08 janvier 2011

Le bookcrossing

Chères lectrices, chers lecteurs, bonne année à toutes et à tous !

Je profite de cette nouvelle année pour aborder un des sujets qui me tient à cœur et à propos duquel je souhaiterais échanger avec vous.

Vu le titre de l'article, vous l'avez compris, il s'agit du BookCrossing. Alors qu'est-ce que c'est ?
Eh bien c'est simple, le BookCrossing consiste à prendre un de ses bouquins et à le libérer, c'est à dire à le faire passer à une personne qui le fera ensuite passer à une autre personne. Ainsi de suite.
La "libération" peut se faire à la main ou dans un lieu choisi. Par exemple, je peux déposer un livre dans un parc.
Une fois ce dernier disparu, il entamera une "seconde vie".
Le concept derrière est bien entendu l'échange mais aussi le suivi géographique du livre au gré des personnes qui le récupèrent.
A l'origine, le BookCrossing a été créé par Ron Hornbaker, un américain qui a décidé de créer un site web dédié en 2001.
Sur ce site, après avoir créé un compte, on peut enregistrer son livre dans une bibliothèque virtuelle. Ensuite, quand on décide de libérer l'ouvrage, on obtient un code qu'on inscrit sur le livre et qui permettra aux futurs lecteurs de pouvoir dire : "j'ai trouvé telle œuvre à tel endroit".

Alors moi aussi j'ai tenté l'expérience BookCrossing, parce que j'aime bien l'idée double d'échanger et de voir mes livres voyager.
J'avoue : j'ai commencé par libérer les livres que de toute façon je n'aurais jamais relus, voire ceux que mon entourage m'a fait passer. Puis, une fois les premiers San Antonio et autres "Sélection du mois" "libérés" dans des endroits clé de Bordeaux, j'ai enfin décidé de passer à des œuvres issues de ma propre bibliothèque.

Et pour être certain que tous ceux qui trouveraient les livres, comprendraient le principe du BookCrossing, j'ai commandé de zolies étiquettes sur le site que j'ai collées en quatrième de couverture.
Sur ces étiquettes, on rappelle le principe de fonctionnement, dans dix langues, et on inscrit le code du livre qui permettra de le retrouver sur le site www.BookCrossing.com.
A chaque livre libéré, j'ai consulté avec impatience la page web concernée pour voir combien de tours du globe il avait fait dans la journée.... Bon je sais, je suis un peu optimiste.
Au bout de deux semaines, après m'être assuré que le livre avait bien disparu du banc où je l'avais posé, toujours aucune nouvelle ! Rien ! Pas de greetings américains, pas de bises d'Antarctique et encore moins de cartes postales de Papouasie ! Arghhhh !

Il a fallu me rendre à l'évidence, mon livre avait juste disparu de la surface de la planète !

Après réflexion, j'ai imaginé les hypothèses suivantes :
- Soit je suis impatient et il faut laisser le temps au "découvreur" de lire le livre avant d'aller sur le site indiquer qu'il a bien été trouvé
- Soit le bouquin libéré va se retrouver emprisonné sans un mot dans une autre bibliothèque... Snif...
- Soit les gars de la voirie ont bien fait leur boulot...
- Soit une brigade anti-terroriste a décrété que mon paquet plastique contenant le livre était en fait de l'anthrax ou une bombe ou dieu sais-je quoi encore.
- L'hypothèse précédente fonctionne pour la brigade anti-drogue...
- Des extra-terrestres !! Des extra-terrestres, mes aïeux !!

Un an plus tard, toujours pas de nouvelles. Pour aucun des livres libérés... Ont-ils été pris en otage ?
Malgré la déception, cela ne m'a pas empêché d'élargir un peu le concept et de laisser tomber le côté "marketing".
En gros, j'ai arrêté d'enregistrer mes bouquins sur le site. Finis les numéros isbn, les descriptions, les commentaires, etc... Et puis, j'ai juste donné mes livres.
En fait, c'est ma chérie qui a posé les bouquins au café du coin et puis comme on n'a pas eu de nouvelles non plus, on a laissé tomber les étiquettes.... Pour finir par apprendre que la maison de retraite d'à côté était satisfaite.
Donc nos bouquins rendent heureux nos proches retraités.

En discutant un peu à droite, à gauche, et après réflexion je me suis rendu compte que si le concept de base du BookCrossing, voir son livre passer de main en main et peut-être faire le tour du moooonde est vraiment attirant, dans la pratique c'est finalement un peu restrictif et surtout très consumériste.

En fait le partage de livre tel qu'il est proposé par la plateforme est un don sous conditions. On donne le livre à la condition que celui-ci voyage et qu'on puisse se rendre compte à quel point on a été généreux. En gros, c'est un don intéressé, un don qui flatte l'égo, un don certes, mais inscrit dans ce XXème siècle porté sur la propriété, sur le besoin de vivre par et au travers des objets.

Un de mes amis qui aime posséder des livres et ne souhaiterait pas se retrouver privé de la joie de pouvoir les relire, les feuilleter, sentir peut-être l'odeur de leurs pages, un parfum peut-être, de la poussière parfois, a trouvé comme forme de partage l'achat multiple : un pour lui, trois ou quatre à offrir à ses proches.
Il conserve la propriété mais propose aux autres de découvrir l'œuvre et de l'inscrire à leurs patrimoines personnels.

Pour finir ce court article. Finalement peu convaincu par le BookCrossing et pas assez collectionneur pour vouloir conserver à tout prix tous mes bouquins, j'ai décidé comme je l'ai dit de purement et simplement les donner.

Comment est-ce possible ?
Eh bien je suis parti des constats suivants :
- Il y a très peu de livres que je relirai effectivement
- Si j'ai besoin de retrouver un livre que j'ai donné, j'ai toutes les chances, à part cas très particulier, de les retrouver plus tard dans une bibliothèque ou dans une librairie

J'avoue : tout comme le BookCrossing, cela n'a pas été évident au départ. Donner n'est jamais un acte évident, surtout quand ce que l'on donne semble être un miroir de soi. En l'occurrence, dans chaque livre je retrouve un peu de mon âme. Les livres que j'ai lus ont tous réussi à me faire partager une histoire, à m'entraîner dans un autre univers. J'ai vécu avec chacun d'eux une relation intime, unique. Comment me défaire de toutes ces passions ?
Dans la douleur d'abord. Puis par envie que d'autres vivent la même chose et quelque part se rapprochent de moi, sans forcément me le dire, mais juste par l'acte, le passage d'une main à une autre...

Finalement, je crois que j'ai trouvé, pour moi en tout cas, la méthode pour à la fois échanger et rendre les auteurs immortels ! Rien que ça !
Par contre, je ne suis pas certain que cela remplisse leurs poches ;)

Le BookCrossing, comment faire compliqué quand on peut faire vrai !

Et vous qu'en pensez-vous ?

François Nicaise

[en mettant ce texte de François en ligne, j'écoute Calexico, Garden Ruin (Quarter Stick, 2006)]

8 commentaires:

Lucrecia Bloggia a dit...
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Lucrecia Bloggia a dit...

Très intéressant comme concept!
Et pourquoi ne pas laisser un mot, une petite lettre avec le bouquin, expliquant la démarche ainsi que les raisons pour lesquelles ce livre mérite d'être partagé?
Et aussi, peut-être, laisser le lien de ce blogue si toutefois le(la) futur(e) lecteur(trice) avait envie de partager son bonheur?
;¬)

Marie-Josée a dit...

Pour éviter le déchirement que suscite le fait de me départir d'un ouvrage, j'ai décidé, devant les proportions que prenait ma bibliothèque, d'emprunter les livres, dans un premier temps, à la bibliothèque et de ne les acheter que dans le cas où je suis certaine de les relire plus d'une fois. J'applique le même principe aux DVD... Quant au fait d'offrir les livres, oui, cela m'arrive souvent, mais ce n'est pas nécessairement un don désintéressé pour reprendre l'un des thèmes du billet, car je suis toujours un peu déçue lorsque je ne reçois aucun commentaire!
Heureusement que le monde des blogs permet d'élargir la plateforme des échanges...

Lætitia Le Clech a dit...

@ Lucrecia Bloggia : on peut obtenir des étiquettes qui expliquent la démarche du bookcrossing. On les colle à l'intérieur ou sur la couverture. On peut les commander sur le site du bookcrossing...
Quant à laisser le lien sur ce blogue...pourquoi pas ? On devrait "libérer" chaque livre dont on parle ici... Ah si j'en avais les moyens !

Lætitia Le Clech a dit...

@ Felice : Moi aussi je suis une grande utilisatrice des bibliothèques. Parfois, quand il y a de grandes ventes de livres (bazars ou autres), j'achète plein de livres qui me font penser à des amis et je les distribue à ceux-ci.
Quant au fait d'avoir un retour sur les livres que j'offre, j'essaye de ne plus avoir d'attentes, car parfois, un livre ne sera lu que plusieurs années plus tard. Ce n'est parfois tout simplement pas le moment !

Lætitia Le Clech a dit...

Merci à toutes les deux pour vos commentaires ! :)

Anonyme a dit...

Il est quelque fois nécessaire de faire un grand détour pour retrouver le chemin le plus court vers la simplicité.

L'idée du bookcrossing est bien plus que le simple fait de donner un livre. Elle est la poésie même du hasard qui bringuebale nos vies de gauche et de droite. Elle est la métaphore d'un chemin hasardeux : ici il n'est pas question de donner un livre, il est question d'interroger la géographie et notre rapport à l'aventure, au chemin, à la trace que nous imprimons dans la vie . En faisant cette démarche il me semble que l'on est plus proche de la bouteille à la mer contenant un petit papier roulé avec inscrit un SOS, que d'un don de générosité. Mais SOS pour quoi ? Y a t-il quelqu'un sur cette terre qui m'entend ? Qui me comprend ? Qui est connecté avec moi ? Ce que je fais a-t-il un sens ? Celui qui est loin de moi peut-il aussi être proche ? Et si les objets pouvaient parler que nous diraient -ils ? Bref, autant de questions que je ne me pose pas lorsque je donne un livre. Je n'ai jamais essayé le bookcrossing, mais j'en aime l'idée, comme on aime une utopie, un monde ou chaque bouteille mise à la mer serait un jour trouvée par la bonne personne : )
Sylvie F.

Lætitia Le Clech a dit...

Merci pour ta poésie Sylvie !