27 août 2010

La maison de Gabrielle Roy

Je suis présentement en voyage dans l'Ouest canadien et dans mon périple, j'ai fait un petit arrêt à Winnipeg, lieu de naissance de Gabrielle Roy, grande écrivaine canadienne de langue française.


J’ai donc visité à la maison où elle est née.

Je n’avais lu qu’un livre d’elle, Bonheur d’occasion, tellement important pour comprendre certaines aspects complexes du Québec (au même titre que les Chroniques du Plateau Mont-Royal de Michel Tremblay), et cette petite visite m’a fait découvrir une femme exceptionnelle. Je me suis procuré son livre Rue Deschambault, paru en 1955, qui porte le nom de la rue où se trouve cette fameuse maison, dans le quartier St-Boniface.

Gabrielle Roy a un parcours étonnant pour une femme de son époque, elle a voyagé énormément, a enseigné, est devenue une immense écrivaine et a même remporté le prix Fémina en France en 1947 pour son livre Bonheur d’occasion. Elle a également obtenu trois fois le prix du Gouverneur général ici au Canada.

Elle est morte en 1983 et a laissé de nombreux livres (15 je crois) qui pour la plupart sont basés sur des thématiques sociales et culturelles, et évoquent souvent l’exil et l’immigration. Sa mère lui a appris assez jeune l’importance de la langue française et l’a incitée à ne pas la perdre et à continuer d’écrire en français.

La visite de la maison de la rue Deschambault, une très belle maison construite en 1905, nous permet d’imaginer la vie de cette famille nombreuse, dont Gabrielle Roy était la petite dernière. J'ai commencé depuis le livre Rue Deschambault et après avoir visité la maison, j'ai l'impression d'y être encore !

Le quartier St-Boniface comporte aussi quelques lieux importants dans la vie de Gabrielle : l’école où elle est allée et l’école où elle a enseigné par la suite... C'est par ailleurs un très joli quartier où il est très étonnant d'entendre parler français à tous les coins de rue !

Après être tombée en admiration devant l'écriture de Gabrielle Roy, je suis tombée sous le charme de la femme volontaire, forte et mélancolique. Je vous invite à la découvrir vous aussi si ce n'est pas déjà fait.

08 août 2010

Beaux livres

Les routes mythiques, Élisabeth Dumont-Le Cornec, Éditions Belin, 2009

Femmes en résistance, Pierre-Yves Ginet, Éditions Verlhac, septembre 2009

Hors la loi, anarchistes, illégalistes, as de la gâchette... Ils ont choisi la liberté, Laurent Maréchaux, Éditions Arthaud, 2009

Aveuglée par les nombreux romans, au rayon nouveautés, offerts par nos bibliothèques, je ne prends que rarement le temps de m'attarder au rayon des "beaux livres" : ouvrages d'art, documents sur des sujets particuliers, livres de photographies, etc.
Cette fois-ci, ce fut une très belle pêche, puisque j'ai découvert ces trois très beaux livres qui m'ont vraiment fait voyager.

Tout d'abord, Les routes mythiques nous présentent, accompagnés de cartes et de photos, des textes nous décrivant l'histoire et l'utilisation des grandes routes mondiales. De la Route des esclaves à la fameuse Route 66, nous voyageons dans le monde entier et n'avons qu'une envie : partir à la découverte de ces routes ! Que ce soit à pied (Chemin de Compostelle, GR 20 en Corse), en bateau (route Transatlantique), en camion (Le Grand trunk Road en Inde), en voiture (La Route US 1), l'auteure, historienne et journaliste et qui a parcouru nombre de ces routes, nous présente la géographie entourant ces lieux, leurs différentes étapes, leurs fréquentations, et aussi, ce qui est très intéressant, les oeuvres littéraires ou cinématographiques qui parlent ou évoquent ces endroits.

Chronique Le livre du jour sur France Info

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Ensuite, le livre Femmes en résistance nous présente ces combats des femmes de l'ombre, celles dont on parle peu. Des mères de la place de Mai aux veuves d'Avega, au Rwanda, l'auteur nous explique dans un court texte ce qui motive ces femmes à résister : retrouver leurs enfants, leurs maris, leurs droits, leurs libertés. Ces femmes, patientes, fortes, pour qui le leitmotiv : «La seule lutte perdue est celle que l'on abandonne» constitue leur vie...
Pierre-Yves Ginet nous offre ensuite une série de photos de ces femmes, comme cette superbe photo de couverture, qui représente Maria Alexandrina Lourdes Lopez, membre du réseau des femmes séropositives en Angola.
Le livre est divisé en cinq chapitres : Exister, Résister, Militer, Survivre, et Reconstruire. Il nous ouvre les portes d'un monde que nous sommes parfois loin d'imaginer. L'auteur, Pierre-Yves Ginet, est lui-même devenu photojournaliste pour réaliser des documentaires sur ces peuples qui résistent, et notamment le peuple tibétain. Lors de ce travail, il a réalisé un travail approfondi de trois ans sur le combat des nonnes tibétaines, qui sont en première ligne de la résistance tibétaine.
Le livre a également été présenté en exposition dans plusieurs villes de France. Peut-être bientôt près de chez vous...

Comme le résume Taslima Nasreen, qui signe la préface du livre et qui est elle-même symbole international de la résistance aux intégrismes religieux et victime de plusieurs fatwas, «Parcourir un tel témoignage en faveur de la reconnaissance des femmes, aussi universel, aussi contemporain, ne peut que nous encourager toutes à poursuivre nos combats».

Le site de Pierre-Yves Ginet

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Enfin, le livre Hors la loi, de Laurent Maréchaux, nous offre de son côté l'histoire de ces bandits, illégalistes, Robin des Bois modernes, pirates, as de la gâchette, anarchistes et révolutionnaires. De Jesse James à Bonnie Parker et Clyde Barrows, en passant par Phoolan Devi, la reine indienne des brigands qui s'est battu contre ceux qui l'ont violée et battue, et pour qui je dois l'avouer j'ai un coup de coeur, jusqu'à Jacques Mesrine, dont on entend beaucoup parler ces temps-ci pour cause de sortie au Québec du film qui lui est consacré, ces 45 hommes et femmes ont un point commun : le point de départ de leur révolte (parfois sanglante) est le besoin de se rebeller contre une injustice, sociale, culturelle, économique, pour aller vers un idéal, la quête d'un monde meilleur.
Laurent Maréchaux retrace leur histoire jusqu'à leur mort, car tous sont allés vers une mort certaine et souvent violente. Ce livre se lit presque comme un roman d'aventures, et se regarde comme un beau livre d'art.
Comme l'a écrit Prosper Mérimée : «Je suis de ceux qui goûtent fort les bandits, non que j'aime à les rencontrer sur mon chemin ; mais, malgré moi, l'énergie de ces hommes en lutte contre la société tout entière m'arrache une admiration dont j'ai honte.»
L'auteur nous propose en dernier chapitre un commentaire sur les hors la loi du XXIe siècle :
«Les nouveaux hors-la-loi sont désormais dans la finance et l'informatique, et cambriolent, avant de se faire prendre et de tout perdre, d'obscurs marchés financiers. Aucun panache, aucun geste d'honneur. [...] Notre monde se meurt de n'avoir plus de hors-la-loi au grand cœur.»

La critique dans Le Devoir

En écrivant ceci, j'écoute Patricia Barber, A Distortion of Love (Antilles, 2003)

01 août 2010

Des souris et des salopes

Des souris et des salopes, De la misogynie en milieu animaliste, de Michelle Julien, Louise Courteau éditrice, 2010

« La hoppe - forme lorraine de huppe - est un oiseau réputé "sale" à cause de la forte odeur qui se dégage de son nid. Son utilisation a toujours une connotation sexuelle, ce qui n'est pas le cas avec "salaud", sa forme masculine.
"sale hoppe", "chienne", "peau de vache", "morue", "thon", "dinde", "poule", "bécasse"... Les noms d'oiseaux ne manquent pas pour rappeler aux femmes qu'elles appartiennent bien au monde animal.» (p.24)

Ces phrases donnent le ton de l'essai Des souris et des salopes écrit par Michelle Julien, et résument plutôt bien son propos. L'auteure démontre en effet que bien souvent, les femmes sont traitées (dans la pub, dans les médias) comme des animaux, sous prétexte de la défense de ces derniers.
La protection des animaux, par l'entremise d'associations comme la SPA (Société protectrice des animaux) ou PETA (People for the Ethical Treatment of Animals) est analysée et décortiquée de façon à montrer qu'elle prend l'allure d'images sexistes et dégradantes des femmes.

Dans un chapitre salé («Les PETAsses des médias», p.41), Michelle Julien dresse un portrait peu glorieux de la fondatrice de PETA, Ingrid Newkirk. À vrai dire, le livre est un véritable plaidoyer contre les méthodes appliquées par PETA pour utiliser les bénévoles plein de bonne volonté prêts à n'importe quoi, y compris à perdre leur sens critique et leur dignité. Apparemment, PETA est un as de la culpabilisation. Tout cela à des fins de mise en scène chocs illustrant les abus sur les animaux et leur condamnation.

La lecture de ce livre a coïncidé pour moi avec le feuilletage de la revue française FHM, absolument édifiante et qui illustre à la perfection le propos de fond de Michelle Julien. Dans cette revue, l'image des femmes (et des hommes - par ailleurs - qui ne sont pas en reste) correspond en tous points à ces clichés qui nous proviennent de la pornographie, ces images stéréotypées supposées plaire à la majorité (sous-entendu, ceux qui vont acheter la revue), ces images devenues totalement banales («Le bar des filles. Spécial grosses poitrines», photos de femmes photoshopées hyper maigres dans des positions évoquant des chattes en chaleur, mecs musclés et totalement imberbes...etc.), et que l'on nous impose sans cesse, à tel point qu'on ne les voit presque plus.
Michelle Julien met en lumière tout cela et son travail est à rapprocher par cet aspect du travail de Patric Jean, qui a réalisé La domination masculine.

Dans un dernier chapitre, après plusieurs entrevues, dont une avec Carol Adams, activiste féministe américaine incontournable qui est très réactive aux méthodes de PETA elle aussi, l'auteure nous présente trois affiches publicitaires pour des organisations de défense des animaux (dont une de PETA), et les commentaires de différentes personnalités de la question féminine et/ou animale, des militants ou des intellectuels, qui tour à tour considèreront ses trois affiches comme sexistes, misogynes, correctes ou intelligentes.
Une des intervenantes emploie le mot de "sexisme caritatif" qui résume bien ce que l'auteure tente de démontrer dans tout son ouvrage :
« L'utilisation d'images osées pour attirer l'attention et choquer. Malheureusement [...], les images montrent trop souvent les femmes en tant qu'objets sexuels, s'inspirent de la pornographie et ne font que renforcer le sexisme qui est si omniprésent dans notre culture.» (p.137)
Le rythme de cet essai est quelque peu essoufflant, au fur et à mesure que l'on prend conscience de toutes ces vérités qui ne nous semblent pas forcément évidentes si l'on n'y réfléchit pas. Nous sommes tellement conditionnés que cela en devient presque effrayant.
Les enchaînements entre les divers sujets et paragraphes ne sont pas toujours fluides et on perd parfois de vue le but de l'auteure. On pourrait penser que cette dernière mélange les fourchettes et les couteaux mais elle retombe toujours sur ses pattes pour nous amener là où elle le souhaite et en arriver toujours à la même conclusion.

Malgré ce fouillis, on peut donc noter la dernière phrase de l'essai de Michelle Julien : «La cause animale ne doit pas se construire au détriment de celle des femmes. Et réciproquement.» (p.162). CQFD.

Il existe un blog autour du livre de Michelle Julien

Ce livre m'a été offert par Louise Courteau éditrice, dans le cadre du projet Masse critique de Babelio. Merci à eux !
Critiques et infos sur Babelio.com

En écrivant ceci, j'écoute The XX, The XX (Beggars Banquet, 2009). J'irai d'ailleurs les voir en spectacle le 1er octobre prochain dans le cadre de Pop Montréal