30 septembre 2025

Le storyboard de Wim Wenders

Stéphane Lemardelé, auteur de bande dessinée basé en Estrie, a été engagé dans l'équipe du film de Wim Wenders, Every Thing Will Be Fine, tourné dans la région d'Oka et à Montréal en 2015. Le réalisateur souhaitait tourner en 3D et, entre autres pour cette raison, avait besoin d'un storyboard très précis. Collaborant ainsi avec le réalisateur, Stéphane Lemardelé documente chaque scène clé du film. Dans cette bande dessinée qu'il réalise quelques années plus tard en 2022, il écrit aussi beaucoup sur la vision du réalisateur allemand, qu'il admire manifestement (et moi aussi!).
De ces observations et réflexions résulte un ouvrage très riche et beau, qui, à travers la réalité d'un tournage de cinéma, nous apprend que chaque rayon de lumière influence la scène qu'un réalisateur a pensé. Pour réussir à nous émouvoir, nous, spectateurs dans nos fauteuils de cinéma, les artisans d'un film travaillent très fort au moindre détail.
Plus qu'un compte-rendu de tournage, Le storyboard de Wim Wenders est une réflexion approfondie sur le travail d'un réalisateur visionnaire et une lettre d'amour au cinéma et à la photographie.


Seul bémol, de nature éditoriale : les notes de bas de page encombrent le récit. Des notes en fin d'ouvrage auraient été plus appropriées, en admettant qu'une traduction aussi détaillée des expressions québécoises était absolument nécessaire...

Le site internet de Stéphane Lemardelé


Le storyboard de Wim Wenders, Stéphane Lemardelé, La boîte à bulles, 2022, 149 pages. 

15 septembre 2025

Pour une fraction de seconde

Le bédéiste Guy Delisle a publié cette année l'histoire d'Eadweard Muybridge, pionnier de la photographie et de l'animation, dont la vie a plus ou moins été oubliée. Il est celui qui a prouvé, par la photographie, qu'un cheval au galop ne touche pas le sol pendant une fraction de seconde.
On retrouve cette fameuse image sur la pochette du disque de Philip Glass, The Photographer, pièce de théâtre musical basée sur la vie d'Eadweard Muybridge.
Personnage hors du commun, Muybridge a fait de sa vie un vrai film de cinéma, défrayant la chronique pour l'assassinat de l'amant de sa femme, pour lequel il fut d'ailleurs acquitté. Au-delà de ce fait d'armes, Muybridge a eu mille vies, exerçant de nombreux métiers, toujours guidé par cette soif de découverte. Il a bénéficié de la fortune de son employeur, Stanford (le fondateur de l'Université du même nom), pour réaliser ses ambitions.
Guy Delisle a parsemé sa bd de véritables photos de Muybridge (toutes du domaine public), ce qui ajoute à l'aspect documentaire de cette œuvre, un peu comme l'avait fait Emmanuel Guibert avec les photos de Didier Lefèvre dans sa bd Le photographe, parue en 2003.

Guy Delisle reprend le fil chronologique de la création de l'image animée, en démontrant à la fois avec des explications très techniques et des considérations artistiques que Muybridge, 15 ans avant les Frères Lumière ou même Edison, savait comment projeter des images animées sur un écran fixe.
Guy Delisle répète souvent, depuis la parution de cet album, qu'il trouve difficile de dessiner des chevaux. Son sujet commande pourtant de savoir les détailler sous toutes leurs coutures... Et il le fait très bien ! Mais son travail va bien plus loin que ça, on sent au fil des pages sa fascination pour ce grand découvreur et aventurier que fut Eadweard Muybridge.

Pour aller plus loin : 
Critique BD : "Pour une fraction de seconde", la nouvelle BD de Guy Delisle sur les origines du cinéma

Pour une fraction de seconde : La vie mouvementée d'Eadweard Muybridge, Guy Delisle, Éditions Delcourt, 2025, 203 pages

10 septembre 2025

L'errance des racines : la vie au cœur d'une forêt

Dans cet essai organisé par saison, l'essayiste et conférencier Sébastien Ste-Croix Dubé partage ses réflexions sur la relation entre l'être humain et la forêt. Il démontre à quel point nous méconnaissons notre environnement. Mais ses constats et ses réflexions nous poussent à approfondir nos connaissances, à apprendre de façon intelligente à mieux intégrer nos vies au(x) territoire(s) et à la nature. Il explique brillamment et de façon positive, sans culpabilité, les impacts de l'homme sur la nature et de la nature sur l'humain.
En s'entretenant avec plusieurs personnes qui œuvrent dans le monde forestier (à son exploitation et à sa protection), il construit un récit qui touche à la fois à l'individuel et au collectif. En intégrant sa propre famille à ce récit, et notamment ses petites filles qui grandissent dans ce monde que l'on dit sans cesse en perdition, il ouvre un avenir des possibles, en symbiose avec cette forêt qui pourrait nous apprendre beaucoup. Une lecture qui fait du bien, toute en nuances, en petites touches, de ces phrases que l'on voudrait souligner ou inscrire dans notre cahier de méditation. Une écriture sensible, qui s'inscrit dans le genre nature writing, qui place la nature et le territoire au centre du récit.


Pour aller plus loin : 
Écrire les grands espaces, l’oeuvre au vert

L'errance des racines : la vie au cœur d'une forêt, Sébastien Ste-Croix-Dubé, Éditions Varia, Collection Prose de combat, 2024, 210 pages