22 février 2011

Polyte

Polyte, Savinien Mérédac, 2011, éditions Jean-Claude Lattès pour la nouvelle édition. Livre reçu dans le cadre d'un partenariat entre BOB (Blog-O-Book) et les éditions JC Lattès. Merci à eux !

Écrit en 1926, cet ouvrage est considéré comme le chef-d'œuvre de la littérature mauricienne. Il a été perdu pendant de longues années, puis retrouvé et réédité.
Savinien Mérédac, de son vrai nom Auguste Esnouf, est né à Port-Louis en 1880. Il mène, parallèlement à son métier d'ingénieur, une vie littéraire intense. Il fonde une revue, publie des essais et un livre pour enfants, puis en 1926 Polyte. Il meurt en 1939 en laissant plusieurs manuscrits, dont un journal (notes de l'éditeur).

Polyte, c'est Hippolyte Lavictoire, un pêcheur dans la soixantaine, bourru et autoritaire, qui décide de se marier avec Rebecca Sansdésir, beaucoup plus jeune que lui, afin d'assurer la descendance que sa précédente femme ne lui a pas donnée avant de mourir.
Lorsque Rebecca tombe enceinte, Polyte a tout à coup des doutes sur sa paternité. Soupçonneux et jaloux, il ignorera son enfant, Samuel, jusqu'à ses 15 ans où le dénouement sera forcément dramatique...

Écrit dans une langue savoureuse, ce roman étonne par son modernisme qui jamais ne nous fait penser que l'action se passe au début du XXème siècle.
L'auteur parsème son récit de créole mauricien, qui, s'il n'est pas totalement compréhensible pour le lecteur lambda, se laisse apprivoiser par ses sonorités chantantes et ses images vivantes. D'ailleurs, même le français que l'on trouve dans ce livre est souvent imagé... Il y a même parfois un petit quelque chose du joual québécois (Astheure/A-c't'hère) !
- A-c't'hère, allons prendre un petit baquet au coin de la rue, là même-là ; nous l'avons bien gagné! Regardez, je «crache coton» ! (p.83)
Pour qui a eu la chance de voyager à l'Île Maurice, il est agréable de retrouver tous ses noms magiques de villages et de lieux, tels que Grand Gaube (où se déroule principalement l'action, au nord de l'île), l'île Plate, l'île Ronde, le Coin-de-Mire, Triolet, Pointe aux Piments... Lieux magiques qui, aujourd'hui, sont des destinations de vacances prisées par les jeunes mariés...

Mais dans Polyte, ce décor enchanteur ne sert justement que de décor, puisque toute la méchanceté et la rancœur humaines se retrouvent dans le personnage d'Hippolyte, qui en plus d'être jaloux de façon maladive, déteste violemment la population "Malbare", terme péjoratif (à l'île Maurice, car à l'Île de la Réunion voisine, il est très utilisé dans le langage courant) désignant les Indiens de l'Île Maurice, et fait preuve d'un racisme très affirmé face à eux.
Le malaise nous tient en haleine tout au long du roman qui se lit d'ailleurs très rapidement. Quelques personnages lumineux ont beau traverser ce récit, l'ombre malveillante de Polyte revient sans cesse  hanter les pages de cette belle découverte littéraire.

[Lætitia Le Clech]

Humeur musicale : These New Puritans, Hidden (Domino Records, 2010)

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