intention préméditée de faire quoi que soit de mal, etc. Il y a tellement de thèmes importants dans ce film: la fragilité humaine, l'importance des liens, de la famille, la solidarité chez les villageois en contraste avec les gros touristes individualistes. Oui, le portrait de l'individualisme occidental m'a fait rager, m'a donné envie de sauter à la gueule du bonhomme de la même façon que l'a fait le personnage joué par Brad Pitt. Wow, il y a tellement de choses dans ce film d'une richesse incroyable. Je réalise que j'aurais besoin d'un 2e visionnement pour me rappeler de tout...»

Le commentaire de Toufik :
« J'ai vu un film où les préjugés sont mis à rude épreuve (la sourde-muette, le monstre - la mexicaine, enleveuse d'enfants - les potentiels terroristes marocains).

Je suis encore sous le choc à vrai dire. J'ai vu la bonté de certains et la connerie des autres. Bizarrement, rien de moins humain que la vie de tout les jours, les futilités en moins.

Dans ce film, on a un condensé de ce qui se passe tous les jours, ailleurs dans le monde. Pendant que je t'écris, il y a peut-être une gamine qui se fait exciser, pendant qu'un enfant de 7 ans est entrain de se faire battre par sa mère parce qu'il a pissé dans son froc.

Ce film a remis en place l'importance que j'avais dans cette vie mondiale : je ne suis rien qu'une personne sur 6 milliards. Maintenant, il a aussi montré l'impact qu'ont nos actions dans un cercle local.

J'ai été trés trés ému de voir mes origines dans ce film (le village où se passe l'histoire ressemble, à petites choses près, au village de mon père dans les montagnes et les personnes étaient tellement tellement réelles. Tout y était : l'accent, les tenues, les attitudes et les réactions aussi).

J'ai ADORÉ ce film pour le respect qu'il a eu des être humains, de leur bonté, intelligence, humilité et mechanceté. Si tout le monde pouvait voir ce film, je pense que ça arrêterait pleins de choses. Non ?? »

Le commentaire de Sophie :
« Ça y est, j'ai vu Babel et je peux en parler. Est-ce un chef-d'oeuvre ? Je ne sais pas, je ne suis pas assez spécialiste au niveau technique et beaucoup plus attentive aux émotions et au message véhiculé, mais je l'ai beaucoup aimé. Je pense que c'est un très bon film. Il m'a donné pas mal le bourdon comme à chaque fois qu'une histoire montre tout un engrenage de tragédies à cause de malentendus, de non-communication entre les êtres. En fait, les gens ''normaux'' dans ce film n'arrivent pas à communiquer beaucoup plus que la jeune japonaise sourde et muette. On frappe, on sort son arme et on tire avant de parler, on n'écoute pas les explications de l'autre (comme le policier marocain ou le douanier américain). Evidemment, ça ne peut donner que des catastrophes (l'errance dans le désert avec les 2 enfants : horrible...). Comme je le disais, je ne suis pas spécialiste au niveau mise en scène mais c'est sans doute l'un des premiers films où j'ai fait attention au montage. Je l'ai trouvé bien fait.»

Le commentaire de Roromax (que l'on peut lire ici)
« Une étoile plutôt que zéro pour : la qualité de la photo et de la réalisation en général. Le titre, alléchant, nous a fait croire que le film traiterait des difficultés de communiquer. Pourtant ce n'est pas le cas,les personnages se débrouillent très bien pour communiquer en différentes langues, que ce soient les mexicains qui doivent s'exprimer en anglais aux Etats-Unis, les américains au Maroc, ou encore les sourdes-muettes au Japon. Le thème central est plutôt le même que celui de Bowling for Columbine : la connerie humaine et le malheur que peut provoquer une arme à feu, où que ce soit dans le monde. Sauf que Bowling for Columbine est drôle. Dans Babel, on ne rit ou même sourit à aucun moment. Tout est prévisible et est basé sur le fait que certains personnages "déraillent", perdent le contrôle d'eux-mêmes à certains moments de leur vie. Un peu trop facile. Si on ne rit pas, on ne pleure pas non plus. On a seulement pitié. Et la nette impression d'avoir perdu 2 heures et demi de son temps et quelques euros.»

Enfin, le commentaire de Misty, que l'on peut retrouver sur son blogue
« Ce film fut avec justesse primé à Cannes pour son scénario.
Un fait divers et trois points de vue. Mais Guillermo Arriaga, également auteurs de polars mexicains, ne nous propose pas ici une triple narration classique.
Une femme américaine, en voyage organisé au Maroc, se fait tirer dessus dans un bus. Démunis dans cette désertique région marocaine, elle et son mari vont essayer de s'en sortir. Ils ont laissé leurs enfants aux mains de leur nounou mexicaine qui ne peut manquer le mariage de son fils au Mexique. Pendant qu'au Japon, une jeune fille malgré tout un peu comme toutes les autres, essaye d'attirer l'attention des adultes pour que l'on voit qu'elle va mal.

Ces trois histoires sont liées bien sûr. Ici la chronologie n'est pas parfaite, mais ce n'est pas grave, on arrive bien à replacer chaque chose. Ce qui va lier ces trois histoires, c'est la détresse. Chacun dans sa partie du monde souffre à sa manière. Il n'y a pas de pire ou de moins mal. Et surtout, dans chacune de ces souffrances on trouve un petit bout de notre mal-être à nous. Une détresse financière, sociale, psychologique, amoureuse...
Chacune a sa langue, son expression ; mais elles sont universelles.

Une tour de Babel que serait notre monde où la communication est partout et où les frontières sont finalement bien ténues, un monde bien triste, mais c'est le nôtre.

C'est un très beau film qui frappe juste. Les images, la musique, les acteurs, bref, pas grand chose à redire ! Allez-y !!»

En ce moment, j'écoute beaucoup Xavier Rudd, Food in the Belly (Salt X Records, 2005), et aussi la compilation Zanzare numéro 9. Quoi, vous ne connaissez pas Zanzare ?? ;-) (merci Maga !)

29 novembre 2006

Dernièrement j'ai lu

Des nouvelles
Comme un beau grand slow collé, de Bertrand Latour, éditions Denoël, 2004 : un recueil de nouvelles écrites par un français parti en 2002 à Montréal le temps d'écrire. Ça donne huit nouvelles parlant d'immigration, de changement de vie, de choc culturel. Les thèmes ne sont pas nouveaux, on a souvent affaire à des ados atardés un peu énervants, un peu snob (les personnages de Bertrand Latour ont presque tous une situation sociale supérieure à la moyenne) mais l'écriture est bonne, cynique, Montréal est décrite comme si on y était (j'y suis mais bon...), les expressions sont bien rendues (mais la traduction - pas toujours exacte - est superflue). J'ai emprunté ce livre à la blibliothèque car le titre m'a accrochée, je n'ai pas été déçue, ces huit nouvelles - inégales cependant - m'ont fait sourire...

Pour le travail

La réflexologie pour tous, de Denis Lamboley, éditions Marabout, 2001. Je me méfie des «Gnagnagna pour tous», mais je voulais voir à quoi celui-ci ressemblait. Il est ludique et intéressant, assez succinct cependant. Pas assez poussé pour moi.


La massothérapie, technique de massage sur chaise, de André Beaudoin, éditions Québécor, 2000. Je pensais avoir affaire à une méthode de massage sur chaise afin de réviser mes cours, mais la moitié du bouquin est consacrée au massage en général.


En bande dessinée

Monsieur Jean, un certain équilibre, tome 7, Dupuy et Berberian, éditions Dupuis, 2005. J'aime bien ce personnage de parisien écrivain, sensible, qui évolue d'album en album. Drôle et touchant.


Magasin général, Marie, tome 1, de Régis Loisel et Jean-Louis Tripp, éditions Casterman, 2006. J'ai été un peu déçue par cet album qui a tant fait parler de lui. Non pas que le dessin ne soit pas joli, ou le scénario savoureux avec ses expressions qui impressionnent les français de là-bas (!), mais j'ai trouvé que ça manquait d'énergie, de fluide, je ne sais pas exactement, mais il manque un petit quelque chose qui pourrait faire de cette bande dessinée un chef-d'oeuvre. Enfin, j'attends quand même le tome 2 avec impatience car c'est agréable et ça se lit bien tout de même...


Les colocataires, le quatrième passager, de Sylvain Runberg, éditions Dupuis, 2005. Bof... Lu en 20 minutes. Ça m'a rappelé un peu l'époque de la fac. Gentil, sans plus.

Je suis en train de lire

Affinités, de Sarah Waters, éditions Denoël, 2005 (édition originale 1999). Génial! Sarah Waters a un talent certain pour la reconstitution historique, dans Caresser le velours déjà elle nous amenait dans une Londres Victorienne magnifique de précision. Ici elle nous fait visiter une prison pour femmes de Londres, Millbank, et nous fait rencontrer ses prisonnières. Margaret Prior, l'héroïne du livre, dame patronesse de son état (« femme qui se consacre aux oeuvres de bienfaisance », dixit Le Robert), rend visite à ces femmes pour les divertir et rendre leur vie en prison plus agréable... Elle fait connaissance avec Selina Dawes, qui est "medium spirite", enfermée pour un crime qu'un esprit aurait commis...
Étrange, vous me direz ? Oui mais ô combien prenant ! Il y a sans cesse une tension dramatique dans les romans de Sarah Waters, car elle nous fait découvrir ses personnages au fur et à mesure, avec leurs secrets bien enfouis (Quelle est exactement la nature de la relation entre Margaret et Helen par exemple ? On ne le découvre qu'après les 120 premières pages), et aussi une tension érotique découlant des rapports entre les personnages féminins des histoires de Sarah Waters.

Prochainement je vais lire

Extrêmement fort et incroyablement près, de Jonathan Safran Foer, éditions de l'Olivier, 2006
L'histoire de l'amour, de Nicole Krauss, éditions Gallimard, 2006
Il n'y a pas beaucoup d'étoiles ce soir, de Sylvie Testud, éditions LGF, 2005


18 novembre 2006

Mon salon du livre 2006

Ce week-end a lieu le 29ème Salon du livre (site Internet toujours aussi mal fait, mais bon, c'est mon avis !) de Montréal, à la Place Bonaventure.
J'y ai passé quelques heures cette après-midi, en solitaire parmi des milliers de gens...
Expérience intéressante, rencontres d'auteurs que j'admire et ambiance toute entière dédiée au livre, j'adoooore.
J'ai rencontré Michel Rabagliatti, auteur des «Paul» en bande-dessinée, pour une petite surprise pour mon frérot (mais là ce n'est plus une surprise zut). Puis j'ai vu la grande (en talent) et belle Nancy Huston, mais je n'ai pas osé l'approcher :-)
Moment magique, surtout quand Michel Tremblay est venu la saluer, je n'y croyais pas... « Mais où suis-je ?». Je pensais rêver.
Puis je suis allée me réabonner, ainsi qu'une amie, à l'excellente revue Entre les lignes, afin de participer deux fois plutôt qu'une à leur concours, que je rêve de gagner !
Ensuite, j'ai entraperçu Marie Hélène Poitras, auteur de Soudain le minotaure et de La mort de Mignonne et autres histoires, tous deux aux Éditions Triptyque, ainsi que Tristan Malavoy-Racine, qui a produit récemment un livre publié aux éditions sus-citées ainsi qu'un disque, édité chez Coronet Liv.
J'ai aussi admiré la bouille de Stéphane Archambault, le chanteur de Mes Aïeux, et aussi animateur de radio sur Espace Musique depuis la rentrée.
Et puis, j'ai assisté à une conférence avec Stephen McCauley, l'auteur de Sexe et dépendances, dont j'ai parlé ici. C'était très intéressant, d'autant plus que cet auteur américain, qui fait l'effort de parler en français avec un charmant accent, est tout à fait sympathique et drôle, à l'image des personnages de ces romans. Il semble gentil, doux, un peu torturé (mais quel auteur ne l'est pas haha !), et très accessible. Mais ses livres ne le font pas rire, lui (c'est lui qui le dit). Il se dit très timide, se considère comme un «outsider», et c'est cet «état» qui, semble-t-il, lui permet d'observer son prochain et toutes ces petites caractéristiques de l'âme humaine qu'il sait si bien décrire dans ses livres.
D'ailleurs, ça me fait penser, concernant son dernier roman, j'ai oublié de parler de la traduction française que j'ai lue. Il semblerait que le ou la traducteur/rice s'est un peu laissé aller, et j'ai eu quelques difficultés avec le style en français de cet auteur. D'ailleurs, c'est le seul auteur que j'ai lu en anglais (The Object of My Affection), et je crois que je relirai volontiers Sexe et dépendances en anglais, histoire de me réconcilier avec l'écriture de Stephen McCauley, non pas qu'il écrive mal, mais parfois une mauvaise traduction gâche tout...
Bref, ce n'est pas très clair tout ça, mais en conclusion : lisez Sexe et dépendances en anglais, si vous en êtes capables (Alternative to sex).
Bon, c'est tout pour ce soir !

En écrivant ceci, j'écoute Ryan Adams (ne pas confondre avec l'autre!)


12 novembre 2006

Puisque rien ne dure contre Sexe et dépendances

Puisque rien ne dure, de Laurence Tardieu, Éditions Stock, 132 pages.

Laurence Tardieu est née en 1972 à Marseille. Elle a publié deux romans avant celui-ci : Comme un père (2002) et Le Jugement de Léa (prix du roman des libraires Leclerc 2004), parus chez Arléa. Elle est également comédienne.

«La signature «Geneviève» au crayon, au bas d'une lettre à l'écriture tremblée, va précipiter Vincent dans son passé. Qui est-elle ? Quelle était leur relation ? Sans réfléchir, Vincent part vers celle qui se meurt. Sur l'autoroute, alors que durant quinze années il avait fermé les portes de son passé, tout revient. Cet amour exclusif, Geneviève-Vincent, et surtout le drame de la disparition de leur fille Clara qui a fait basculer leurs vies. Le journal intime, tenu par Geneviève au lendemain de sa disparition, nous dévoile comment ces deux êtres ont vécu la disparition de leur fille, comment ils se sont éloignés l'un de l'autre. Pour Geneviève, c'est le silence de la campagne qui fait vivre Clara en elle et auprès d'elle. Pour Vincent, il n'y a plus qu'à se perdre dans la ville, ses bruits, son anonymat. Mais, à la veille du décès de Geneviève, l'amour est toujours là. Ils vont se donner mutuellement la paix nécessaire ; à l'une pour partir vers l'au-delà en se sachant aimée ; à l'autre, une nouvelle naissance, sans crainte du passé. Laurence Tardieu nous offre là un moment magique, émouvant, envoûtant, sublimé par l'écriture.»
Spécial rentrée littéraire, supplément septembre 2006 de Lire

Les larmes coulent, à la lecture de ce livre si vrai, si dur et bouleversant. Ça ne tombe jamais dans la mièvrerie, on se retrouve dans la peau des personnages, avec leurs beaux côtés et les plus sombres, chacun avec sa façon de réagir face à la terrible disparition inexpliquée (le corps n'est pas retrouvé) de leur fille.
Les personnages évoluent vers une libération finale, après une quinzaine d'années passées dans la souffrance, le reniement, la peur de s'engager, de se livrer. Une libération qui s'apparente à une guérison, une réconciliation, une acceptation. C'est pour la beauté de ces sentiments que j'ai profondément aimé ce livre, même si j'en ai «bavé» pour le lire. 136 pages de douleur et de tristesse, ce n'est quand même pas évident à avaler...
À ne pas mettre entre toutes les mains, et en même temps oui, enfin c'est comme cette pièce de théâtre que je suis allée voir en mars 2006, W;T, qui parle de la maladie et de la mort : très dure et en même temps tellement essentielle...

Sexe et dépendances, de Stephen McCauley, Flammarion, 311 pages.

Stephen McCauley est l'auteur de quatre romans à grand succès dont le dernier La Vérité, ou presque, fait actuellement l'objet d'une adaptation cinématographique avec André Dussollier et Karin Viard. Son premier roman, L'Objet de mon affection, avait été porté à l'écran en Amérique par Nicholas Hytner, avec Jennifer Aniston dans un des rôles principaux. Sa voix très personnelle, intimiste, légèrement décalée, lui vaut d'être souvent comparé à Woody Allen, Ernst Lubitsch ou Oscar Wilde. Il vit à Boston et enseigne à la Brandeis University. Il collabore également à divers journaux et revues, dont le New York Times, le Washington Post et le Boston Globe.

Un article sur Stephen McCauley dans La Presse

Un article sur le site de Radio-Canada

Une grande bouffée de légèreté après la gravité de Puisque rien ne dure.
Comme dans la plupart des romans de Stephen McCauley, nous retrouvons un personnage masculin gay, célibataire, qu a du mal à communiquer ou à dévoiler ses sentiments, qui a développé des dépendances ou des habitudes loufoques. Ici, William s'adonne aux rencontres sur Internet, et fait le ménage dans son appartement tous les jours avec des appareils ménagers coûteux et diversifiés...
William est agent immobilier, et à travers son métier, c'est le désir de changer de vie qui transparaît : celui des autres, les personnages qui gravitent autour de William, et le sien.
Avec son humour habituel, Stephen McCauley nous promène dans les appartements de Boston, nous donne tous les trucs du bon agent immobilier, nous présente des personnages attachants et légers, tout en nous offrant une réflexion sur les choix de vie, les relations de couple, la crise de la quarantaine, la quête du bonheur, tout ça dans une Amérique post-11 septembre.
Je ne l'ai pas encore terminé à ce jour, et je me délecte encore chaque soir des courts chapitres (qui nous poussent à lire encore et encore) relatant le quotidien de William, brossant le portrait de ses nouveaux et mystérieux clients Charlotte et Samuel, de son ami Edward (Vont-ils finir ensemble ces deux-là ?), et nous présentant cette brochette savoureuse de personnages, des hommes rencontrés sur Internet aux voisins de William...

07 novembre 2006

Lancement du numéro 2 de la revue Biscuit Chinois, sous le thème «Last Call»

Le 9 novembre prochain, à partir de 19 h, au Studio LeClair, situé au 2401, rue Mont-Royal Est, à Montréal.« Biscuit Chinois se consacre entièrement à la culture populaire. Dans populaire, il y a « pop », comme dans musique pop, comme dans pop art, comme dans pop corn. Notre intention, c’est de publier de la littérature qui ne se prend pas trop au sérieux, histoire de la désacraliser et de la rendre accessible à tous (sans pour autant négliger la qualité).»

29 octobre 2006

Après la nuit rouge, de Christiane Frenette

Éditions Boréal Compact, 2005, 168 pages.

Encore un petit livre extraordinaire qui se lit en coup de vent, se referme avec regret et ne s'oublie pas si vite...
La nuit rouge, c'est cet incendie qui a ravagé Rimouski, ville du Bas-Saint-Laurent au Québec, le 7 mai 1950. Point de départ d'une histoire croisée où se perdent et se retrouvent trois personnages, Thomas, Romain, et Marie, la femme de ce dernier. Thomas revient dans sa ville en 1955 après 5 ans passés dans un hôpital psychiatrique. Il retrouve alors Romain, son ami d'enfance dont il ne se souvient pas, et la femme de celui-ci, Marie, en qui il capte la même détresse que celle qui l'habite. Thomas retrouve aussi son chien, Rex, aveugle et sourd, mais toujours fidèle.
Puis l'on retrouve en 2002 Lou, qui revient à Rimouski elle aussi après la rupture d'anévrisme de son mari Joe. Ils s'installent dans une grande maison et Lou va retrouver peu à peu tous les souvenirs qu'elle a laissés en fuguant 30 ans auparavant de la maison familiale, la maison de Marie et Romain...
Cette histoire est finalement très difficile à résumer tant la trame est dense et riche. On fait connaissance avec chacun des personnages, tous très émouvants par leur fragilité et leur recherche du bonheur, ou leur résignation (Marie).
Thomas en tête, qui réapprend à vivre après cinq ans passés à l'hôpital, sous le regard des autres qui le prenne pour un fou. Le soir de l'incendie, «Thomas n'avait pas trouvé sa voie, il avait pris l'issue de secours». Quand il revient à Rimouski, il retrouve son chien devenu sourd et aveugle, métaphore de cette amnésie qui le frappe et de cette difficulté à communiquer qui le caractérise. Thomas est difficile à mettre à jour, à l'image de cette accusation qu'il se porte lui-même, d'être le coupable de cet incendie. On ne sait s'il dit vrai.
Marie, femme du médecin Romain, caractérise la femme qui refuse de se mettre au service de la gloire de son mari. Avec la révolte qu'elle réprime et les scotchs qu'elle s'enfile (!), elle devient frustrée et aigrie face à sa vie. Thomas représentera peut-être pour elle une sortie de secours qu'elle essaiera d'emprunter, et ce, même face à la jalousie de son mari. Le couple se dispute l'amitié/amour du jeune homme, qui lui, tente de trouver un sens à sa vie.

Poète et romancière, Christiane Frenette est titulaire d'une maîtrise en littérature québécoise de l'Université Laval. Elle enseigne actuellement la littérature au Collège de Lévis-Lauzon. Elle a publié des recueils de poésie, des recueils de nouvelles et des romans, son écriture exprimant le difficile combat de la vie contre le désespoir.
Christiane Frenette a reçu le Prix Octave-Crémazie pour son recueil de poésie Indigo nuit en 1986 et le Prix du Gouverneur général du Canada dans la catégorie «roman et nouvelles» pour La Terre ferme en 1998. Elle est membre de l'Union des écrivaines et des écrivains québécois.

Le roman Après la nuit rouge a été sélectionné pour le prix des collégiens 2006 (c'est Nikolski de Nicolas Dickner qui l'avait remporté).

Critiques du livre Après la nuit rouge :

«Savamment orchestré (l’alternance entre deux narrations concurrentes se fait en souplesse) et servi par cette petite musique précise et jamais précieuse, délicate et jamais mièvre, Après la nuit rouge confirme le statut de la styliste parmi les écrivaines majeures de sa génération et de la littérature québécoise contemporaine.»
Stanley Péan, Le Libraire

«Si l'émotion risque de submerger le lecteur à tout moment, c'est peut-être qu'à une certaine hauteur, la beauté et la vérité se confondent. Écrit dans un style minimaliste et avec une puissance d'évocation rare, Après la nuit rouge sonne admirablement juste.»
Suzanne Giguère, Le Devoir

En ce moment, j'écoute : Gorillaz ~ Demon Days (Parlophone, 2005)

22 octobre 2006

Gioconda, de Nikos Kokantzis

Éditions de l'Aube, 2006 (traduit en 1998, 1975 pour la version originale), 124 pages

L'auteur vu par l'éditeur :
Nikos Kokantzis, né à Thessalonique en 1930, découvrira l'amour avec Gioconda en 1943. Juive, celle-ci sera déportée à Auschwitz... et n'en reviendra pas. Et c'est en 1975 que Kokantzis décide de raconter leur histoire d'amour, pour que Gioconda revive à travers ses mots. C'est son premier et seul ouvrage.

Il aura donc fallu 30 ans pour que Nikos Kokantzis couche sur papier cette histoire, son histoire, son premier amour. Ccet homme n'a écrit que ce livre, dans l'unique but que Gioconda ne tombe pas dans l'oubli, pour garder un souvenir tangible d'elle, alors que tout ce qui lui appartenait avait disparu. Une preuve de son immense amour pour elle, preuve aussi qu'il ne l'a jamais oubliée. Nikos Kokantzis a-t-il réussi à vivre et à aimer de nouveau avec autant d'intensité ?
Après tout, il s'agit d'un premier amour comme beaucoup en ont vécu.
Mais au-delà du drame amoureux qui se joue, il y a toute l'ampleur du drame humain de la Seconde Guerre Mondiale. Les tirs, les bombes, la résistance, les déportations.
Pendant la Seconde Guerre Mondiale, la ville de Thessalonique, en Grèce, a été occupée par les Allemands. Tous les juifs de Thessalonique ont été déportés en 1943 vers Auschwitz. Mille à peine ont survécu. Il s'agit d'une partie de l'histoire de la Seconde Guerre Mondiale peu connue.
Gioconda a fait partie de ces juifs déportés et qui sont morts. Nous le savons dès le début du livre, nous savons qu'il s'agira d'une histoire d'amour qui finit mal. Malgré cela, il plane une impression d'amour éternel lorsque l'on referme ce livre. Il émane de cette histoire des sentiments purs et simples, qui font du bien. On espère un miracle jusqu'à la fin, qui ne viendra pas.
Je l'ai lu hier soir d'une traite, c'est assez court mais suffisamment prenant et surtout très émouvant, écrit tout en finesse et délicatesse. Émouvant de lire cet éveil à l'amour et au sexe, émouvant de se dire que cet homme n'a écrit que ce livre, pour sa bien-aimée, la femme de sa vie. On a tous une part de romantisme en nous, et je trouve cette idée terriblement romantique, au-delà de l'horreur de la guerre et de ses conséquences.

« Je n’entendis pas chanter les oiseaux, ou sonner les cloches. Mais je me souviens encore de ses lèvres contre les miennes, de ce frisson de bonheur. L’amour débordait par mes yeux, mes oreilles, ma bouche, le bout de mes doigts. Ma peau était amoureuse, mon cœur, ma gorge, tout mon corps. Et son amour à elle venait vers moi, j’étais traversé par cette vague chaude, lisse, affolante. Nous étions si proches qu’il n’y avait de place entre nous pour des mots…. J’étais sur le point de terminer la guerre à moi seul, il n’y avait pas de guerre, nous traversions le désert à dos de chameau sous un soleil insoutenable, nous descendions le Nil blanc parmi les odeurs du soir, nous découvrions Samarkand, Kaboul, Benarès… »


17 octobre 2006

Rentrée littéraire...

Je viens de lire le supplément du magazine Lire consacré à la rentrée littéraire avec les conseils de lecture des libraires de différents Virgin Mégastore et de la librairie Le furet du nord.
J'aime énormément lire ce genre de liste détaillée des meilleurs romans de la rentrée, mais en même temps, ça me déprime de me dire qu'il y a tant de livres que je ne pourrai probablement pas lire. Manque de temps, manque d'argent, c'est frustrant. Visiblement, ce n'est pas le talent qui manque par contre !
Comme Extrêmement fort et incroyablement près, de Jonathan Safran Foer, dont je n'ai même pas lu le premier (Tout est illuminé, éditions de L'Olivier, 2003), et qui semble être un chef-d'oeuvre, dans la veine de L'attrape-coeurs de J.D. Salinger.
Ou encore ce Ligne de failles de Nancy Huston, chez Actes Sud, qui a l'air merveilleux, tout comme la majorité de ce qu'elle écrit. Celui-là, je suis pas mal sûre de le lire par contre ;-)
Et Puisque rien ne dure, de Laurence Tardieu, chez Stock, qui a l'air très fort, émotivement parlant, ou cet auteur dont tout le monde parle, Yasmina Khadra, que je n'ai pas encore lu non plus.
Il y a aussi L'histoire de l'amour, de Nicole Krauss (la femme de Jonathan Safran Foer, dans la vraie vie), chez Gallimard, dont le titre est inspirant. Et encore Les bienveillantes, de Jonathan Littell, chez Gallimard, pavé de 912 pages, en lice pour le Goncourt.

Bref, que de belles choses à découvrir, et que j'espère avoir un jour entre les mains...

Ce soir, j'écoute : Jorane ~ Vent fou (Tacca Musique, 1999)

16 octobre 2006

Journal d'hirondelle, d'Amélie Nothomb

Difficile de parler d'un livre d'Amélie Nothomb quand tout a été dit sur celui-ci. Quand tout a été dit sur son auteur également... Il vous suffit de taper ce nom dans Google pour avoir des dizaines de pages sur le sujet, des pages de fans, comme des pages de critiques virulentes.
Car, comme on le sait, Amélie Nothomb déclenche un raz-de-marée médiatique chaque année en sortant son nouveau roman.
Cette année, nous n'y avons pas échappé, puisque l'auteure a même été nominée au premier tour du prix Goncourt (mais éliminée au deuxième, comme on s'y attendait).
Qu'en est-il de ce cru 2006 ?
« Avec n'importe quel autre auteur, quand il déçoit une fois son public, celui-ci ne revient jamais, tempère Julien Laparade, coresponsable du rayon littérature à la librairie Dialogues, à Brest, mais avec Amélie Nothomb, c'est différent. Elle sait tellement se renouveler que ses lecteurs, malgré leur déconvenue de l'an dernier, voudront quand même s'y intéresser».
Sauf que Journal d'hirondelle n'est pas de la trempe de Stupeur et tremblements, Hygiène de l'assassin ou Métaphysique des tubes. Seulement 136 pages, imprimées en gros caractères entourés de marges généreuses, comme si la production nothombienne semblait menacée d'anorexie galopante. Et surtout, la chute, déjà le talon d'Achille de nombre de ses précédents romans, laisse sur sa faim. Si l'on était lacanien, on dirait que l'auteur de Biographie de la faim, l'un de ses meilleurs livres, n'a toujours pas résolu son problème de fin.»
(Excellent article de Daniel Garcia dans le journal Lire de septembre 2006)
Bon c'est un peu ce que je pense de ce Journal d'hirondelle, sauf que le style d'Amélie Nothomb est toujours aussi unique et profond. Bon, il faut que je vous précise quelque chose : je suis une vraie fan d'Amélie Nothomb, elle me fascine. Tout comme elle fascine Laureline Amanieux, auteure d'un excellent livre (fruit de cinq années d'études sur l'auteure belge) : Amélie Nothomb, l'éternelle affamée, paru chez Albin Michel en 2005.
Laureline Amanieux répond à la question Y-a-t-il quelque chose derrière les livres d'Amélie Nothomb ? ainsi : «La réponse est oui. Plus je creuse, et plus je trouve des choses à dire sur son travail. On peut la lire pour le rythme dense et la surprise de ses intrigues, mais c'est aussi un auteur qui passe par la légèreté pour aborder des thèmes très violents. Elle possède une vision très originale, marquée par un jeu permanent de contradictions. On a l'impression, à chacun de ses livres, de voir un train qui s'élance et qui déraille en même temps. Son univers possède un niveau de complexité qui résiste à l'analyse littéraire.»
Enfin, je ne vais pas réécrire l'article du journal Lire en entier, je vous recommande de l'acheter, en plus vous y trouverez un supplément de 32 pages sur la rentrée littéraire. Toujours intéressant...

Je viens de découvrir un nouveau (pour moi) site (ici) sur Amélie Nothomb, très bien fait (quoiqu'écrit un peu petit, c'est dur pour les yeux !) et très riche et complet. Des heures de plaisir pour regarder toutes ces émissions de télé que j'ai loupées en étant de l'autre côté de l'Atlantique...

Je vous invite aussi à vous procurer la revue Moebius sur le thème de La Marge (numéro 105), dans lequel j'ai écrit, dans la catégorie «lettre à un écrivain vivant», une missive à Amélie Nothomb. Cette lettre permet de mieux comprendre mon attachement à cette auteure belge...

Bonne(s) lecture(s) !

En écrivant ceci, j'écoute cela : Cat Power ~ The Greatest (Matador, 2006)



14 octobre 2006

La gare, de Sergio Kokis

Au départ, La gare, de Sergio Kokis, est l'histoire d'une rencontre entre Aimzon et moi.
Sur son blogue, elle a parlé de ce livre et à peu près au même moment nous avons commencé à correspondre. Puis la miss est venue à Montréal, et m'a offert le livre, qu'elle a beaucoup aimé. Le même jour, en sortant d'un resto ensemble, nous sommes tombées sur l'émission Vous m'en lirez tant, de Radio-Canada, et l'invité principal était... Sergio Kokis.
Comme les photos le prouvent, je suis allée faire dédicacer mon livre par un Sergio Kokis très sympathique, et Aimzon s'est amusée à immortaliser l'événement ;-)

L'auteur :
Brésilien d’origine, psychologue à la retraite et peintre, Kokis a fait de la langue française son laboratoire d’écriture. Le pavillon des miroirs, son premier roman, a été unanimement salué par la critique (quatre prix littéraires). Puis les titres se sont succédé à une cadence qui remplit d’aise les lecteurs, car Kokis a l’art de charmer ceux-ci par des récits toujours captivants et sans cesse renouvelés. La gare est le quatorzième titre que Sergio Kokis signe depuis 1994. Les œuvres de Kokis sont également publiées en France, au Brésil, au Mexique et au Canada anglais.
(source: XYZ éditeur)

Sergio Kokis m'a écrit dans le livre : « À Fibula, cette histoire d'une fuite devenue voyage. Montréal le 27.08.06.»
Que raconte donc ce livre, cette fuite, ce voyage ?
De retour de vacances plus tôt que prévu avec sa femme et son fils, Adrian Traum, ingénieur, descend fumer une cigarette dans une petite gare où leur train s'arrête de façon imprévue. S'attardant aux toilettes, le pauvre homme se retrouve seul sur le quai, son train parti. S'est-il endormi ? A-t-il volontairement oublié de remonter dans son train ? Lui-même ne le sait pas, et c'est en rencontrant les gens du village, en discutant avec le chef de gare, en faisant le point sur sa vie insatisfaisante, en se remettant en question, qu'il parviendra à comprendre le sens de sa vie, et le pourquoi de cette aventure dans cette gare et dans ce village de Vokzal.
Le nom de ce village signifie en russe gare, tiens tiens...
Adrian, une fois à Vokzal village, va se rendre compte qu'il ne pourra pas se sortir de cet endroit : perdu au milieu de la steppe, dans un lieu que l'on a du mal à situer (quelle est cette ville de S. ?), sans aucune moyen de transport ou de communication, notre anti-héros va devoir en plus côtoyer des habitants douteux : un chef de gare au départ récalcitrant mais qui finalement jouera un rôle important dans les décisions et la réflexion d'Adrian, un sergent soupçonneux, un simple d'esprit, un joueur d'échec arrivé comme lui par hasard mais qui lui souhaite rester, une vieille à moitié folle qui le prend pour son fils disparu, et sa fille Maria, qui «appartient à tous les hommes du village»... Il va devoir composer avec tout ce petit monde qui voit en lui l'étranger. Et il devra également composer avec une réalité de plus en plus opressante : il va devoir rester là, pris au piège, à son propre piège ? Le chef de gare, Cyrille, lui répète : « Vous êtes ici pour longtemps. Commencez à vous y habituer [...] Vous êtes l'unique artisan de votre malheur, si c'est bien vrai que vous n'aviez aucune intention de vous installer parmi nous.» (p.82-83)
Et si le chef de gare disait vrai ? Tout au long du roman, nous nous disons : « Mais pourquoi cet idiot s'est endormi aux toilettes ?», et nous suivons le pauvre homme dans cet enfer que devient sa vie.
Au fil de son séjour (si l'on peut appeler cela ainsi), Adrian perdra espoir car il compte sur sa belle-famille pour venir le sortir de ce trou dans lequel il s'est jeté. Mais cette aide ne vient pas, et il devra compter sur lui seul pour choisir sa destinée.
« Soudain, cette sorte de suspension du sens habituel des choses, cette mise entre parenthèses du récit quotidien qu’il appelait sa destinée était venue secouer tout son univers de vérités établies.»
Adrian se trouve tiraillé entre sa nature et ce qu'il devient en vivant dans ce village perdu : on remarque qu'au début, lorsqu'il se présente à une nouvelle personne, ou bien dans les discussions qu'il peut avoir avec les habitants du village, Adrian se présente toujours comme «Adrian Traum, ingénieur». Cette considération sociale disparaît au fil du texte, au fur et à mesure qu'il découvre sa vraie nature.
Sergio Kokis, en fin psychologue, nous parle donc de la nature humaine, des choix que nous faisons (ou ne faisons pas). Les réflexions sont très intéressantes, et le suspense soutenu, on pourrait presque se croire dans un roman policier, on attend le crime au tournant !
Alors, une fuite devenue voyage, ou un voyage devenue fuite ? Un voyage au plus profond de lui-même, pour une fuite vers une vie à laquelle il aspire.
Je suis ressortie de ce livre, que j'ai beaucoup aimé, avec de nombreuses questions comme celles-ci. Honnêtement, ce sont des questions que je préfère me poser maintenant, plutôt qu'abandonnée dans un village perdu du fin fond d'une steppe ! ;-)
Merci Aimzon pour cette découverte, et merci Monsieur Kokis, en espérant que votre voyage sur les chemins de Compostelle se passe bien...

En écrivant ceci, j'écoute cela : Air ~Talkie Walkie (EMI, 2004)


11 octobre 2006

Mes quatre disques de la semaine


Mythologies, Patricia Barber, Blue Note Records, 2006

Dans la section jazz cette semaine, nous avons Patricia Barber ! En fait, ça fait un bon mois et demi que j'ai acheté son album, et que je n'arrive pas à m'en défaire...
La chanteuse accumule les albums en or, entre Modern cool (en 1998), Verse (en 2002), et celui-ci, il est difficile de choisir. Je dois cependant dire que Mythologies réunit à la fois les beautés de Modern cool et celles de Verse.
Il s'agit donc d'un album vraiment magnifique. La voix de Patricia Barber, toujours aussi grave et profonde, est encore une fois parfois accompagnée d'un très beau choeur, en particulier sur cette avant-dernière piste, intitulée Phaeton, où nous avons droit à un petit Hip-Hop Groove, et cette dernière pièce, The Hours, magnifique, où les voix s'accordent si bien au rythme lancinant du piano.
À chaque fois que j'écoute Patricia Barber, j'ai le sentiment qu'il s'agit d'une musique qui me fait du bien, profondément.
Un extrait de l'album Modern Cool (merci à Alcib qui a parlé de Radio blog dans son dernier billet) :


5 : 55, Charlotte Gainsbourg, Because Music, 2006

La petite Charlotte nous fait un beau cadeau avec cet album. En connaissant un peu son parcours, son histoire, on ne peut qu'être touché par ce disque (si on aime un peu Charlotte Gainsbourg bien sûr !). Il m'a suffit d'entendre un court extrait à la radio pour me précipiter à la sortie du disque dans mon magasin préféré...

Cette chanson, c'était The song that we sing. Oui, parce que Charlotte Gainsbourg chante en anglais sur presque tout l'album, à l'inverse de Jane Birkin (quoique cette dernière vient aussi de produire un album en anglais, il me semble), qui elle, charme les foules avec son accent so sexy (L'un de mes meilleurs concerts a été celui de Jane Birkin à La Tulipe [Montréal], avec la tournée Arabesque, c'était si émouvant) !

Certains ont dit que l'album 5:55
était surtout un album d'Air, puisque le groupe s'est chargé de la composition de cet album. C'est vrai que l'on retrouve les trames sonores qui ont fait la popularité du groupe français, créateur de la bande orginale du film The Virgin Suicides de Sofia Coppola, mais surtout de l'excellent Moon Safari en 1998.
D'autres doutent aussi des capacités vocales de Charlotte Gainsbourg. Mais là, nous sommes loin du Lemon Incest avec son père, en 1984 ! Charlotte a fait des vocalises depuis, et nous offre des chansons qui portent son empreinte, marquée certes par un héritage certain, mais qu'elle s'approprie très bien. Il n'y a qu'à écouter la dixième chanson de l'album pour s'en convaincre. Cette chanson est ma préférée, très inspirée, intense, avec une dynamique qui change violemment au moment du refrain, et nous montre une Charlotte Gainsbourg qui sort ses griffes !
De cette chanson et de son travail, la charmante Charlotte dit d'ailleurs : «[...] Et Everything I cannot see, c'est la plus puissante et celle qui m'a demandé le plus d'efforts, presque physiques, mais qui était la plus gratifiante au final. C'est comme les scènes de violence où on se laisse aller: la musique, c'était plus fort que moi, il fallait que je plonge dedans»




Close to paradise, Patrick Watson, Secret City Records, 2006

Tous les médias parlent du secret le mieux gardé au Québec... C'est maintenant un secret dévoilé, pour le bonheur de nos petites oreilles.
Alors, allons-y pour les comparaisons ! Il faut bien commencer par comparer pour ensuite trouver l'unicité de la chose.
Pour la voix, j'ai immédiatemment eu une vision de Jeff Buckley. Patrick Watson monte pas mal haut dans les aigus, on a parfois l'impression d'entendre une voix d'ange venu du ciel (oh ! Rien de moins ...).
La musique, planante parfois (on sent l'influence de Pink Floyd), enjouée d'autres fois (une amie, en écoutant le refrain de la chanson The Storm m'a dit : «On dirait Les Triplettes de Belleville !»), avec des choeurs (toujours sur cette même chanson numéro 6, j'ai cru retrouver les choeurs de Léonard Cohen), des instruments venus d'ailleurs, nous entraîne dans des ambiances très particulières et intimes.
Les arrangements sont extraordinaires, au piano omniprésent viennent s'ajouter des clochettes, du lap steel, et des ensembles à cordes et à vent. L'album a été enregistré à Montréal, New-York et Helsinki, une diversité qui n'est sûrement pas pour rien dans la richesse de ce disque...
Réalisé à Montréal, New York et Helsinki avec entre autres Amon Tobin au mixage de quelques pièces, Close to Paradise s’écoute comme un voyage au centre d’une entité plus grande que la somme de ses parties: la créativité de Watson et ses compères.
J. Sébastien Chicoine

L'étreinte, Miossec, Play it again, 2006

Paru début septembre au Québec, le dernier album de Miossec est passé entre mes mains par hasard. Je connaissais Miossec à ses débuts, et je m'étais lassée de son style assez redondant, de sa voix éraillée, et de ses textes tournant pas mal autour de la bouteille...
Mais je dois dire que j'ai bien accroché sur celui-ci. Même si la mélancolie est encore très présente (il y a même une chanson intitulée ainsi), les couleurs bariolées de la pochette (pas
forcément jolie) nous amènent vers un peu plus d'optimisme...
«
Comme toujours, la voix est mal assurée, essoufflée, rauque ; plus hésitante que sur son dernier album, mais sans jamais être fausse comme elle l’était par moments sur Brûle [4e album]. Touchante de sensibilité, unique en son genre — une voix sublime d’ivrogne.»
Texte intégral ici

Une bio de Miossec ici




En ce moment, je lis (après avoir terminé La Gare, de Sergio Kokis, dont je vous parle dans mon prochain billet) : Longtemps, je me suis couché de bonne heure, de Jean-Pierre Gattégno, aux Éditions Actes Sud (2004)

03 octobre 2006

Dieu(x) et idoles

Dieu(x) et idoles, collectif, La boîte à bulles / Contre-jour, février 2006

Si Dieu n’existait pas, il faudrait l’inventer. Ou alors il faut lui substituer des idoles. C’est sur ce thème que les auteurs publiés à La Boîte à Bulles ont choisi de plancher pour ce premier collectif publié dans la collection Contre-Jour.


Parfois, on tombe sur des petits bijoux de lectures, ou sur des initiatives qui nous font chaud au coeur. En consultant les nouveautés en BD à ma bibliothèque, je tombe sur ce collectif, intitulé Dieu(x) et idoles. Tiens, ça a l'air intéressant !
Et en effet, je découvre des petites histoires, des tranches de vie autour de ce thème très vaste, qui a été interprété d'une manière bien personnelle par chacun des auteurs. Car c'est aussi ce qui m'a intéressée : découvrir tout un tas de jeunes auteurs de BD. Je me suis rendue compte
qu'il y avait énormément de très jeunes auteurs talentueux en France (on peut lire les biographies de chacun d'eux dans l'ouvrage).
Les histoires sont inégales, et les thèmes auraient pu parfois être plus fouillés. Mais, dans un collectif, il en faut pour tous les goûts...
Les outils de travail sont variés, on trouve des dessins à l'encre, à l'encre de Chine, des collages, du texte...
Le procédé m'a rappelé un peu certaines revues de littérature (comme
Biscuit Chinois par exemple...), dans lesquelles on trouve toute sorte de textes sur un thème précis.

L'ouvrage contient 26 histoires répartis sur plus de 200 pages.
Voici un commentaire trouvé sur le site
http://bd.krinein.com/Dieu-et-idoles-4271.html
et qui ressemble à ce que j'aurais pu dire sur ce livre :
« Chaque petite histoire est introduite par un curriculum vitae des auteurs. Ce collectif nous permet de découvrir ou de redécouvrir de nombreux talents. Il permet aussi de se plonger dans de multiples histoires bien distinctes les unes des autres ; graphiquement, spirituellement et dans leurs tonalités. Diversité, encore et toujours. Du trait le plus réaliste à celui le plus caricatural, des planches les plus épurées à celles les plus chargées en détails, Dieu(x) et idoles est un enchaînement de styles. Benjamin Bouchet nous rappelle Baudoin, Pipocolor et ses « planches-labyrinthes » renvoient à Chris Ware, Jonvon Nias rend hommage à Sfar, Aurélien Bédéneau, ses squelettes et son gris ultra précis, nous remet en tête le monsieur Mardi-Gras Descendres de Liberge. Bref, inutile d'aller plus loin dans l'énumération, vous l'aurez compris, un grand nombre d'écoles graphiques sont représentées. On retrouve ce même fourmillement dans la teneur des histoires contées. Les scénarios sont soit comiques, surréalistes ou philosophiques (parfois même, les trois à la fois).
Si un bon nombre d'histoires n'ont pas d'autres effets que celui de vous décoincer les zygomatiques (Dieu en représentant commercial, des bestioles préhistoriques se battant contre un mur, Elvis revenant à la vie...), certains scénarios soulèvent des questionnements. Dieu, l'idée de Dieu, n'est-ce pas là l'un des thèmes ayant fait couler le plus d'encre ? Doit-on le reconnaître ou l'ignorer ? Le percevoir comme un père bienveillant ou comme une puissance dominatrice ? La religion est elle une source de frustration ou une ligne de conduite indispensable pour l'homme ? Dieu vit-il au dessus de nous ? Parmi nous ? Est-il matériel ? Immatériel ? La religion est elle un humanisme ou juste un refus de la mort ? Non, vous ne trouverez certainement pas les réponses à ces questions dans Dieu(x) et idoles, mais l'album aura peut être le mérite de vous réveiller à propos de sujets sur lesquels vous vous êtes endormis par conviction. Dans cet esprit, on retiendra les histoires T'en penses quoi ?, Un p'tit coin de paradis et L'art du bla-blar, qui reposent essentiellement sur le dialogue et le questionnement.
Dieu(x) et idoles est un album qui puise sa richesse dans sa diversité. Diversité de formes, de tons, de réflexions, de contenus. C'est un album capable de faire rire mais aussi réfléchir. A découvrir sans
hésiter. »

Les plus calés d'entre vous (en bande dessinée) reconnaîtront dans cet extrait des noms d'auteurs probablement déjà installés dans le milieu de la bande dessinée.
(En ce qui me concerne, je n'en connaissais aucun...)
Mais cette diversité évoquée plus haut permet de se faire une idée de tous les styles de ces auteurs, et ce genre d'oeuvre collective incite à se pencher plus précisemment sur les auteurs qui nous attirent !

En savoir plus sur Dieu(x) et idoles :
ici ou , ou encore et
.
En ce moment, je lis : La gare, de Sergio Kokis, XYZ éditeur.
Je vous en parle bientôt ! (ouais bon, je vous avais dit la même chose avec Amélie Nothomb, et puis finalement, rien... Mais en ce moment, les livres pleuvent et mon temps se rétrécit pour les savourer...)
Et j'ai aussi lu une autre bande dessinée : Le combat ordinaire, tome 3 (Ce qui est précieux), de Manu Larcenet, que j'ai adoré !

25 septembre 2006

Mon portrait de lectrice

À découvrir, sur le site Jeune et je lis (les gars aussi), mon portrait de lectrice.
Jeune et je lis (les gars aussi) est un blog créé pour rendre compte des lectures des participants, lecteurs ou bibliothécaires, du « comité ado » de la médiathèque de Bagnolet, en France (région parisienne).
Il s'agit d'une initiative de Stella, entre autres, de <>T'as pas un truc à lire ?, dont j'ai parlé quelques fois sur ce blogue.
Vous pouvez lire mon portrait (qui serait peut-être encore différent si je le réécrivais aujourd'hui) <>ici.
Extrait de Jeune et je lis (les gars aussi) :
«
Jeune et je lis (les gars aussi) est un blog créé pour rendre compte des lectures des participants, lecteurs ou bibliothécaires, du « comité ado » de la médiathèque de Bagnolet. Nous souhaitons aussi inviter des personnes extérieures au comité à réagir à ces lectures (à partir de la zone des commentaires).
Le principe du comité ? Les participants lisent des livres de littérature générale ou de collections destinées aux adolescents. Un compte rendu de lecture est ensuite réalisé afin d’expliquer pourquoi tel livre mérite d’être sélectionné ou non.
A partir de quels livres les participants font-ils leurs sélections ? Les livres proposés sont choisis par Patrick Borione de la librairie Colibrije à Montreuil en fonction de critères définis en amont par les bibliothécaires.
Qui participe au comité ? Le comité est ouvert aux jeunes lecteurs (15-20 ans) de la médiathèque. Des portraits des participants seront proposés pour que vous puissiez vous familiariser avec eux.
La finalité du projet ? Faire s’exprimer les jeunes sur leurs lectures, donner des outils critiques et créer des passerelles entre différents secteurs (jeunesse et adulte). Mais surtout, se rencontrer autour de la lecture et échanger librement.
Autre but de Jeune et je lis (les gars aussi) : faire état des autres comités ou initiatives à destination des adolescents, s’interroger sur la lecture à l’adolescence et proposer des portraits de lecteurs célèbres ou anomymes.
Au plaisir de vous rencontrer sur Jeune et je lis (les gars aussi)
»

13 septembre 2006

Journal

Journal (1), février 1992 - septembre 1993, Fabrice Neaud, éditions Ego comme x, 112 pages


Depuis 1994, Fabrice Neaud a entrepris un projet novateur et ambitieux : réaliser son journal intime en bande dessinée. Au fil de ses albums et récits complets, en utilisant la bande dessinée dans ce qu'elle a de plus riche et de plus spécifique, Fabrice Neaud renouvelle sans cesse ce média, tout au long d'une œuvre forte, dense, complexe et variée. On trouve de tout dans l'œuvre de Fabrice Neaud : beaucoup d'émotion et une vive sensibilité ; une réflexion sur notre société, ses valeurs, l'exclusion et la tolérance ; des références picturales, mythologiques, sociologiques, musicales, littéraires et philosophiques ; des réflexions sur l'art et l'amour ; des trouvailles formelles innovantes ; une touche d'humour ; des dessins superbes...

Sébastien Soleil

Voilà qui résume assez bien cette véritable oeuvre d'une vie. Je n'ai lu pour le moment que le premier tome, mais il y en a plusieurs autres qui m'attendent à la bibliothèque...

Biographie du bonhomme :

Fabrice Neaud est né le 17 décembre 1968 à La Rochelle (France). Il obtient son baccalauréat de Lettres option Arts plastiques en 1986 et entame une première année universitaire en philosophie et obtiendra son diplôme (DEUG) l'année suivante à l'université de Bordeaux III (tiens, c'est là où j'ai étudié moi aussi !!). Mais sa vocation première étant le dessin, il entre aux Beaux-Arts où il restera 4 ans, jusqu'en 1991. Commencent alors quatre années de recherche d'emploi pendant lesquelles il réalise notamment les peintures de quinze étapes du Chemin de Croix pour l'église Sainte Bernadette à Angoulême (il en parle dans le volume I du Journal) en collaboration avec Alain François (diplômé des Beaux-Arts) en 1992.
Il cofonde l'association-éditeur Ego comme X. En 1994 paraît
le premier numéro de la revue du même nom. Il fournit pour ce numéro son premier récit publié. Ces pages sont le début d'un projet ambitieux d'autobiographie en bande dessinée, son journal, projet qui, d'après l'auteur, devrait durer tout au long de sa vie. En 1995, il publie des récits dans les numéros 2 et 3 d'Ego comme X ainsi que dans les 4 numéros de la revue Bananas d'Évariste Blanchet (revue ambitieuse, au contenu de qualité mais qui ne passera malheureusement pas le cap de la première année d'existence). Enfin en 1996 paraît le premier volume de son Journal, qui reçoit le prix Alph'art Coup de Coeur au festival d'Angoulême l'année suivante (1997). Suivent des publications dans la revue Ego en 1996, 1997 et 2000 et la parution des volumes II à IV de son Journal entre 1998 et 2002. Ses projets se multiplient : il écrit un roman (Le capitaine Émile, dans la continuation du récit publié dans Ego comme X n°7) qui ne sera finalement pas édité et publie, entre fin 2002 et début 2003, en plus du volume 4 de son Journal, trois récits dans un collectif sur les Vampires aux éditions Carabas, dans un hors-série spécial bande dessinée de Beaux-Arts Magazine et dans le premier numéro de la revue Bang.
Très convaincu des immenses possibilités qu'offre la bande dessinée, Fabrice Neaud est à la pointe de la lutte pour la reconnaissance de ce média. En 1999, suite à un article de Beaux-Arts Magazine abordant la bande dessinée de façon condescendante, il écrivit une longue lettre. Trois ans plus tard, il dessinait pour le hors-série de ce magazine sur les tendances actuelles de la bande dessinée un récit sans parole sur l'histoire de celle-ci.
Fabrice Neaud est également un membre actif de la
Maison des auteurs de bande dessinée (mdaBD), association d'information des professionnels de la bande dessinée et de la promotion du média.

(Cette biographie provient directement de ce site.)

Autres informations sur Fabrice Neaud et son oeuvre ici et ...

Alors qu'en est-il de cette histoire, de son histoire finalement ? Qu'est-ce qui fait que la vie de cet homme mérite d'être couchée sur papier et qui plus est, dessinée ?
Et bien, Fabrice Neaud est un artiste qui dresse un constat de sa vie plutôt négatif (malgré son jeune âge) et qui tente tant bien que mal de remonter à la surface. Nous nous faisons voyeur, un peu, beaucoup, car l'auteur ne nous cache rien ou presque, de ses aventures sexuelles ou amoureuses (homo) à ses reflexions et déceptions. Mais il le fait avec une très grande sensibilité, à fleur de peau, sans prétention. On ressent aussi sa grande fragilité, et le fait que d'une page à l'autre Fabrice peut basculer dans un état dépressif, tant son instabilité dans ce tome I est palpable.
La simplicité qui se dégage de cet ouvrage devient touchante, très émouvante et nous entraîne avec son auteur dans sa remise en question. C'est pas toujours très gai, mais c'est comme la vie, avec ses beaux côtés, et ceux un peu plus moches.
À découvrir.

Et en écrivant ceci, j'écoute les infos : une fusillade a eu lieu dans une école de Montréal, le Collège Dawson...:-(

06 septembre 2006

Après l'hirondelle, la goélande...


Maman Goélande, de Monique Le Maner, Éditions triptyque, 2006

D'abord professeure de lettres en France, en Algérie et au Togo puis journaliste dans un hebdomadaire parisien, Monique Le Maner vit à Montréal. Elle est l'auteure d'un texte radiophonique (Les mamans), de deux polars (La vieille fille et le foulard rouge et Onésime et le chat noir) et de deux romans (Ma chère Margot, et La dérive de l'éponge).
Maman Goélande est son troisième roman.
Quel drôle de petit livre ! Ce récit, justement caractérisé de «fable de rue», nous amène à la découverte de plusieurs personnages habitant tous dans le même bout de rue. Il y a d'abord Jack le concierge, puis Henri et Adrienne le couple de fous de retraités, le vieux Maurice au chien, Rita, qui a la maladie de l'écureuil gris (...), et enfin le couple de jeunes, tout ce petit monde entouré d'animaux de compagnie, les chats Nicky et Rocky, le chien Gugusse...
La vie palpitante de ces gens est rythmée par le ramassage des poubelles, deux fois par semaine, lundi et jeudi. Autour de cette "activité" se déversent tous les restes de vie des habitants de cette rue : leur haine, leur malheur, leurs regrets, leurs mensonges. Cela donne lieu à des échanges acides dont la puissance augmente au fur et à mesure que la véritable tempête (de neige) arrive sur la ville. Les éboueurs ne peuvent plus passer à cause de la neige, et là, tout le quotidien de ces gens s'écroule et leurs repères s'effacent...
Cette «fable de rue» se rapproche beaucoup d'une pièce de théâtre, il y a une unité de temps, de lieux et de personnages.
Certains l'ont comparée à une pièce de
Beckett ou de Ionesco. Je ne suis pas spécialiste mais je suis assez d'accord, j'ai facilement imaginé ce livre sur une scène, et de ce que j'ai lu de Ionesco ou Beckett (La leçon, Les chaises, La cantatrice chauve pour Ionesco, En attendant Godot pour Beckett), il s'agit là de la même famille.
Enfin, quoiqu'il en soit, ce petit livre très rapide à lire est assez destabilisant. Les personnages ont tous quelque chose sur la conscience, quelque chose qui ne tourne pas rond, et cette obsession autour des ordures...
Tiens, ça me fait penser à mes voisins (pour l'obsession des poubelles) !

Article sur le livre :
Voir