De Mumbai à Madurai, L'énigme de l'arrivée et de l'après-midi, de François Hébert, éditions XYZ, Collection Romanichels, 2013
Dans son dernier ouvrage, François Hébert nous livre le récit un peu chaotique de son voyage en Inde avec sa conjointe, de Mumbai à Madurai où ils doivent chacun donner une allocution lors d'un colloque sur la francophonie et la littérature. Celle de l'auteur s'intitule : «Études francophones, enjeux et perspectives» (p.58)
L'énigme de l'arrivée et de l'après-midi, titre qui s'inspire d'un livre de V.S. Naipaul (L'énigme de l'arrivée), écrivain d'origine trinidadienne et dont les ancêtres viennent de la plaine du Gange, lui-même inspiré par un tableau de 1912 de Giogio di Chirico du même titre (ou, pour être plus exacte, L'énigme de l'arrivée et de l'après-midi), foisonne d'informations, de réflexions, de petites phrases à saveur philosophique, historique, religieuse ou littéraire. Cet ovni littéraire correspond à ce fouillis que l'on peut ressentir (ou imaginer si on n'y est jamais allé) en Inde, comme cet enseignant, Laude, le résume : «L'Inde, c'est le plein». (p.103)
Ce titre, l'énigme de l'arrivée et de l'après-midi, devient une allégorie du voyage et de l'exil :
«L'étrangeté du tableau, dans l'esprit de Naipaul, porte sur l'indécidabilité de la situation : partirait-on sans pouvoir retrouver le point de départ, voudrait-on repartir que le navire ne serait plus là, etc.Écrit-on des livres pour s'exiler de la vie, ou bien en écrit-on pour y retourner?» (p.116)
Écrit dans un style proche de la poésie (l'auteur a publié aux Éditions de l'Hexagone plusieurs recueils de poèmes, dont Les pommes les plus hautes (1997), Comment serrer la main de ce mort-là (finaliste aux prix Alfred-DesRochers et du Festival international de poésie de Trois-Rivières, 2007) et Poèmes de cirque et circonstance (2009)), François Hébert démontre une certaine liberté et une grande aisance littéraire (et il en est conscient). Plusieurs passages nous rappellent l'existence de ces figures de style apprises à l'école, telles que les zeugmes, qui apportent une touche d'humour au récit :
«Son alter-ego fait du stop, prend des bus, des bières et son temps.» (p.64)
Mais l'abus de ces figures de style, ainsi que des nombreuses références littéraires (Malraux, Césaire, Le Clézio, Szymborska, etc.) et des appels à tous ces écrivains-voyageurs, Bouvier, Trojanow, ou à des auteurs ayant écrit sur l'Inde ou la religion (Henri Stierlin, Louis Gauthier) nous perd dans un dédale de pensées restant parfois en surface. L'auteur sautille d'un thème à l'autre, fait montre de sa grande connaissance ou de son désir de connaissance de l'Inde, tente de démêler l'hindouisme, aborde la difficulté de voyager dans un pays d'extrême pauvreté («Comment composer avec la misère ambiante? Nous avons des discussions à ce sujet.» (p.42). Mais au final, comprendre l'Inde nous semble impossible.
Il reste un sujet sur lequel revient l'auteur tout au long de son récit, et qui est comme un fil conducteur à sa réflexion :
«S'il y a un sujet qui tient le haut du pavé dans la littérature québécoise ces temps-ci, mais peut-être bien dans la francophonie et aussi dans les œuvres du monde entier, c'est la question des déplacements, forcés ou choisis, de l'exil ou des voyages, avec la nostalgie et les espérances.» (p. 47)
De Mumbai à Madurai, L'énigme de l'arrivée et de l'après-midi reste un court livre (128 pages) loin d'être inintéressant, mais qui peut sembler hermétique à certains moments. Le propos, très spontané, rédigé probablement "à chaud", invite le lecteur à aborder ce texte par petites touches, dévoilant ainsi quelques agréables surprises.
La critique de Christian Desmeules dans Le Devoir
La critique de Christian Desmeules dans Le Devoir
Lætitia Le Clech
Humeur musicale : Patricia Barber, Smash (Universal Music, 2013)
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